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Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794) et Marie-Anne Lavoisier (Marie-Anne Pierrette Paulze, 1758-1836)

Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794) et Marie-Anne Lavoisier (Marie-Anne Pierrette Paulze, 1758-1836)

Date de création : 1788-1789

H. : 259,7 cm

L. : 194,6 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

Public Domain, CC0 / The Metropolitan Museum of Art, New York, www.metmuseum.org ; purchase, Mr. and Mrs. Charles Wrightsman Gift, in honor of Everett Fahy, 1977

lien vers l'image

1977.10

Lavoisier et sa femme

Date de publication : Janvier 2021

Auteur : Stéphane BLOND

Élève et mécène de David

Au début des années 1780, Jacques Louis David (1748-1825) est un peintre à la mode au sein de la bourgeoisie parisienne. Passé par l’Académie de France à Rome, ses toiles représentent des sujets à l’antique qui font de lui le maître du néoclassicisme, tout en étant le portraitiste de la haute société.

À partir de 1786, Marie-Anne Pierrette Paulze (1758-1836), épouse du fermier général Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794), suit les cours particuliers de l’artiste. Deux ans plus tard, elle lui commande un tableau de son couple pour la somme considérable de 7 000 livres tournois.

Considéré comme le père de la chimie moderne, Antoine-Laurent Lavoisier investit sa fortune dans la recherche fondamentale. Ancien élève du collège des Quatre-Nations, il fait des études de droit, mais ne plaide pas. En 1770, il acquiert une charge de fermier général pour la collecte des impôts royaux et devient régisseur des Poudres. Dès lors, il réside dans l’hôtel du Grand Arsenal où il possède un laboratoire qui sert probablement de cadre au tableau de David. L’année suivante, il épouse Marie-Anne Paulze, elle-même fille d’un fermier général.

Achevé en 1789, mais non présenté au Salon, ce monumental double portrait est conservé par les héritiers Lavoisier jusqu’en 1924, date de sa vente au galeriste marchand d’art français Georges Wildenstein. Acheté par John Davison Rockefeller Junior, le tableau est revendu en 1977 pour 4 millions de dollars aux époux Wrightsman. Ils en font don au Metropolitan Museum of Art de New York.

La science expérimentale à l’honneur

David prend le parti de donner la vedette à sa généreuse commanditaire. Vêtue d’une longue robe de mousseline blanche et d’une perruque, elle est placée, debout, au centre de la toile. Le regard tourné vers le peintre et le spectateur, elle s’appuie sur l’épaule de son mari, assis devant sa table de travail, comme pour garder un œil attentif sur son activité. Les jeux de lumière orientent également le regard vers la protagoniste, à la manière de son époux qui n’a d’yeux que pour elle.

Antoine-Laurent Lavoisier porte un bel habit bourgeois, avec un costume noir et une chemise blanche à dentelle.

Un portefeuille de plans est posé sur le fauteuil situé à l’arrière. Un baromètre, un gazomètre et une cuve à eau sont représentés sur la table, alors qu’un ballon de verre à robinet d’arrêt est placé au sol.

La gloire d’un couple de chimistes

Scientifique de renom, Lavoisier est continuellement assisté par son épouse. En 1788, ils travaillent ensemble à la publication du Traité élémentaire de chimie dont l’époux corrige manifestement ici les épreuves. Publié l’année suivante chez le libraire parisien Cuchet, l’ouvrage se donne comme objectif de « réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie » grâce à l’étude de la composition de l’air et de la transformation des éléments. Ce traité est complété par treize planches gravées, avec des dessins réalisés par son épouse. Jacques Louis David fait référence à ces derniers par le portefeuille de plans, ainsi qu’en montrant certains des instruments scientifiques qu’elle a représentés.

Si les époux Lavoisier travaillent de concert, c’est le mari qui recueille les honneurs. Au moment où David réalise ce tableau, il est membre de nombreuses institutions françaises et étrangères : Académie royale des sciences, Société royale de médecine, Sociétés d’agriculture de Paris et d’Orléans, Royal Society de Londres, Institut de Bologne, Société helvétique de Bâle, Sociétés de Philadelphie, Harlem, Manchester, Padoue, etc. Néanmoins, David entend rendre hommage à l’action éclairée de madame Lavoisier dans le domaine de la science.

L’historienne japonaise Keiko Kawashima considère qu’avec madame Du Châtelet pour les mathématiques, Marie-Anne Lavoisier illustre le lien entre la science et le genre au siècle des Lumières. En effet, celle-ci s’intéresse à de nombreuses disciplines scientifiques, mais se passionne véritablement pour la chimie dont elle traduit de nombreux travaux européens. Elle tient salon, participe aux expérimentations, prend des notes, réalise des croquis et des dessins. Pourtant, sa posture contemplative sur la toile de David contraste avec celle de son époux, laborieuse.

Malgré ses apports substantiels à la chimie moderne et son approche réformatrice en tant que député de la noblesse aux états généraux de 1789, Antoine-Laurent Lavoisier représente aussi les intérêts financiers de la monarchie. Arrêté pendant la Terreur, il est guillotiné le 8 mai 1794. Sa veuve récupère ses instruments, dont certains sont encore conservés au musée des Arts et Métiers à Paris. En 1804, elle épouse en secondes noces le physicien américain Benjamin Thompson (1753-1814). Ensemble, ils réalisent notamment des travaux sur la chaleur.

HOUGHTON James R., Philippe de Montebello and the Metropolitan Museum of Art (1977-2008), cat. exp. (New York, 2008), New York, The Metropolitan Museum of Art / New Haven, Yale University Press, 2009.

KAWASHIMA Keiko, Émilie Du Châtelet et Marie-Anne Lavoisier : science et genre au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, coll. « Essais » (no 21), 2013.

MONNERET Sophie, David et le néoclassicisme, Paris, Terrail, 1998.

POIRIER Jean-Pierre, Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794), Paris, Pygmalion Gérard Watelet, 1993.

POIRIER Jean-Pierre, La science et l’amour : madame Lavoisier, Paris, Pygmalion, 2004.

Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.

Stéphane BLOND, « Lavoisier et sa femme », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/lavoisier-sa-femme

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