La leçon d'anatomie du Docteur Velpeau.
Auteur : FEYEN-PERRIN François-Nicolas
Lieu de conservation : musée de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (Paris)
site web
Date de création : 1860
Date représentée : 1860
H. : 200 cm
L. : 300 cm
Dessin préparatoire, crayon sur toile
© Cliché Archives, Assistance publique, Paris.
H5A
Une leçon d’anatomie au XIXe siècle
Date de publication : Septembre 2004
Auteur : Anne NARDIN
Une leçon d'anatomie au XIXe siècle
Une leçon d'anatomie au XIXe siècle
Le modèle de la médecine clinique (du grec klinè, « lit ») qui s’affirme à la fin du XVIIIe siècle repose sur deux piliers : l’observation au chevet du malade et la pratique de la dissection. La première recense, identifie et interprète les symptômes ; la seconde vérifie sur le cadavre l’exactitude du diagnostic posé, ou le précise, voire le corrige. Cette nouvelle médecine, qui connaît son plein essor au XIXe siècle, entend recourir désormais exclusivement aux moyens de la science : l’observation, l’expérimentation, la vérification. La théorie ne s’appuie plus que sur des faits ; jusqu’aux grandes découvertes de Pasteur, le savoir médical se réorganise à partir de la méthode « anatomo-clinique ».
L’hôpital public devient son grand laboratoire : la diversité des cas y est inépuisable, et la réforme des études de médecine, en 1794, en a fait le lieu de l’enseignement pratique pour les étudiants. A Paris, l’élite des médecins y enseigne. L’anatomie s’y apprend dans le grand amphithéâtre que l’administration des hôpitaux et hospices a construit en 1830 et dans la salle d’autopsie de chaque établissement. C’est là, sous l’autorité du maître, que se dévoilent les grands mystères de la nature et que l’énigme d’une pathologie est enfin élucidée.
Cette œuvre très aboutie est un dessin au crayon sur toile et constitue l’esquisse du tableau définitif. La composition célèbre la nouvelle science, à travers la figure du Dr Velpeau, chirurgien de l’hôpital de la Charité et professeur de clinique chirurgicale à la faculté de Paris, membre de l’Académie de médecine puis de l’Académie des sciences. Sa figure domine le groupe d’élèves dont l’attention se concentre sur le cadavre. Tous sont penchés, avides d’apprendre et de comprendre. Lui seul se dresse, dans une attitude d’autorité souveraine – celle que confère la science. Sa présence s’inscrit dans un triangle, dont le cadavre constitue la base et l’isole du reste du groupe. Le peintre se sert du dessin du tablier pour souligner le schéma structurant de la composition. Enfin la lumière se concentre sur le point central : blancheur du corps, des tissus et de la couronne de cheveux du maître, en une métaphore de ce travail de dévoilement ; de la profondeur obscure des organes - dont toutefois le peintre nous épargne la vision - surgit la lumière de la vérité.
L’organisation de cette scène veut exprimer une certitude et, au-delà, annoncer un triomphe : celui d’une science en marche, sûre d’elle-même parce que sûre de sa méthode. En ce XIXe siècle, c’est désormais la médecine qui concentre de nouvelles espérances, car elle apporte des réponses qui de plus en plus vont permettre de soulager les maux du corps et peut-être, un jour, de les guérir.
On remarquera que douze disciples entourent le maître. L’allusion à la Cène n’est pas neutre ; dans un siècle matérialiste qui croit à la science et au progrès, elle exprime la foi en ce personnage du médecin, dont le savoir fait reculer la maladie et parfois la mort. Par le recours à une image aussi forte et efficace, le tableau acquiert la dimension d’une icône pour mieux répandre la nouvelle foi laïque.
Marie-José IMBAULT-HUART « L’approche scientifique de la maladie et de la santé : constitution du champ moderne de la pathologie », in L’Homme et la santécatalogue de l’exposition présentée à la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, Paris, Le Seuil, 1992.
Guenter B. RISSE « La synthèse entre l’anatomie et la clinique », in Histoire de la pensée médicale en Occident, t. II « De la Renaissance aux Lumières », sous la direction de Mirko D. GrmekParis, Le Seuil, 1997.
Michel SAKKA Histoire de l’anatomie humaine Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1997.
À découvrir Rembrandt : la leçon d’anatomie
Anne NARDIN, « Une leçon d’anatomie au XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/lecon-anatomie-xixe-siecle
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