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La Petite blanchisseuse

La Petite blanchisseuse

Un Martyr. Le Marchand de violettes

Un Martyr. Le Marchand de violettes

Le Pâtissier et le ramoneur

Le Pâtissier et le ramoneur

La Petite blanchisseuse

La Petite blanchisseuse

Date de création : 1896

Date représentée :

Planche n° 25 du Premier Album des peintres-graveurs.

Éditeur : Ambroise Vollard

Lithographie.

Domaine : Estampes-Gravures

© RMN-Grand Palais / Agence Bulloz

Lien vers l'image

00-020702

Les métiers de rue des enfants pauvres

Date de publication : Juillet 2007

Auteur : Myriam TSIKOUNAS

La loi du 22 mars 1841 réglementant le travail juvénile ne concerne que les établissements employant plus de vingt salariés. De fait, au moins jusqu’à la loi Jules Ferry du 28 mars 1882 sur l’obligation scolaire, des garçons et des filles de moins de dix ans continuent d’être engagés, pour des salaires de misère, par des artisans, commerçants et marchands de quatre saisons. Habillés de guenilles, le visage couvert de suie, encombrés de paniers ou de hottes trop lourds pour eux, ces malheureux sont bien visibles et attirent l’attention des artistes qui commencent, au XIXe siècle, à faire de l’enfant le sujet de leurs romans et scènes de genre. Grâce à eux, des lois sur l’apprentissage et sur l’éducation vont se succéder, mais elles auront du mal à atteindre les populations d’orphelins et d’étrangers, le plus souvent sans domicile fixe.

Ces trois enfants offrent un point commun : par tous les temps et en toutes saisons, leur métier les oblige à parcourir la ville jusqu’à l’épuisement.
Chez Pierre Bonnard et chez Fernand Pelez, ces petits ouvriers sont seuls et tout concourt à accentuer leur isolement : à l’exception d’un chien errant, les rues sont désertes et un cadrage en plongée empêche de voir le ciel. Les deux artistes réussissent aussi à suggérer, chacun à sa manière, que ces deux « martyrs » se sont faits voler leur enfance. Le garçonnet est jeune mais déjà souffreteux. Endormi contre le mur d’un immeuble avant d’avoir fini de vendre ses bouquets, très maigre et les pieds nus, il paraît à bouts de forces. Il respire avec difficulté comme en témoigne la bouche ouverte. La fillette, elle, est sans âge. Si le parapluie noir et le panier à linge, trop grands pour elle, n’étaient pas là pour rappeler sa petite taille le spectateur pourrait croire qu’il est en présence d’une vieillarde. En outre, le personnage, montré de dos et comme plaqué au sol par une étonnante déformation de la perspective, semble n’être qu’une ombre, désincorporée.
Si, chez Pelez, tout est gris de sorte que le marchand de violettes semble happé par le décor, chez Bonnard et Chocarne-Moreau, en revanche, les couleurs sont tranchées. La silhouette noire de la blanchisseuse contraste avec le linge immaculé ; le ramoneur, couvert de suie de la tête aux pieds est la contre réplique de l’apprenti pâtissier à la toque et à la veste parfaitement blanches.
Mais Chocarne-Moreau, contrairement à Bonnard et Pelez ne dramatise pas la scène. Le petit ramoneur, à la différence des deux autres enfants n’est pas désespérément seul. Un camarade, qui lui aussi travaille, lui offre à manger, à même la casserole, le dessert qu’il a mitonné. Cette solidarité est formellement exprimée par la présence, sur la palissade du deuxième plan et sur la colonne Moriss au fond du champ, d’affiches bariolées.
Et cette composition est si gaie, avec ses couleurs vives et ses contrastes simples entre le noir et le blanc, la propreté et la crasse, qu’elle sera copiée, à l’aube du XXe siècle, par plusieurs publicitaires chargés de vanter les mérites d’une lessive (La lessive et la ménagère) ou d’un amidon (Rémy).

Dès la monarchie de Juillet, pendant que les hommes politiques et les enquêteurs sociaux dénoncent le travail trop précoce au nom de la défense des intérêts nationaux, les artistes décrivent ou dépeignent l’enfance malheureuse pour susciter l’émotion et l’indignation des Français.
Ces actions convergentes vont permettre d’améliorer la condition juvénile même si, pour les petits métiers, les mesures prises peinent à être appliquées.
La loi sur l'apprentissage, promulguée le 22 février 1851, oblige les patrons à laisser au jeune ouvrier des heures pour s'instruire mais comment faire respecter le texte quand l’enfant travaille dans la rue, change fréquemment d’emploi et de domicile ? De quelle manière convaincre l’instituteur d’adapter sa pédagogie à ces élèves sales et déguenillés, qui passent dans leur salle de classe comme des météores et ne parlent souvent que le patois ?
La loi du 19 mai 1874, qui renforce celle de mars 1841 sur le travail des enfants, interdit le labeur de nuit des moins de seize ans mais comment obtenir dans la boulangerie-patisserie que les apprentis besognent de jour ?
Les petits ramoneurs, méprisés des citadins en raison de leur accent et de leur malpropreté, ont peuplé l’univers littéraire et artistique, d’André le Savoyard de Charles-Paul de Kock à Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault. De fait ils sont devenus des types pittoresques et ont rapidement symbolisé l’enfance malheureuse. Mais, en réalité, les garçons, qui partent en bande pour Lyon ou pour Paris et rentrent au pays quand ils ont suffisamment économisé, sont moins à plaindre que les jeunes filles. En effet, ces dernières, que les filateurs lyonnais viennent chercher en leur promettant un avenir radieux, tissent sans relâche dans des ateliers insalubres, humides et sans air, puis sont renvoyées dès que les commandes manquent, accusées par les ouvrières françaises d’accaparer l’ouvrage. Beaucoup, souffrant de pleurésies, meurent avant d’avoir pu regagner leur village d’origine.
Les Savoyards ne sont pas non plus moins bien traités que les autres frontaliers. Par exemple, à partir de 1845, quand les Flandres connaissent une crise économique sans précédent, de nombreux enfants belges se font embaucher, à vil prix, non seulement dans les filatures et les briqueteries du Nord mais dans les mines où ils sont les premières victimes des coups de grisous et autre inondation de galerie.

Gilles CANDAR, Enfances du XIXe siècle, article sur le site La Tribune de l’art

Chantal GEORGEL, L’Enfant et l’image au XIXe siècle, dossier du musée d’Orsay, n° 24, RMN, 1988 

L’Enfant, Carnet parcours du musée d’Orsay, n° 16, RMN, 1989.

Pierre PIERRARD, Enfants et jeunes ouvriers en France (XIXe-XXe siècles), Paris éd. Ouvrières, 1974 (rééd.1987).

Jean SANDRIN Enfants trouvés, enfants ouvriers (XVII-XIXe siècles) Paris, Aubier, coll. « Floréal », 1982.

Myriam TSIKOUNAS, « Les métiers de rue des enfants pauvres », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/metiers-rue-enfants-pauvres

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