La Toussaint.
Auteur : FRIANT Emile
Lieu de conservation : musée des Beaux-Arts (Nancy)
site web
Date de création : 1888
Date représentée : 1er novembre
H. : 254 cm
L. : 334 cm
huile sur toile. La scène se situe à l'entrée au cimetière de Pré ville à Nancy, le jour de la Toussaint.
Domaine : Peintures
© Musée des Beaux-Arts de Nancy - Photo C. Philippot
La Toussaint
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Dominique LOBSTEIN
Consacrée à tous les saints martyrs et fixée au 13 mai par le pape Boniface IV en 610, la commémoration de la fête de la Toussaint, inspirée d’une célébration de l’Eglise grecque connue depuis le IVe siècle, est transférée au 1er novembre par Grégoire IV (827-844) au début du IXe siècle et étendue à tous les saints. Depuis le pontificat de Pie V (1566-1572), les messes qui accompagnent cette solennité ont été enrichies de morceaux particuliers tels que l’oraison de la messe de vigile, Oratio de Spiritu Sancto, d’antiennes et de répons pour la messe du jour ainsi que de l’hymne Placare, Christe, servulis. Mais la forme de dévotion populaire qui consiste en une visite aux défunts et au dépôt de chrysanthèmes – choisis pour leur résistance aux premières gelées – sur les tombes le jour de la Toussaint, c’est-à-dire la veille de la fête de tous les défunts, ne se répand lentement qu’au cours du XIXe siècle, depuis les villes vers les campagnes.
Adossé au pilier d’une des portes d’entrée d’un cimetière de Lorraine, pays natal de l’auteur du tableau, un aveugle emmitouflé implore la charité des visiteurs, tandis que, dans leurs vêtements de deuil, un homme, deux femmes et deux fillettes se hâtent, les bras chargés de chrysanthèmes. Au-delà de la grille devant laquelle ils se pressent apparaît un paysage sommairement indiqué, parcouru de nombreuses silhouettes toutes vêtues de sombre. Le tour de force technique que représentent les grandes plages de blanc et de noir où le peintre fait jouer de multiples variations lui valut un succès immédiat lors de la présentation du tableau, au Salon de 1889. Admiratif devant une telle prouesse, P. Gauthiez, journaliste de L’Artiste, écrivait : « Ces passants tout vêtus de noir, qui reviennent du cimetière et font aumône à un aveugle, semblent un défi porté aux tons noirs, aux gammes sombres, aux éclats sinistres du deuil. La victoire est belle. Le cimetière lorrain que je reconnais dans le fond, fait valoir de sa lugubre blancheur cette procession bourgeoise. » Si l’œuvre ne se vit pas décerner la médaille d’honneur « votée par tous les artistes récompensés au Salon », malgré le soutien de nombre d’entre eux, elle fut récompensée du Prix du Salon, « récompense donnée par le Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts ».
En 1912, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts éditait dans sa collection « Musée pédagogique » un fascicule de vingt-six planches avec commentaires intitulé Peintres de la vie moderne. L’auteur des textes, Louis Genevray, à propos du tableau de Friant, affirmait : « Tout cela, on le voit, ne dépasse pas les proportions d’un banal épisode de la vie parisienne », car il savait encore lire ce qu’impliquait la scène représentée. La codification du deuil bourgeois, connue à travers de multiples recueils d’usages et de comportements, nous permet de reconstituer avec certitude ce qui précéda ce premier novembre. Un des hommes de la famille est mort il y a de cela plus de six semaines – aucune sortie en ville n’étant possible pour les femmes avant l’expiration de ce délai –, mais moins de dix-huit, puisque la tenue est encore celle du « grand deuil » et qu’aucun bijou n’est porté. Les rituels funéraires, hérités de la monarchie, restent très présents encore à la fin du XIXe siècle, et s’assortissent encore du secours aux miséreux auquel va procéder la fillette qui mène le cortège.
Fanny FAŸ-SALLOIS, Images de la mort, Paris, RMN, 1989 (Carnet parcours du musée d’Orsay, 19).
Philippe ARIES et Georges DUBY (dir.), Histoire de la vie privée, tome IV « De la Révolution à la Grande Guerre », Paris, Seuil, 1987.
Dominique LOBSTEIN, « La Toussaint », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/toussaint
Lien à été copié
Découvrez nos études
Aspects de la misère urbaine au XIXe siècle
Plusieurs événements, sous la monarchie de Juillet, ont éveillé la réflexion de la bourgeoisie au sujet de la misère populaire : la révolution de…
L'Empereur et l'Impératrice reçus chez le sénateur-comte Mimerel
En 1867, le prestige du régime impérial est déjà fort terni, en France comme à l’étranger. À partir de 1865, l’autorité de l’empereur décline : il…
Le comte Robert de Montesquiou
A la fin du XIXe siècle, le portrait mondain, qu’il soit peint ou sculpté, suscite un engouement considérable. Reflet de la situation sociale de…
La Naissance de l’alpinisme
Pendant longtemps, les sommets demeurent un territoire interdit, où…
Le bal, une pratique sociale
Au XIXe siècle, le bal fait partie, selon des modalités variées, des loisirs de toutes les couches de la…
La femme bourgeoise chez Degas
Au milieu du XIXe siècle, la bourgeoisie contribue largement à faire triompher l’individu, la famille et la vie privée. Le discours public, tant…
Vision de la servitude paysanne
A la fin du XIXe siècle, la France demeure un pays largement rural. Les crises successives de l’agriculture ont certes contribué à dépeupler les…
La monarchie de Juillet ou le triomphe de la bourgeoisie
Louis-François Bertin a d’abord été le secrétaire du duc de Choiseul. Partisan de la Révolution en 1790 puis de la monarchie constitutionnelle, sa…
La vision de la mer au XIXe siècle
Avant 1750, les espaces océaniques n’attirent guère que les marins. Au XVIIe siècle, Claude Gellée, dit Le Lorrain, est l’un des rares…
Kupka et l’Assiette au beurre : L’Argent
Après la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, les interdictions qui frappent les journalistes, dessinateurs…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel