Loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) approuvant le Concordat de 1801 et les articles organiques organisant en France les cultes catholique et protestants.
Articles organiques du culte protestant.
Jean-Etienne Portalis.
Loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) approuvant le Concordat de 1801 et les articles organiques organisant en France les cultes catholique et protestants.
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
Date de création : 1801
Date représentée : 08 avril 1801. Date révolutionnaire : 18 germinal an X
H. : 33,8 cm
L. : 22,4 cm
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
AE II 2213 fol. 1ro-5ro
Une vie religieuse encadrée par la loi (1802 à 1905)
Date de publication : Juillet 2006
Auteur : Nadine GASTALDI
L’adoption de la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) et de ses articles organiques
Le Concordat, conclu avec le pape Pie VII (15 juillet 1801), après d’âpres négociations prévoit, notamment, la reconnaissance du culte catholique par l’État et la prise en charge d’une partie de son fonctionnement par les finances publiques en échange de la renonciation par l’Eglise aux biens qu’elle possédait avant la Révolution. Mais Bonaparte rencontre une vive opposition dans les milieux dirigeants, issus du mouvement révolutionnaire et hostiles ou méfiants face au retour du catholicisme dans la vie publique[1].
Il attend donc pour proposer le Concordat au vote le renouvellement des Assemblées qui lui permet de les épurer (18 mars 1802). La paix d’Amiens avec l’Angleterre (25 mars 1802) renforce sa position. Trois jours après l’ouverture de la nouvelle session parlementaire, le Concordat est adopté (8 avril 1802). Il a été brillamment défendu au Corps législatif par Jean-Étienne Portalis et, au Tribunat, par Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur et frère du Premier consul. Pour faciliter son acceptation et en contrôler la mise en œuvre, Bonaparte a décidé d’inclure dans la loi d’adoption du texte des “ articles organiques ”, réglementant l’exercice du culte catholique en France et y reconnaissant et organisant les cultes luthérien et réformé. Le Saint-Siège qui n’a pas été informé de l’ajout ainsi apporté au Concordat est mis devant le fait accompli.
Les articles organiques
Cet encadrement du catholicisme et la reconnaissance conjointe de cultes protestants ont pour but de rassurer les tenants de la liberté de conscience, acquis majeur de la Révolution. C’est à Portalis, “ philosophe sans impiété et religieux sans fanatisme ”, que Bonaparte confie la rédaction des articles organiques.
Excluant, en principe, le champ du théologique, les 77 articles catholiques et les 44 protestants définissent les rapports entre puissance publique et autorités ecclésiastiques dans l’administration de la vie religieuse au quotidien (procédures de nomination des ministres du culte, de création des circonscriptions, de gestion des édifices et des biens etc.). Ils restaurent aussi certaines pratiques d’Ancien Régime (réception par l’État des actes doctrinaires des Églises ; procédure d’abus prévoyant le renvoi du contentieux en matière ecclésiastique devant le tribunal administratif que constitue le Conseil d’État). Les articles catholiques réaffirment aussi une certaine autonomie - dénommée “ gallicanisme ” - de l’Église de France face au Saint-Siège (limitation du pouvoir des envoyés pontificaux ; reprise de la règle des 4 articles de 1682). Les articles protestants, rédigés avec l’aide de réformés (le pasteur Marron et le laïc Rabaut-Dupui ) et de luthériens (le professeur Koch et le législateur Metzger) ont, eux, été fortement amendés par Bonaparte qui apprécie peu l’organisation protestante qui recourt à de fréquentes élections pour l’administration des paroisses et pratique la liberté de débats, notamment dans les assemblées protestantes, appelées “ synodes ”. Tel quel, l’ensemble emporte, cependant, l’adhésion des opposants comme des partisans du Concordat.
Portalis, l’homme de la situation
Né à Bausset (Var) en 1746, Portalis mène avant 1789 une brillante carrière d’avocat et d’administrateur au Parlement d’Aix. Catholique convaincu, il est, cependant, proche du mouvement philosophique. Il est, en particulier, partisan de la tolérance religieuse. Resté prudemment neutre au début de la Révolution, il se réfugie à Paris où, néanmoins, il est un temps emprisonné (1794). Libéré, il est élu au Conseil des Anciens (1795) dont il devient président (1796). Il y défend la cause de la religion. Mais après le coup d’État directorial du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), il doit s’exiler en Allemagne. Revenu après Brumaire, il se met au service de Bonaparte auquel le lie une puissante et réciproque admiration.
En septembre 1800, il est nommé conseiller d’État. Bonaparte en fait aussi l’un des quatre rédacteurs du nouveau Code civil dont il écrit la majeure partie (promulgué en 1804). Le 8 octobre 1801, il devient en sus conseiller auprès du gouvernement pour “ toutes les affaires concernant les cultes ”. Le succès de Portalis dans sa mission et l’importance que Napoléon continue à attribuer à la question religieuse lui valent le titre de ministre des Cultes lors de la formation du gouvernement impérial (1804). C’est dans cette fonction que Claude Gautherot le représente vers 1806, dans un tableau dont la copie d’époque, destinée au salon des ministres aux Tuileries, est ici reproduite. Portalis y apparaît la plume pointée sur le texte du Concordat, qu’il s’emploie à compléter par son œuvre réglementaire et par la jurisprudence de son administration. Il porte tous les insignes de son rang : le costume de ministre, défini par un décret du 18 juillet 1804, enrichi des broderies caractéristiques des membres de l’exécutif (feuilles de chêne), des membres de l’Institut, où Bonaparte l’a nommé (Académie de langue et de littérature française) lors de la refondation de janvier 1803 (feuilles d’olivier), des membre de la Légion d’honneur (croix) ; le cordon rouge et la croix de commandeur de la Légion d’honneur. Bien que magnifié, Portalis est déjà physiquement sur le déclin lors de la réalisation de ce portrait. Il meurt le 25 août 1807, laissant derrière lui ces deux œuvres pérennes que sont le Code Napoléon et le droit concordataire.
Un texte fondateur et toujours actuel
Très bien conçus, les organiques catholiques constituent pour l’action des gouvernements français une base intangible jusqu’à la loi de Séparation de 1905. Dans la pratique, ils permettent, en effet, de refléter les relations oscillantes du pouvoir et de l’Église catholique : dans les périodes de détente, certains articles ne sont pas appliqués (par exemple, l’interdiction de cérémonies extérieures (processions) dans une ville où coexistent plusieurs cultes) ; en cas de tension, la devise devient “ les organiques, rien que les organiques, mais tous les organiques ”. Moins bien adaptés à la réalité des cultes concernés, les articles protestants donnèrent lieu à des révisions (notamment en 1852 et 1859), mais ils restèrent eux aussi largement valides jusqu’en 1905.
Actuellement le droit issu de la loi de germinal an X s’applique encore aux départements d’Alsace – Moselle qui, non français en 1905, ne connurent pas la Séparation et qui, en 1918, retrouvèrent en matière cultuelle le droit antérieur à leur annexion à l’Allemagne en 1870. Ce droit sert aussi de référence à ceux qui, aujourd’hui, réfléchissent à la question de la laïcité.
De la Concorde à la rupture, une siècle de vie religieuse en France (1801-1905)Centre historique des Archives nationales, Musée de l'Histoire de France, Paris, 2002Leduc EdouardPortalis, une grande figure de l'histoire napoléonienneParis, E. Leduc, coll.Panthéon 1991Long MarceauPortalis, l'esprit de justiceParis, Michalon, 1997
1. En octobre 1801, au Conseil d'État, institution administrative et judiciaire chargée de conseiller l'exécutif dans la préparation et l'application des lois, créée par la constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), la séance sur la rémunération du clergé est très houleuse ; en décembre 1801, le Sénat, nouvelle Assemblée créée par la constitution de l'an VIII, élit en son sein l'abbé Grégoire, emblème de la défunte Église constitutionnelle mise en place par l'Assemblée Constituante suite au vote de la Constitution civile du Clergé, le 12 juillet 1790, et condamnée par le pape Pie VI en mars 1791. Le Corps législatif porte à sa tête, le savant Charles Dupuis, athée notoire, et le Tribunat présente, comme candidat au Sénat, François Daunou, alors adversaire politique direct de Bonaparte.
Nadine GASTALDI, « Une vie religieuse encadrée par la loi (1802 à 1905) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vie-religieuse-encadree-loi-1802-1905
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