Napoléon Ier recevant à Finkenstein l'ambassadeur de Perse.
La Députation du Sénat romain offrant ses hommages à Napoléon
Napoléon Ier recevant à Finkenstein l'ambassadeur de Perse.
Auteur : MULARD François-Henri
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1810
Date représentée : 27 avril 1807
H. : 232 cm
L. : 293 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux
MV 1724 - 14-532069
La diplomatie de Napoléon
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Jérémie BENOÎT
Le dessein de Napoléon fut toujours d’isoler l’Angleterre, des pays européens, le plus souvent subventionnés par la grande rivale de la France afin de provoquer la guerre sur le continent. De cette façon l’hégémonie d’Albion sur le commerce international serait rompue. Il aurait pu réussir dans ce plan s’il n’avait été l’héritier de la Révolution aux yeux des souverains de l’Europe qu’il cherchait à s’attacher. Car les intérêts de l’Europe étaient en grande partie les mêmes que ceux de la France. Mais l’Angleterre, qui possédait l’argent, inondait les empires et les royaumes de caricatures qui rappelaient sans cesse les origines de « l’usurpateur » et de « l’aventurier ».
Napoléon reçoit l’ambassadeur de Perse au château de Finkenstein de François-Henri Mulard
Allié de l’Angleterre contre la Russie, le chah de Perse Fath’Ali se tourna vers la France en constatant que sa première alliée ne l’aidait guère dans ses visées sur Erevan, capitale de l’Arménie. Un ambassadeur, Mirza Reza, fut envoyé à Napoléon, qui le reçut au château de Finkenstein, son quartier général en Prusse orientale. Le 4 mai 1807 fut signé un traité d’alliance entre les deux pays. Mais l’alliance franco-russe de Tilsit (7 juillet 1807) la ruina aussitôt, et les Anglais exploitèrent ce retournement de situation.
L’œuvre de Mulard, élève de David, montre l’arrivée de la suite de Mirza Reza présentée à Napoléon par le vice-consul de France à Bagdad, Georges Outrey. Elle est très significative des espoirs que les Persans plaçaient en Napoléon. L’attitude suppliante de l’ambassadeur est sans ambiguïté sur ce point. Mais si l’on y retrouve l’habituelle attitude d’accueil passive de l’Empereur, le tableau se veut aussi un témoignage très fort de la politique mondiale de Napoléon. Ce dernier n’est cependant pas représenté dans l’attitude du stratège aux vues immenses et profondes, comme dans le Bivouac de Wagram de Roehn, par exemple, et l’œuvre n’est finalement qu’une représentation brillante d’un événement dont elle offre sans doute la seule trace iconographique importante. On notera néanmoins qu’elle s’inscrit dans le contexte de la peinture orientalisante, héritière des turqueries et chinoiseries rocailles du XVIIIe sièce et mise à une mode plus réaliste grâce à la campagne d’Egypte de Bonaparte. En ce sens, elle est l’une des premières œuvres du genre avec certains tableaux de Girodet, avant les compositions romantiques de Delacroix (Les Massacres de Scio), par exemple.
La Députation du Sénat romain offrant ses hommages à Napoléon.16 novembre 1809 de Innocent-Louis Goubaud
L’œuvre de Goubaud, professeur de dessin du Roi de Rome représente un moment clef des relations entre l’Empereur et le pape Pie VII. Après avoir occupé militairement la ville de Rome en 1807, Napoléon en ordonna l’annexion à l’Empire en 1809, au moment de la campagne d’Autriche. Pie VII l’excommunia aussitôt et Napoléon répondit en le faisant prisonnier.
C’est donc le Sénat romain, nouveau gouvernement romain – avec ce jour-là la venue d’une députation de Toscane –, qui se présente devant Napoléon dans la salle du Trône aux Tuileries. Cette ancienne chambre de parade de Louis XIV s’est vue embellie par les travaux réalisés en 1804 d’après les dessins de Percier et Fontaine.
Vêtu du « petit costume » dessiné par Jean-Baptiste Isabey, Napoléon est assis sous un dais immense supporté par une estrade qui surélève l’homme sacré qu’il est. Le trône est l’œuvre de Jacob-Desmalter sur un projet de Percier et Fontaine. Il est flanqué de deux enseignes surmontées d’aigles, qui sont également l’œuvre de Jacob-Desmalter. La cérémonie est réglée selon une étiquette voulue par l’Empereur lui-même et reprise du protocole royal d’Ancien Régime. Tout ce faste est déployé pour impressionner les Romains, dont les regards suspicieux trahissent des sentiments peu favorables à Napoléon. Tous les dignitaires de l’Empire sont présents, par lesquels le cardinal Fesch, oncle de Napoléon et grand aumônier, derrière lequel on reconnaît Cambacérès, Talleyrand et Bessières.
Ces deux œuvres fort différentes évoquent un Napoléon qui ne cesse de travailler à son entreprise de refonte politique de l’Europe, même en temps de guerre (tableau de Mulard). Mais s’il est avant tout le souverain militaire que l’on connaît par les tableaux, il peut aussi chercher à en imposer dans un contexte plus difficile comme celui de ses relations avec la papauté. C’est alors l’homme sacré qui, à l’instar du roi Philippe le Bel, étale toute sa puissance de monarque de droit divin en vue de rivaliser avec le souverain pontife. Bien que retraçant avant tout un simple événement du règne de Napoléon, l’œuvre de Goubaud rejoint en quelque sorte les grands tableaux de David par la signification qu’elle tend à donner au face-à-face entre l’Empereur et les sénateurs romains. C’est aussi la raison pour laquelle le cardinal Fesch se trouve bien mis en valeur au pied de l’estrade impériale. Plus qu’une réception, c’est une véritable lutte politique qui sous-tend le tableau.
Jacques BAINVILLE Napoléon Paris, Fayard, 1931, réeéd. Balland, 1995.
Claire CONSTANS Musée national du château de Versailles. Les Peintures, 2 vol. Paris, RMN, 1995.
Roger DUFRAISSE et Michel KERAUTRET La France napoléonienne. Aspects extérieurs Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1999.
Annie JOURDAN Napoléon, héros, imperator, mécène Paris, Aubier, 1998.
Georges LEFEBVRE Napoléon Paris, PUF, 1969.
TULARD (Jean) (dir.) Dictionnaire Napoléon Paris, Fayard, 1987.
TULARD (Jean) (dir.) L’Histoire de Napoléon par la peinture Paris, Belfond, 1991.
Jean TULARD et Louis GARROS Itinéraire de Napoléon au jour le jour. 1769-1821 Paris, Tallandier, 1992.
Collectif Catal. expo. De David à Delacroix Paris, Grand Palais, 1974-1975.
Jérémie BENOÎT, « La diplomatie de Napoléon », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/diplomatie-napoleon
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