Ophélie
Ophélie
Ophélia
Ophélie au milieu des fleurs
Ophélie
Auteur : PREAULT Auguste
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 75 cm
L. : 20 cm
Fonte de 1876, d'après un modèle en plâtre de 1842.
Fondeur : Thiébaut frères.
Bronze.
Pr. : 20 cm - Pds. : 122 kg.
Domaine : Sculptures
© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
RF 3641 - 96-017216
La Représentation d’Ophélie
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Catherine AUTHIER
Engouement pour le personnage d’Ophélie
La culture et la sensibilité romantiques doivent beaucoup aux représentations d’Hamlet données à l’Odéon en 1827. Dans le rôle d’Ophélie, personnage touché par la folie, l’actrice irlandaise Harriet Smithson a frappé tous les esprits par l’intensité de son interprétation. « Elle était la véritable folle que, malgré les efforts des comédiennes françaises, le public n’avait encore jamais vue au théâtre. » (Le Globe, 11 septembre 1827) Dans un jeu au réalisme parfois cru, elle exprimait avec véhémence la brutalité, les délires et l’agonie (Ophélie se suicide), le visage du personnage devenant « tout violet » (La Réunion, 14 novembre 1827), les postures de l’actrice paraissant à Delécluze « fantastiques » (Journal, 16 septembre 1827, p. 458). La portée et l’influence de cette première tournée anglaise sur les auteurs de la nouvelle école et leurs interprètes sont réelles. Ainsi, selon Nodier, le Hamlet de 1827 à l’Odéon est « un des événements de l’époque, un de ces événements dont les résultats seuls peuvent faire apprécier toute l’importance ». Qu’ils soient romantiques, réalistes ou symbolistes, les frissons que la folie suscitera par la suite résultent ainsi de ce frisson primaire de 1827.
La vague importante de critiques et d’adaptations de Shakespeare (Dumas-Meurice) en France entre 1830 et 1860 à la fois dans la littérature et dans l’activité artistique contribue également à populariser le personnage d’Ophélie. Le nombre de représentations ayant Ophélie pour sujet est impressionnant. Elle intéresse à la fois des artistes d’avant-garde, des académiciens et tout un public, comme le prouvent les catalogues des salons (Salon de la Société des artistes français de 1834 à 1908, mais aussi S.N.B.A. ou Salon des Indépendants) en sculpture, dessin et peinture. Son iconographie est variée mais correspond surtout à la rencontre d’Hamlet dans le cabinet (acte II, scène 1), à la folie chantée d’Ophélie (acte IV, scène 5) et à la noyade de la jeune fille (acte IV, scène 7). L’héroïne a par ailleurs été représentée par le grand sculpteur romantique Auguste Préault en 1842, par des artistes symbolistes comme Odilon Redon ou des peintres de la fin du XIXe siècle inspirés par les préraphaélites, comme Ernest Hébert ou Adolphe Dagnan-Bouveret.
Réprésentation d’Ophélie
Le bas-relief en bronze de Préault renvoie à la tradition du gisant. Dans cette œuvre au lyrisme éclatant, l’artiste semble avoir repoussé les limites de la matière par le modelé qu’il a donné au corps d’Ophélie, tout en fortes saillies et en trouées d’ombres profondes. L’étoffe qui la couvre et ses cheveux flottants accentuent le caractère tragique de la scène. Les yeux clos, retenant d’une main la guirlande de fleurs qu’elle était en train de tresser, elle est sur le point de se faire happer par le tourbillon des eaux.
La peinture d’Ernest Hébert présente une Ophélie au caractère inquiétant, entourée de sous-bois. Ses sourcils noirs foncés contrastent avec son immense chevelure blonde dérangée, ornée de lis. Ses grands yeux cernés fixent le spectateur d’un air grave et déterminé.
L’Ophélie de Dagnan-Bouveret est une œuvre dans la mouvance des préraphaélites, avec un goût prononcé pour les légendes, le fantastique. Elle semble égarée dans la forêt et paraît inaccessible, enfermée dans sa folie. L’héroïne a une expression de grande tristesse, et le mouvement agressif des longues herbes suggère sa disparition proche dans les végétaux.
Le peintre symboliste Odilon Redon, artiste majeur, a multiplié les portraits d’Ophélie et semble avoir été complètement fasciné par elle. Grâce aux frottis et aux dégradés que permet la technique du pastel, il joue subtilement des demi-teintes et des variations pour offrir une tout autre vision du destin d’Ophélie. Ici réduite à une tête renversée parmi les fleurs dont le parfum l’enivre, l’héroïne de Shakespeare semble rêver paisiblement au pied d’une montagne dans la chaude lumière du crépuscule et se laisser sereinement engloutir par les eaux, les yeux ouverts sous sa couronne de fleurs.
Ophélie et le culte de l’invalidité
L’engouement des artistes et des spectateurs pour le personnage d’Ophélie au XIXe siècle s’inscrit dans un contexte particulier. Délaissée par son amant, Ophélie devient folle et se suicide. En tant que victime, elle incarne un type de souffrance auquel s’identifieront alors un très grand nombre de jeunes filles en mal de vivre. Du point de vue médical, il s’agit d’une maladie aux symptômes vagues, un mal étrange qui s’apparente à la chlorose et ne frappe que les femmes. Tandis que discours médicaux et théories scientifiques se multiplient dès lors sur le sujet, ces jeunes filles fragiles, instables, douloureuses, envahissent l’iconographie et les romans. Ophélie participe ainsi au « culte de l’invalidité » défini par l’historien de l’art Bram Dijkstra et contribue à enraciner les préjugés culturels sur les femmes au XIXe siècle.
Bram DIJKSTRA, Les Idoles de la perversité, Paris, Le Seuil, 1992.
Anne MARTIN-FUGIER, Comédiennes. Les Actrices en France au XIXe siècle, Paris, rééd. Complexe, 2008.
Anne MARTIN-FUGIER, Les Romantiques, Paris, Hachette, coll. « La Vie quotidienne », 1998.
Mario PRAZ, La Chair, la mort et le diable dans la littérature du XIXe siècle, Paris, Denoël, 1977.Jean-Claude YON, Histoire culturelle de la France au XIXe siècle, Paris, Colin, 2010.
Jean-Claude YON, Histoire culturelle de la France au XIXe siècle, Paris, Colin, 2010.
Catherine AUTHIER, « La Représentation d’Ophélie », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/representation-ophelie
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