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Loi de séparation du 9 décembre 1905

Loi de séparation du 9 décembre 1905

Inventaire de Cominac près Oust (Hte Ariège) - Lecture de la protestation par le Curé protégé par les ours.

Inventaire de Cominac près Oust (Hte Ariège) - Lecture de la protestation par le Curé protégé par les ours.

Télégramme du sous-préfet d'Hazebrouck

Télégramme du sous-préfet d'Hazebrouck

Loi de séparation du 9 décembre 1905

Loi de séparation du 9 décembre 1905

Date de création : 1905

Date représentée : 9 décembre 1905

Domaine : Archives

© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie

Lien vers l'institution

AE/II/2991

La loi de séparation du 9 décembre 1905 et sa mise en œuvre

Date de publication : Novembre 2004

Auteur : Nadine GASTALDI

Une loi prévisible

L’évocation de la loi de Séparation des Églises et de l’État entraîne souvent la mise au singulier du mot Églises. Inexacte quant au droit, l’erreur est juste sur le fond : la loi achève un processus qui, depuis l’arrivée des Républicains au pouvoir (1879), vise à réduire le poids de l’Église catholique dans la société. Protestants et juifs acceptent sans heurt d’être détachés de l’État, malgré une certaine crainte de perdre la protection due au statut de culte reconnu. Mais pour les catholiques, la Séparation est un drame : la fin d’une alliance de 1400 ans entre la France et l’Église (baptême de Clovis, 496) ; le retour à la déchristianisation révolutionnaire.

Pourtant, la Séparation est en germe dès 1801 quand, préservant la liberté de conscience proclamée en 1789, le Concordat déclare le catholicisme seulement “ religion de la grande majorité des Français ”. La coexistence des croyances, la libre expression de l’anticléricalisme et de l’athéisme, la laïcisation de la vie et de l’enseignement publics y préparent les esprits. Pour libérer l'Église, quelques catholiques la souhaitent : dès la Restauration, l’abbé Félicité de Lamennais ; sous la Monarchie de Juillet, Mgr Affre, archevêque de Paris. À l’inverse, des anticléricaux, comme Léon Gambetta, la redoutent par peur de perdre le contrôle d’une Église encore puissante. Mais l’opposition intellectuelle entre l’Église et la “ modernité ” (Syllabus, 1865) et l'alliance d’une frange importante du catholicisme français avec la monarchie l’imposent aux Républicains, même si Léon XIII invite les fidèles à dissocier intérêts de l'Église et forme du gouvernement (encyclique Au milieu des sollicitudes, 1892).

Recherche d’un équilibre

Émile Combes, président du Conseil (juin 1902-janvier 1905), conçoit la loi comme une arme contre l’Église. Mais après sa chute, celle-ci est reprise dans un esprit de conciliation. Ses rédacteurs, dont Louis Méjan, dernier directeur des Cultes, et son rapporteur devant les Chambres, Aristide Briand, alors simple député, veulent une loi équilibrée qui protège également liberté de conscience et liberté de culte (article 1er) et qui affirme simplement la neutralité de l’État en matière religieuse : “ La République ne reconnaît, ne salarie ni subventionne aucun culte… ” (art. 2).

Le retrait financier de l’État n’est pas total : les aumôneries reçoivent toujours des fonds publics dans les “ lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ” (art. 2). Les anciens cultes reconnus gardent la jouissance des édifices mis à disposition par l’État ou par les communes (art. 13 à 15). Enfin, la loi exempte les cultes des formalités de la loi de 1881 sur le droit de réunion (art. 25) et permet des cérémonies extérieures, dans le cadre de la loi municipale de 1884 (art. 27).

Incompréhension et crise

Mais venant après les crises de 1902-1904 entre le gouvernement français et l’Église[1] et non négociée au préalable, la loi paraît au Saint-Siège la conclusion inacceptable d'une politique d'hostilité systématique. Pie X la condamne (bulles Vehementer et Gravissimo, février et août 1906).
Les catholiques français refusent donc son application. Ils ne forment pas les “ associations cultuelles ” prévues pour “ subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ” (art. 25). Ils s’opposent aux inventaires destinés à distinguer biens publics et biens des Églises (art. 3). La résistance est en général pacifique (Église fermée ou barricadée, lecture de protestation par le curé, sonnerie de cloches, rassemblement de fidèles disant prières et cantiques), mais elle réédite parfois d’anciennes formes de violences politiques et sociales. Dans une France aux campagnes pleines, ces troubles rappellent une longue lignée d’émotions paysannes, dont celles dues à la venue du collecteur d’impôts. La protection du percepteur chargé d’inventaire par les gendarmes accentue l’hostilité. La photographie qui montre la défense de la petite église de Cominac (Ariège) par des fidèles “ armés ” d’ours illustre cette France encore ancrée dans des traditions séculaires. Les costumes soulignent la permanence de la vie rurale. La présence des femmes, des enfants indique une communauté soudée autour de l’église, maison de tous. L’atmosphère d’inquiétude et de détermination est palpable et représentative.

En ville, l’agitation renvoie à l’action protestataire des droites, des Muscadins de la Révolution aux Camelots du roi de l’Entre-Deux-Guerres. En témoignent les circonstances de la mort, le 6 mars 1906, de Ghysel Gery, opposant de 29 ans, lors de l’inventaire de l’église de Boeschépe (Nord), que relate le sous-préfet d’Hazebrouk dans sa dépêche. Alors que la procédure s’achève, des manifestants extérieurs surviennent et engendrent le désordre qui amène le fils du percepteur à tirer. À partir d’un lieu, comme à Boeschépe, le trouble peut s’étendre. Ainsi, dans les zones industrielles, les actions “ catholiques ” entraînent des ripostes ouvrières “ socialistes ”.

Devant l’émoi de campagnes déjà en difficulté (crise viticole) et le risque d’émeute ouvrière, le gouvernement renonce aux inventaires en cas d’opposition. Finalement, en 1907, faute d’associations, les biens de l’Église de France sont confisqués. Ajoutée aux pertes subies par les congrégations en 1901-1904, cette “ spoliation ”, que le législateur de 1905 ne voulait pas, éveille l’écho chez les catholiques français de la grande “ spoliation ” de 1789. Mais l’usage des églises et les cérémonies étant conservés, le conflit s’apaise. Cependant, l'Église de France demeure sans existence légale et les relations avec le Saint-Siège rompues.

Définir et adapter

Face au refus catholique, le gouvernement se trouve dès l’abord contraint à repenser la loi. Régulièrement, depuis, le rapport entre État et religions est réexaminé et le concept de laïcité, non défini en 1905, reconsidéré. Après la Grande Guerre, le gouvernement choisit de maintenir le Concordat en Alsace-Moselle. En 1923-1924, les accords entre Briand, alors Président du Conseil, et le nonce Ceretti autorisent des “ associations diocésaines ” pour gérer les biens des paroisses catholiques. En 1939, un régime cultuel spécial est créé pour les colonies (décrets Mandel). En 1958, est mis en place l’enseignement privé sous contrat. Actuellement, se pose la question de l’islam. Car laïcité de l’État ne signifie pas indifférence à la présence du religieux dans la sphère publique, mais refus de son officialité et affirmation de limites entre public et privé, particularités de la foi et universalité de la loi.

JEUFFROY J. et TRICARD Fr., Liberté religieuse et régime des cultes en droit français. Textes, pratique administrative, jurisprudence, Paris, Cerf, 1996LALOUETTE J., La République anticléricale, XIXe - XXe siècles, Paris, Seuil, 2002LATREILLE C., Après le Concordat : l'opposition de 1803 à nos joursParis, 1910MAYEUR J.-M., La Séparation des Églises et de l'État, Paris, éd. ouvrière, 1991RÉMOND R., L'Anticléricalisme en France de 1815 à nos jours, Paris, Fayard, 1976

1. Crises de 1902-1904 entre le gouvernement français et l'Église Lois contre les congrégations enseignantes ; condamnations répétées d'ecclésiastiques pour soutien aux congrégations, communication directe avec Rome ou diffusion d'actes pontificaux non reçus en Conseil d'État ; conflits de " l'entente préalable " et du nobis nominavit sur la nomination des évêques ; visite du Président Loubet au roi d'Italie à Rome, alors que la ville est revendiquée par le pape depuis sa perte (1870) ; rupture des relations diplomatiques, après la visite ad limina (visite au Pape pour rendre compte de la gestion de leur diocèse) imposée à deux évêques français. 

Nadine GASTALDI, « La loi de séparation du 9 décembre 1905 et sa mise en œuvre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/loi-separation-9-decembre-1905-sa-mise-oeuvre

Anonyme (non vérifié)

L'Organisation catholique appelée religion catholique continue a vouloir imposer son dictat. Un exemple: Les cloches. Dans presque toutes les communes de France les riverains subissent un martélement insupportable. Il faut en plein été laisser ses fenêtres fermées, le travailleur en poste ne peut trouver le juste sommeil réparateur, les bébés se réveillent en sursaut ... La séparation a été désirée par le peuple Français, mais l'organisation a continuée sa djihad (guerre) contre la République. Cette organisation c'est pourtant que nous avons l'heure au poigné, dans la voiture, sur le portable, l'ordinateur ... Mais elle veut avoir l'ascendent sur le petit peuple et faire de la proximité de son édifice son petit vatican. Théodore

lun 19/09/2011 - 06:09 Permalien

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