Le conscrit Camille
Numéro de conscrit, classe de 1869.
Le conscrit Camille
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
H. : 41,1 cm
L. : 21,8 cm
Huile sur bois.
Le conscrit porte sur son chapeau une étiquette avec le n° 120.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi
1955.139.3 - 99-018295
La conscription au XIXe siècle
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Ivan JABLONKA
Pendant la majeure partie du XIXe siècle, la conscription, ou obligation pour tous les garçons de servir sous les drapeaux, n’a jamais été appliquée stricto sensu. C’est la loi Jourdan qui l’institue en 1798 (an VII) : tous les hommes peuvent être mobilisés en temps de guerre, tandis qu’en temps de paix l’armée fait principalement appel à des engagés volontaires. Pour mettre en œuvre cette décision, tous les hommes âgés de 20 ans (sauf les hommes mariés, les infirmes, etc.) seront inscrits ensemble – d’où le terme de « conscription » – sur une liste de recrutement.
Ce système de l’obligation militaire, sur lequel s’appuie l’effort de guerre napoléonien, est supprimé à la Restauration. Mais comme les engagements volontaires ne sont pas suffisants pour assurer les effectifs d’une armée de métier, le ministre de la Guerre, Gouvion Saint-Cyr, fait voter en 1818 une loi qui institue un service long de six ans auquel doivent se plier les jeunes gens qui ont tiré au sort un mauvais numéro, ou les remplaçants qu’ils auront trouvés. Pour cette raison, entre 1815 et 1870, la masse des soldats français est constituée d’appelés ayant tiré un mauvais numéro, de remplaçants et d’engagés volontaires.
La loi de 1872 introduit un changement important : bien que le tirage au sort soit maintenu, le remplacement est supprimé. La moitié du contingent doit effectuer cinq ans de service actif, l’autre un an.
Le recrutement, qui a lieu dans le chef-lieu de canton, obéit à un rituel précis. Le jeune homme tire au sort son numéro de conscrit, ici numéro 40, représenté sur papier aquarellé. Après avoir tiré le mauvais numéro et s’il ne peut se faire remplacer, le conscrit passe devant le conseil de révision. S’il n’est ni phtisique, ni infirme, ni trop petit, il est déclaré « bon pour le service », comme ici le Conscrit Camille.
Celui-ci porte son habit de fête, composé d’un pantalon de drap, d’un chapeau à ruban et d’un foulard. Il souffle dans une trompette, tout faraud : il semble se réjouir de quitter son village, qu’on aperçoit au fond. C’est qu’il va participer au charivari. Pendant cette fête, les « classards » achètent képis, clairons, cocardes, insignes et autres brassards. Au bourg puis au village, les futurs soldats mangent, boivent, chantent et font mille farces aux filles, aux commerçants et aux bourgeois qu’ils croisent. Un bal est donné le dimanche suivant. Le charivari des conscrits revêt plusieurs significations : c’est à la fois une fête civico-militaire, un rite de passage et une fête de jeunesse où l’on noue des solidarités nouvelles hors de sa classe sociale.
Au XIXe siècle, le Français a « peu de goût pour le métier militaire », si bien que le rêve de la charte de 1814, celui d’une armée de métier composée de volontaires, se révèle impossible. De ce fait, la conscription est nécessaire, mais, pendant plus de cinquante ans, son égalitarisme apparent est vicié par l’argent qui permet d’acheter un remplaçant.
Avec la défaite de 1870 et l’avènement de la IIIe République, on assiste à un regain de la conscription, c’est-à-dire de l’armée citoyenne. Le vote des lois de 1872, de 1889 et surtout de 1905 instituent un service personnel, égal et obligatoire. En ce sens, on peut considérer que l’image du Conscrit Camille, pimpant et gaillard, courant sous les drapeaux, vise à inciter les garçons des classes populaires à accomplir leur devoir. La simplicité, la verve populiste et nationale de cette peinture font de Camille la figure d’une sorte de « vaudeville militaro-agrarien ».
L’année même de la défaite, la joie du conscrit « bon pour le service » est l’expression d’une propagande nationaliste qui appelle à la fois à la conscience civique et à la revanche contre le Prussien. On peut noter que le Numéro de conscrit tout fleuri vient d’Alsace, la province perdue. Le mythe des combattants partis fleur au fusil est tenace ; mais, en 1914, c’est sans enthousiasme que les jeunes Français s’en iront au front se faire massacrer.
André CORVISIER, Histoire militaire de la France, t. 3, De 1871 à 1940, Paris, PUF, 1992-1994.
Gérard de PUYMEGE, Chauvin, le soldat-laboureur. Contribution à l’étude des nationalismes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1993.
Bernard SCHNAPPER, Le Remplacement militaire en France. Quelques aspects politiques, économiques et sociaux du recrutement au XIXe siècle, Paris, Sevpen, 1968.
Maurice VAISSE (dir.), Aux armes, citoyens ! Conscription et armée de métier des Grecs à nos jours, Paris, Armand Colin, coll. « Référence histoire », 1998.
Ivan JABLONKA, « La conscription au XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/conscription-xixe-siecle
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Bonjour, à quelle circulaire ministérielle du 16 mars 1863 fait allusion la mention portée sur le registre matricule d'un soldat "renvoyé dans ses foyers par anticipation le 31 décembre de cette année" selon cette circulaire ? (Il avait été incorporé en 1857). Merci.
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