Retour d'un vol de nuit, 1918
Bombardement de nuit
Retour d'un vol de nuit, 1918
Auteur : FLAMENG François
Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web
H. : 31 cm
L. : 48 cm
Reproduction couleur photomécanique d'une aquarelle et gouache sur carton.
Domaine : Dessins
© Paris - Musée de l'Armée, Dist. GrandPalaisRmn / image musée de l'Armée
1168 C1 ; Eb 1286 / 14-533733
Vols de nuit
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Alexandre SUMPF
L’aviation militaire pendant la guerre de 1914-1918 : de nouveaux sujets pour une représentation moderne
Depuis le tournant du XXe siècle, les dernières innovations, machines ou technologies, sont un motif récurrent dans certains arts, notamment ceux plus « modernes » qui, comme la photographie ou le dessin, peuvent les capter de manière presque instantanée. Les débuts de l’aviation fournissent un exemple de choix en la matière : si les clichés des premiers vols, des premiers pilotes et des premiers engins sont la norme, associant pour toujours la photographie à cette aventure, de plus en plus de dessinateurs, qu’ils travaillent pour des journaux ou soient indépendants, s’emparent du sujet.
Quand éclate la Première Guerre mondiale, l’aviation militaire n’en est qu’à ses débuts (les premières écoles d’aviation sont nées en 1909), mais son rôle ne va cesser de croître durant le conflit. Par la diversité des modèles et des missions qu’ils peuvent remplir, les avions offrent ainsi à l’art des réalités nouvelles à représenter. En plus de leur participation à « l’effort de guerre », qui les voit souvent collaborer avec la presse ou l’armée pour montrer les troupes et la guerre sous un angle favorable, les dessinateurs trouvent donc en ce domaine la richesse de sujets inédits. Et parmi tant d’autres « premières », (premier combat aérien en octobre 1914 près de Reims, par exemple), la naissance et la spécialisation des premiers avions bombardiers, leurs premiers raids et leurs premières sorties nocturnes constituent un motif de choix.
Un thème dont s’empare François Flameng (1856-1923) dans les deux dessins de 1918 qui sont proposés ici : Bombardement de nuit et Retour d’un vol de nuit. Peintre, graveur, dessinateur et illustrateur renommé, il se consacre aux portraits, mais aussi à la peinture historique, à la décoration de grands bâtiments (comme la Sorbonne ou l’Opéra-Comique), ainsi qu’à l’affiche et à l’illustration publicitaires. Il est parmi les premiers à rejoindre le front en qualité de peintre officiel. Très actif et très impliqué pendant la période, il multiplie les déplacements pour représenter aussi bien les poilus dans les tranchées que, comme ici, les bombardiers les plus modernes. Il a alors beaucoup recours au dessin, qu’il reprend parfois pour des toiles exécutées lors de ses retours à Paris.
Nocturnes
Avec Retour d’un vol de nuit, Flameng utilise à merveille les ressources de la gouache et de l’aquarelle pour obtenir un bleu à la fois lumineux et profond, jouant des nuances et des effets de lumière pour figurer une nuit presque fantastique, poétique et sublime. Ce bleu constitue et donne son identité à l’œuvre, qu’il occupe en grande partie, puisque la vue du sol fait du ciel étoilé l’horizon et l’unique second plan. L’œuvre représente trois avions de type biplan revenant d’une mission nocturne. Au premier plan, entouré de cinq militaires en uniforme, un appareil vient d’atterrir (ses lumières sont encore allumées, son pilote encore dans le cockpit). Au second plan, un autre avion se rapproche du sol : on en perçoit moins les détails (même si la cocarde tricolore est visible sous les ailes inférieures). Au loin et encore haut dans le ciel, un troisième engin, bien reconnaissable, mais qui apparaît plus comme une ombre au fond de la nuit. Aux points lumineux des étoiles répondent ceux des projecteurs au sol (en bas à droite) et de l’aile inférieure des deux avions les plus proches. Les deux grands rais de lumière jouent un rôle important. Le premier, issu du projecteur placé en bas à droite, barre le dessin d’une forte diagonale qui structure et dynamise la représentation en offrant l’occasion d’un travail sur le bleu du ciel et en « séparant » l’avion déjà posé de ceux qui sont encore en vol. Le second, formé par le triple projecteur de l’avion qui a atterri, semble sortir de l’image vers le spectateur, proposant une nouvelle ligne d’organisation et de fuite.
Appartenant à la même série que la précédente (les deux œuvres font la même taille, 30x50 cm, et sont contemporaines) et utilisant la même technique, Bombardement de nuit propose cependant une iconographie moins épurée. L’avion biplan est représenté de trois quarts, et d’assez près, ce qui explique qu’il occupe presque toute l’image et montre les détails de l’appareil (hélice avant surmontée d’une mascotte, hélice arrière, deux ailes, roues, carlingue décorée de l’insigne d’une escadrille, triple projecteur avant). Assis dans le cockpit éclairé et sans toit, le pilote semble dégager de la buée. Derrière lui, un autre aviateur a posé un pied sur l’aile de l’engin et, une carte à la main, regarde vers le bas. La bombe qui vient d’être larguée se détache en noir, au premier plan, sur le paysage urbain parsemé de points lumineux qui s’étend à l’infini sous l’appareil. Près d’un cours d’eau à droite apparaissent des cheminées d’usines, représentation qui indique le type de cible visé par le bombardier.
Entre guerre, aventure et fantastique
Bombardement de nuit et Retour d’un vol de nuit nous montrent de nouveaux avions et de nouvelles pratiques de guerre.
Conçus à l’initiative des frères Michelin, les bombardiers Bréguet-Michelin sont le fruit d’une collaboration entre les deux firmes. Le projet d’un tel avion naît dès 1911, et les premiers appareils sont construits en 1915 (parallèlement, une école est même fondée en 1916 par les deux frères à Aulnat, qui théorise la technique du « tir en traînée » permise par ces avions). Les BM I, II, IV, puis XIV (visible sur Bombardement de nuit ), dont on compte plus de 1 500 exemplaires en 1918, sont équipés de moteurs Renault. De plus en plus performants, ils sont capables de porter des charges toujours plus lourdes (plus de 340 000 bombes au total durant le conflit, fabriquées elles aussi par Michelin) et de rester plus longtemps en vol. L’appareil que montre Retour d’un vol de nuit est encore plus répandu, puisqu’il a été construit à plus de 10 000 exemplaires durant le conflit.
Flameng représente donc ces nouvelles machines, mais aussi les nouvelles pratiques qui y sont associées. Le bombardement de nuit et l’organisation d’une « base » aérienne nocturne en plein champ offrent ainsi des sujets propres à passionner le public et à alimenter l’image positive d’une guerre « moderne » et technologique assurée par de nouveaux héros.
Cependant, les deux images sont assez différentes. S’il n’est pas dénué d’une certaine poésie (les visages sereins et lumineux des deux pilotes), Bombardement de nuit suggère plutôt l’aspect aventureux et courageux (les pilotes, affrontant la nuit, l’altitude, le froid et le vent) du nouveau type de bataille, sans en oublier le côté guerrier et menaçant (la bombe, et la ville, où les fumées d’usines préfigurent celles des destructions à venir), le tout dans un style illustratif et direct. Retour d’un vol de nuit a un caractère fantastique. Si militaires et avions y rappellent discrètement la guerre, la représentation marque particulièrement par ses puissants rais de lumière, le bleu mystérieux, son atmosphère très futuriste, presque « spatiale ».
Antoine CHAMPEAUX, 1916. Michelin et l’aviation de bombardement 1911-1916, actes du colloque « 1916.L’émergence des armes nouvelles dans la Grande Guerre », Verdun, 1996, http://www.stratisc.org/EAN_6.htm
Philippe GUILLOUX, François Flameng, peintre de la Grande Guerre, in Gazette des Uniformes n° 138, septembre-octobre 1992.
Emmanuel MÈRE, Gabriel Voisin ou le Pionnier magnifique, Nanton, Éditions Hérode, 2002.
Pierre VALLAUD, 14-18, la première guerre mondiale, Paris, Fayard, 2004.
Alexandre SUMPF, « Vols de nuit », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vols-nuit
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Kazo
Bonjour
C'est juste un petit détail mais d'après le livre que j'ai, la photo serait inversée gauche-droite;
Voir :
http://photos-images.fr/flameng/5417_croquis_guerre.jpg
et ici la double page avec la photo dans le bon sens
http://photos-images.fr/flameng/5418_bombardement_Voisin.jpg
Tenez-moi au courant, merci.
Jean-Pierre Casaubon
Histoire-image
Merci Kazo,
Il y avait en effet inversion de l'image. Cela a été corrigé.
Benoît
Curieux
Bonjour,
il reste une image inversée, sur la page http://www.histoire-image.org/pleincadre/index.php?i=1078, d'autant plus ennuyeux qu'en cliquant sur la petite image correcte en bas, c'est une image inversée qui s'affiche en grand à côté !
Merci pour la correction,
--
Jean-Pierre Turchi
Histoire-image
Bonjour et merci pour votre oeil avisé.
La correction est désormais effective sur le site.
A bientôt,
Anne-Lise
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