Mort de l'Empereur Napoléon III
Mort de Napoléon III
Mort de l'Empereur Napoléon III
Lieu de conservation : musée national du château de Compiègne (Compiègne)
site web
Date représentée : 9 janvier 1873
H. : 54 cm
L. : 78 cm
Photographe : Emmanuel Flamant.
Épreuve sur papier albuminé.
Domaine : Photographies
© RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Gérard Blot
IMP.243.007 - 15-600335
9 janvier 1873 : mort de Napoléon III à Camden Place
Date de publication : Novembre 2023
Auteur : Lucie NICCOLI
Mort de l’empereur malade et en exil après la défaite de Sedan
Le 9 janvier 1873 mourrait dans la résidence de Camden House, à Chislehurst, près de Londres, Louis-Napoléon Bonaparte, ex-empereur Napoléon III, troisième fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande, et d'Hortense de Beauharnais, fille adoptive de Napoléon Ier. Il avait rejoint l’impératrice Eugénie et le prince impérial dans leur exil anglais en mars 1871, à la suite de la défaite de Sedan contre la Prusse, le 2 septembre 1870, qui avait entraîné la chute du Second Empire, puis plusieurs mois de captivité au château de Wilhelmshöhe, en Prusse. L’empereur déchu espérait toujours revenir au pouvoir, comptant sur l’instabilité de la Troisième République. Cependant, très affaibli par la maladie de la pierre – des calculs vésicaux dont il souffrait depuis plusieurs années et qui l’avaient lourdement handicapé lors de la guerre contre la Prusse – il subit deux opérations de la vessie et succomba après la seconde.
L’annonce de sa mort ne suscita pas une grande émotion en France, Napoléon III étant tenu pour responsable de la défaite de Sedan, et seuls quelques officiers supérieurs ayant servi auprès du défunt, parmi lesquels le maréchal de Mac-Mahon, qui allait succéder à Thiers à la présidence de la République, obtinrent l’autorisation d’assister à ses funérailles. La reine Victoria, amie de longue date du couple impérial, et le roi d’Italie, parent de Bonaparte, avaient envoyé des représentants. Les obsèques furent suivies par une foule considérable en Angleterre – 30 000 à 60 000 personnes, selon les estimations, dont dix pour cents de Français. Dès janvier 1873, l’imagerie Pellerin, à Épinal, fidèle aux deux Napoléon, publia une planche spéciale pour raconter l’événement, et le photographe Emmanuel Flamant, ex-opérateur du comte Olympe Aguado, réalisa depuis Paris un photomontage édité en format carte de visite montrant l’empereur sur son lit de mort, veillé par ses proches.
Des images édifiantes pour raconter la mort de l’empereur en exil
L’image d’Épinal et le photomontage de Flamant rendent hommage à « l’empereur Napoléon III » sans évoquer sa déchéance. Dans l’image d’Épinal, étonnant mélange de faire-part de décès et de reportage illustré, les symboles de l’empire, très visibles, sont associés à ceux du deuil : les différentes scènes, sur deux registres, sont séparées par des palmes, symboles du martyre, entrelacées avec des phylactères (1) portant les titres, et des tentures noires brodées d’abeilles impériales, comme celles dont étaient tendus les murs de la chapelle ardente. Le « N » est inscrit plusieurs fois dans des couronnes mortuaires, symboles de la vie éternelle, et la couronne impériale surplombe la grande croix blanche de la chapelle, comme pour rappeler l’alliance de l’Église et de l’Empire. Sous le cercueil dans lequel est présenté le corps du défunt, revêtu de son uniforme de général et tenant une petite croix, copie miniature de la grande, la main de justice des rois de France, dans une couronne funéraire, est croisée avec une torche encore allumée, symbole de vie. Sur l’attelage tiré par huit chevaux caparaçonnés de noir figurent encore les armes impériales à l’aigle sur fond de manteau brodé d’abeilles et surmonté de la couronne. Les trois images du registre supérieur disent l’intimité du décès et du recueillement, tandis que la grande image qui occupe le registre inférieur montre, conformément au texte de commentaire, la foule des dignitaires élégants qui suit le cortège funèbre, le prince impérial en tête. Louis-Napoléon apparaît à son avantage dans son cercueil, serein et rajeuni, « n’accusant aucun signe d’agonie », alors qu’une photographie prise par William Downey sur son lit de mort laisse voir le visage d’un vieillard usé par la maladie.
Dans le photomontage d’Emmanuel Flamant, Napoléon III repose dans un lit à baldaquin rehaussé par une estrade, devant lequel est agenouillé un jeune homme – le prince impérial – et, derrière lui, une femme portant le deuil – l’impératrice Eugénie –, tandis qu’un prêtre, à gauche, agenouillé devant la table de chevet, semble penché sur un livre de prières. Deux tableaux encadrent le lit : à gauche, une représentation du prince impérial enfant, peut-être une photographie du même Flamant ; à droite, le portrait de l’impératrice peint par Franz-Xaver Winterhalter en 1854 (Museum of Fine Arts, Houston). Au premier plan, à droite, figurent les proches de la famille impériale, ceux qui l’avaient accompagnée dans son exil britannique : de gauche à droite, Eugène Rouher, ancien ministre d’État qui prit la direction du parti bonapartiste en 1873, Henri Conneau, premier médecin de l’empereur et Lucien Corvisart, son adjoint, Émile Fleury, grand écuyer de la Couronne, et Firmin Rainbeaux, dévoué à l’impératrice. Cette chambre ne correspond pas à celle de Camden House, représentée dans l’image d’Épinal ainsi que dans une aquarelle du peintre anglais George Goodwin Kilburn, commandée par l’impératrice Eugénie. Il est donc probable que le visage de Napoléon – sans doute tiré d’une photo de son vivant – ait été inséré dans ce nouveau décor, de même que les silhouettes des autres personnages de la scène et les deux tableaux. La disposition des meubles et des personnages dans cette chambre, qui ne ressemble à aucune de celles occupées par Napoléon III, rappelle les tableaux traitant de la mort héroïque des grands hommes, par exemple La Mort de Léonard de Vinci par Ingres.
La multiplication des images au Second Empire et la fabrique des icônes
Ces images populaires – planches gravées ou photographies en format carte de visite –, vendues quelques sous et largement diffusées, contribuaient à informer le peuple. Elles s’appuyaient sur la force des symboles, la narration et l’anecdote pour retenir son attention. L’image d’Épinal relatant dans le détail la mort et les funérailles de Napoléon III s’inscrit dans la continuité des images pieuses puis des planches illustrant l’épopée napoléonienne, éditées par la fabrique Pellerin. En dépit de la désastreuse défaite de Sedan, l’empereur y est honoré comme un chef de guerre entouré de ses généraux et maréchaux. Ces images pouvaient être conservées dans des albums ou orner les murs des intérieurs modestes. À partir des années 1860, elles furent concurrencées par le développement de la presse illustrée bon marché comme Le Journal illustré (fondé en 1864).
Le photomontage réalisé par Flamant faisait également partie de ces images, produites en série, que chacun pouvait se procurer et collectionner avec d’autres photos de célébrités. Le format dit « carte de visite » avait été inventé par le photographe parisien Eugène Disdéri grâce à la mise au point, en 1854, d’un appareil multi-objectifs permettant de reproduire plusieurs clichés sur une même plaque de verre ; les photos obtenues, de petite taille, étaient ensuite contrecollées sur des cartons d’un format proche de celui d’une carte de visite (environ dix centimètres sur six). Avec l’essor de la photographie commerciale, les professionnels tels que Disdéri, Olympe Aguado, Emmanuel Flamant et, plus tard, Eugène Appert, n’hésitent pas à pratiquer des montages photographiques plus ou moins vraisemblables, par commodité et souci d’économie ou pour exprimer une opinion politique, la leur ou celle de leur commanditaire. Emmanuel Flamant avait ainsi déjà produit en 1872 un photomontage de la famille impériale en exil dans un salon paré de tous les symboles des deux empires, laissant espérer, comme dans l’image de la veillée funèbre, une continuité dynastique. (Opportuniste, il reçut aussi dans son atelier des républicains et des partisans de la monarchie). Les espoirs des Bonapartistes furent cependant anéantis par la mort brutale, en 1879, du prince impérial en Afrique du Sud. Ses funérailles furent célébrées, comme celles de son père, à Chislehurst.
Guy COGEVAL (sous la dir. de), Spectaculaire Second Empire 1852-1870, catalogue de l’exposition présentée au musée d’Orsay de septembre 2016 à janvier 2017, Skira, Paris, 2016.
Claude BRULANT, L’Empereur et le photographe. Essai sur l’usage de la photographie au Second Empire, SPM édition, Paris, 2021.
Thierry LENTZ, Napoléon III. La modernité inachevée, Perrin, Paris, 2022
1- Phylactère : bande de parchemin, enroulée aux extrémités. Dans le judaïsme y est inscrit un passage des Écritures. Dans l’art chrétien, à partir du Moyen Âge, le phylactère est tenu par des anges ou des saints personnages afin d’afficher leur parole.
Photomontage : Collage et/ou assemblage de plusieurs ou de parties choisies de photographies afin de créer une nouvelle image.
Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.
Lucie NICCOLI, « 9 janvier 1873 : mort de Napoléon III à Camden Place », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/9-janvier-1873-mort-napoleon-iii-camden-place
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