
Page d'histoire

La France - Prométhée et l'aigle-vautour

La Paix - Idylle

Page d'histoire
Auteur : DAUMIER Honoré
Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France (BnF, Paris)
site web
Date de création : 16 novembre 1870
Date représentée : Septembre 1870
H. : 22,7 cm
L. : 18,8 cm
Planche 62 des Actualités publiée dans Le Charivari du 16 Novembre 1870.
Lithographie.
Domaine : Presse
Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica
La France vaincue
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Robert FOHR
La victoire de la Prusse à Sedan le 2 septembre 1870 entraîne l’effondrement du Second Empire. Deux jours plus tard, la déchéance de la famille Bonaparte est proclamée, et un gouvernement de Défense nationale mis en place. Le pouvoir est d’abord aux mains du républicain Gambetta, ministre de l’Intérieur et de la Guerre. Le 18 janvier, jour du cent-soixante-dixième anniversaire de la création du royaume de Prusse, a lieu à Versailles la proclamation du IIe Reich, négociée par Bismarck avec les princes allemands. Le roi de Prusse devient l’empereur Guillaume Ier. Dix jours plus tard, Paris capitule. L’Assemblée nationale à majorité royaliste élue le 8 février 1871 nomme Thiers chef du pouvoir exécutif et approuve les préliminaires de paix le 26 février. C’est autour de la question de la défaite que vont se nouer les conflits politiques à venir…
Parue dans Le Charivari en novembre 1870, Page d’histoire, où l’on voit l’aigle impérial écrasé par un volume des Châtiments (1853) – recueil de poèmes satiriques à travers lesquels Victor Hugo, alors en exil à Bruxelles, prophétisait la chute de Napoléon le petit –, est une évocation particulièrement grinçante du destin funeste du Second Empire. On notera qu’une épreuve de cette magnifique lithographie conservée à la Bibliothèque nationale porte les deux signatures du poète et du dessinateur, preuve de l’étroite communauté de vue qui rapprochait Daumier et Hugo. C’est d’ailleurs ce dernier qui allait présider la première exposition rétrospective de l’œuvre de Daumier organisée en 1878, un an avant la mort de l’artiste, à la galerie Durand-Ruel.
Dans La France-Prométhée et l’aigle-vautour, Daumier recourt à nouveau au langage animalier de l’héraldique pour construire une petite scène allégorique où l’on voit l’aigle prussien, grand rapace aux ailes largement déployées, s’acharner tel un vautour sur le corps d’un Prométhée rivé à son rocher, personnification évidente de la France vaincue. La date de parution de cette lithographie, le 13 février 1871, la situe après l’armistice (28 janvier), un peu avant la signature des préliminaires de paix en vertu desquels la France allait être dépouillée de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, et soumise au versement de considérables indemnités de guerre. A l’instar du volume des Châtiments dans Page d’Histoire, Prométhée ici encore est une allusion transparente aux erreurs de la France impériale qui, tel le héros mythologique, a joué avec le feu…
Quant à la planche intitulée La Paix. Idylle, parue le 6 mars 1871, elle montre la Mort représentée par un squelette assis sur un mur en ruines, qui joue d’une trompette double au milieu d’un paysage jonché de débris humains. Le caractère profondément ironique de cette œuvre, inspirée une fois de plus à Daumier par la défaite de la France et la signature des préliminaires de paix, ressort de l’antiphrase que constitue le titre par rapport à la scène, et du climat bucolique donné à cette représentation qui transpose dans le registre macabre l’image classique du pâtre jouant de la flûte en faisant paître son troupeau. Ce jeu d’antithèses est affiné par certains détails tels que le chapeau fleuri et enrubanné que porte la Mort, la cocasse trompette double qu’elle arbore, ou encore la posture très décontractée du personnage dont les jambes sont négligemment croisées.
Les dernières planches politiques de Daumier (1870-1871) sont autant de reflets de cette « année terrible ». Loin d’offrir une description anecdotique et pittoresque des événements comme l’avait fait Callot dans sa célèbre série de gravures des Misères de la guerre (1633), elles s’inscrivent au contraire dans la veine allégorique des Désastres de la guerre (1808-1810) de Francisco Goya, dont le recueil, publié seulement en 1863, était certainement connu de Daumier.
Ces trois gravures anticipent l’atmosphère de crise profonde – intellectuelle, morale et politique – qui va naître de la défaite de 1870 et de la Commune de 1871, qui en est l’une des conséquences.
Daumier, 1808-1879 catalogue de l’exposition au Grand-Palais (5 octobre 1999-3 janvier 2000), Paris, RMN, 1999.
"Le Charivari" : Premier journal satirique français fondé par Charles Philippon en 1832. Il cesse de paraître en 1937.
Lithographie : Technique de gravure (ou d’estampe) qui reproduit un dessin en noir et blanc ou en couleur à l’aide d’un crayon gras ou d’une encre grasse sur une pierre calcaire. Par extension, le terme désigne une estampe imprimée par ce procédé.
Robert FOHR, « La France vaincue », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/04/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/france-vaincue
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