Bullier. Tous les jeudis Bal masqué, fête de nuit. Samedis et dimanches Bal
La danse au Moulin Rouge.
La danse mauresque ou Les Almées.
Bullier. Tous les jeudis Bal masqué, fête de nuit. Samedis et dimanches Bal
Auteur : MEUNIER Georges
Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France (BnF, Paris)
site web
Date de création : 1896
H. : 60 cm
L. : 40 cm
Imprimeur : imprimeur Chaix (Ateliers Chéret).
Lithographie en couleurs.
Domaine : Affiches
Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica
FT 6-ENT DN-1 (MEUNIER, Georges)
La baraque de la Goulue et le bal Bullier
Date de publication : Octobre 2006
Auteur : Alexandre SUMPF
L’essor des spectacles dans le Paris de la Belle Époque
Sous l’impulsion du baron Haussmann, Paris se transforme en profondeur au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La « Ville lumière » brille autant par l’éclat de ses monuments que par les feux de ses mouvements artistiques, qui attirent les créateurs du monde entier. La variété des spectacles qui font la « nuit parisienne » élargit encore l’aura de la capitale. Cabarets des chansonniers, cafés-concerts, premières revues et bals populaires (grandes salles d’hiver ou jardins d’été) accueillent la bourgeoisie comme les classes populaires.
Le bal Bullier, construit en 1847 avenue du Montparnasse, à l’emplacement de l’actuelle Closerie des Lilas, a été pendant un demi-siècle le plus grand bal de Paris. Le Bal des étudiants, événement de la vie mondaine, s’y tenait chaque année. Le Moulin-Rouge est quant à lui fondé en 1889 place Blanche, à Montmartre, en lieu et place d’un bal semblable à Bullier. Là, triomphe le « chahut », également dénommé « cancan » ou « french cancan ». Il s’agit d’une forme débridée de quadrille, danse de couple où débauche d’énergie et audace gymnastique des variations comptent autant que les provocations et la suggestion érotique.
Les contemporains s’accordaient pour désigner la Goulue (Louise Weber, née en 1866) reine du cancan. L’association du dessin moderne des affiches de Toulouse-Lautrec et de la renommée de la Goulue, débauchée du Casino de Paris, assure le succès du Moulin-Rouge. Mais en 1895, cette dernière quitte la salle pour la foire du Trône où elle présente un spectacle de danse du ventre. Elle demande alors à son ami Toulouse-Lautrec de peindre les deux panneaux de sa baraque. Le trait radicalement nouveau de Lautrec, familier du monde interlope des cabarets, tranche avec la tradition picturale initiée par Chéret et poursuivie par Meunier.
Bals populaires et « nuit parisienne »
Dans l’affiche pour le bal Bullier, Georges Meunier s’approprie le style de son maître Chéret, pour qui légèreté et fluidité priment sur l’expressivité. L’affichiste préfère la nuance des dégradés au contraste. Seule la figure centrale de la danseuse ressort nettement grâce à un emploi savant du blanc, du noir et du jaune – une technique récemment imposée par Toulouse-Lautrec. Mais ni le visage de la jeune femme, perdu sous les fanfreluches et à peine dessiné, ni son pas de danse, plutôt anodin, ne permettent de l’identifier. De même, là où Lautrec aurait croqué un Valentin le Désossé reconnaissable entre tous, Meunier préfère suggérer en grisé un danseur plus joyeux qu’acrobate, plus bourgeois que bohème.
Les deux panneaux peints en 1895 par Toulouse-Lautrec à la demande de la Goulue livrent une vision moins éthérée de la fête parisienne. L’artiste retrace la destinée de la danseuse de cancan et célèbre en même temps une nuit parisienne déjà évanouie. Le panneau de gauche, référence au passé glorieux de la Goulue, est moins coloré que celui de droite, consacré à son présent. À gauche, la danseuse, tout en muscles, effort et rondeurs, entame son pas de quadrille – et sa fulgurante notoriété. Au premier plan apparaît son fameux partenaire, Valentin le Désossé. Les grands coups de brosse noirs et gris dessinent moins un portrait qu’un pantin schématique, où ne ressortent que les os saillants de la silhouette immortalisée par Toulouse-Lautrec sur une affiche pour le Moulin-Rouge. Le mouvement d’ensemble, esquissé vigoureusement, et la présence de figures identifiables parmi le public (Jane Avril et son grand chapeau) livrent en somme l’essence de l’époque du quadrille.
Sur le panneau de droite, Toulouse-Lautrec a représenté le spectacle offert par la Goulue dans sa baraque : une danse du ventre. Si des volutes roses donnent le ton de l’Orient, de même que les musiciens assis autour de la danseuse, la Goulue semble ne pas s’accorder à ce décor. Son costume n’est pas vraiment mauresque ni même exotique ; surtout, elle lève la jambe très haut comme pour un quadrille, sans rapport avec l’ondulante danse du ventre. Enfin, l’artiste et ses amis, témoins d’une époque révolue, tiennent lieu d’assistance : Paul Seseau au piano, Maurice Guibert de profil, Oscar Wilde de dos (le seul privé de couleur), Jane Avril et son chapeau, Lautrec lui-même – sa petite taille, son écharpe et son melon – et enfin Félix Fénéon.
Industrie du spectacle et création artistique
L’essor des cabarets et autres « caf’conc’ » parisiens date de 1867, lorsque la loi qui régit les spectacles autorise désormais toutes sortes de costumes, de danses et d’acrobaties. À la même époque, en 1866, Chéret dessine sa première affiche et la diffuse grâce à la technique de la lithographie en couleurs, inventée en 1837. Tirées à quelques centaines d’exemplaires, elles développent une publicité inédite pour les quelque cent cinquante salles parisiennes de l’époque. Si Toulouse-Lautrec (1864-1901) s’oppose par son style à Jules Chéret (1836-1932), Georges Meunier (1869-1934) en a été l’élève. Dans l’affiche du bal Bullier, nulle grivoiserie autre que celle autorisée par le « bon goût » : la peau de la danseuse est presque de la même couleur que le fond de l’affiche, épaules et cuisses restent couvertes. Au bal Bullier, on ne recherche sans doute pas la débauche – d’énergie, d’érotisme, d’alcool ou de drogue – qui caractérise certaines salles de Montmartre. En cette fin de XIXe siècle, l’association de l’industrie du spectacle, de l’affiche et de la création artistique marque l’émergence d’un phénomène éminemment « moderne ».
Jacques CHARLES, Cent ans de music-hall. Histoire générale du music-hall, de ses origines à nos jours en Grande-Bretagne, en France et aux U.S.A., Paris, Jeheber, 1956.
Concetta CONDEMI, Les Cafés-concerts. Histoire d’un divertissement (1849-1914), Paris, Quai Voltaire, 1992.
Jacques FESCHOTTE, Histoire du music-hall, Paris, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », 1965.
Alain JAUBERT, La Baraque de la Goulue à la foire du Trône, film documentaire de 31 minutes, coll. « Palettes », Paris, La Sept-FR3-Musée d’Orsay-Delta Image, 1992.
Jean-Claude KLEIN, La Chanson à l’affiche. Histoire de la chanson française du café-concert à nos jours, Paris, Du May, 1991.
Alain WEILL, Le Café-concert, 1870-1914. Affiches de la bibliothèque du musée des Arts décoratifs, Paris, U.C.A.D., 1977.
Toulouse-Lautrec, catalogue de l’exposition du Grand Palais, 18 février-1er juin 1992, Paris, R.M.N., 1992.
Alexandre SUMPF, « La baraque de la Goulue et le bal Bullier », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/baraque-goulue-bal-bullier
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Merci pour cette forme originale de découvrir le cadre de vie et biens d'autres sujets.
Permettez moi de préciser l'emplacement du Bal Bullier qui était de l'autre côté, au 39 av G. Bernanos, actuel Centre J. Sarrailh. Le nom de Closerie des Lilas fût d'abord utilisé en 1804, puis en 1847 à l'emplacement du Bullier avant d'être récupéré par l'actuel établissement au 171 bd Montparnasse.
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