Cadavre dans les barbelés
Morts devant la position de Tahure
Danse des morts
Cadavre dans les barbelés
Auteur : DIX Otto
Lieu de conservation : Historial de la Grande Guerre (Péronne)
site web
H. : 24 cm
L. : 29,3 cm
Appartient au cycle "La Guerre".
Eau-forte
Domaine : Estampes-Gravures
© ADAGP © Collection Historial de la Grande Guerre - Péronne (Somme) - Photo Yazid Medmoun
Le corps des morts
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Sophie DELAPORTE
Les eaux-fortes présentées ici appartiennent à un cycle de gravures intitulé « La Guerre » et réalisé par Otto Dix en 1924. Il s’agit de cinq albums comprenant chacun dix gravures. Ces derniers s’inscrivent dans la continuité de dessins réalisés sur le front de 1915 à 1918 par le peintre, engagé volontaire dès l’entrée en guerre de l’Allemagne en août 1914. L’essentiel de ce cycle a trait à la représentation des morts, corps atrocement mutilés, en phase de décomposition.
En quoi l’acte pictural sur le corps des morts contribue-t-il à révéler un traumatisme ?
Avec un souci inouï du détail qu’accentue l’intensité du clair-obscur, le peintre s’attache ici à représenter la déshumanisation des corps et la bestialité de la mort : « La guerre, c’est le retour à l’animalité : la faim, les poux, la boue, ce bruit infernal… En regardant les tableaux d’autrefois, j’ai eu l’impression qu’on avait oublié un aspect de la réalité : la laideur », indiquait Dix. Il insiste tout particulièrement sur les visages et sur les mains des morts qui révèlent au mieux, l’expression de la souffrance des corps devant la mort.
La technique de la gravure à l’eau-forte, à laquelle Dix travailla dès 1920, autorise une grande variété d’effets graphiques, depuis les fines hachures, la simple esquisse des contours jusqu’aux traits plus espacés. Elle contribue ainsi à renforcer l’idée de réel donnée aux compositions : « Purifier les acides, les recouvrir d’aquatinte, bref, la technique merveilleuse grâce à laquelle on peut travailler par étapes, tout à son gré. Du coup, le travail devient suprêmement intéressant. Lorsque l’on grave à l’eau-forte, on devient un véritable alchimiste. » La gravure à l’eau-forte permet à l’artiste de se remettre à l’ouvrage dès que la planche a été recouverte en partie d’une nouvelle couche de vernis à l’asphalte.
Dix peut ainsi reconstituer les étapes de la destruction, suggérées par les degrés de mutilation des corps, en gravant de plus en plus profondément dans la matière organique du vernis comme en témoignent Cadavre dans les barbelés et Morts devant la position de Tahure. Le visage et la main du Cadavre dans les barbelés sont mutilés par des blessures d’acide noires, aux bords rongés, aussi grandes que le poing. La Danse des morts montre un amoncellement de corps et de membres de soldats tués, avec une perspective plongeante. Ils sont éclairés par une lumière vacillante qui fait ressortir de l’obscurité les corps à l’abandon. La représentation des membres disloqués acquiert une valeur esthétique propre, qui résulte de l’étrangeté des corps rendus méconnaissables par leur déformation.
La représentation des corps par Dix trahit l’expression du trauma. En effet, la description particulièrement détaillée qu’il en fait révèle la récurrence de sa confrontation, dans l’après-guerre, à l’événement traumatique, et témoigne ainsi d’un travail de remémorisation. Le recours à l’acte pictural autorise le peintre à une mise à distance de l’expérience traumatique, comme il l’affirmait d’ailleurs dans un entretien accordé au milieu des années 1960 : « Je me faufilais dans mes rêves à travers des ruines dans les tranchées et boyaux. Il fallait que je me débarrasse de tout cela. En fait on ne s’aperçoit pas, quand on est jeune, que dans son for intérieur on souffrait malgré tout. Car pendant de longues années, pendant au moins dix ans, j’ai rêvé sans cesse que j’étais obligé de ramper pour traverser des maisons détruites et des couloirs où je pouvais à peine avancer. Les ruines étaient toujours présentes dans mes rêves. »
Otto Dix tente de rendre compte ici de l’indicible : l’expérience visuelle des corps des morts sur le champ de bataille. Elle apparaît essentielle dans le « témoignage » du peintre, représentant l’élément constitutif de l’événement traumatique : celui du rapport récurrent avec la mort, individuelle dans Cadavre dans les barbelés, en couple avec Morts devant la position de Tahure ou collective dans la Danse des morts.
Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.
Eva KARCHER, Otto Dix, Paris, Flammarion, 1989.
Eva KARCHER, Eros und Tod im Werk von Otto Dix, Studien zur Geschichte des Körpers in den zwanziger Jahren, thèse de doctorat, Munich, 1982.
Diether SCHMIDT, Otto Dix im Selbstbildnis, Berlin, Henschelverlag, 1978.
Sophie DELAPORTE, « Le corps des morts », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/corps-morts
Lien à été copié
Découvrez nos études
Napoléon et la politique des alliances
La politique internationale de Napoléon visant à asseoir sa dynastie le conduisit à se créer des alliés parmi les nouveaux souverains et à s’…
Le Traité de Versailles
La signature du traité de paix de Versailles intervient quelques mois après l’armistice du 11 novembre 1918. Mais l’armistice ne signifie pas la…
La Société du futur vue des années 20
Au milieu des années 20, Erich Pommer, le directeur des studios de la UFA à Berlin, accorde au cinéaste…
La Contre-propagande allemande sur le thème de la « barbarie »
Dans la bataille de propagandes à laquelle se livrent les belligérants entre 1914 et 1918, les Allemands, en réponse aux accusations d’assassinats…
La Grande armée fidèle à l'Empereur
Symbole s’il en est de l’unanimité populaire, le serment, devenu sous la Révolution la proclamation inaliénable du corps souverain de la nation,…
Une représentation de Louis XIV
Décidé peu après la paix de Nimègue (10 août 1678), le programme iconographique du plafond de la galerie des Glaces à Versailles constitue une…
Caricature et propagande
En France, en 1848, à la suite de la révolution de Février et grâce à l’abolition de la censure, Le Charivari connaît une…
L'annexion de l'Alsace et de la Lorraine
Le traité de Francfort (10 mai 1871) entérine l’annexion de fait de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine comprenant la ville de Metz. En 1872,…
La Révolte des tisserands
L’Allemagne de la fin du XIXe siècle est marquée par un climat social et politique…
Les emprunts nationaux pendant la guerre de 1914-1918
Durant la Première Guerre mondiale, l’épargne française est mise à contribution par le biais d’emprunts…
ntm
aiiiiiigttt
r
MESO
C'est trés joli!
maansko
j'adore cette image d'Otto Dix!
TomRock
L'image fait vraiment 2.93 cm sur 2.42 cm ???
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel