Repas de paysans
Auteur : LE NAIN Louis
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
H. : 97 cm
L. : 128 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau
MI 1088 - 15-615803
Le monde paysan au XVIIe siècle
Date de publication : Octobre 2012
Auteur : Joël CORNETTE
Les frères Le Nain et la paroisse Saint-Sulpice
Ce grand tableau fut réalisé à la fin du règne de Louis XIII, comme l’atteste l’inscription « LENAIN. FECIT. AN. 1642. » figurant sur la tranche de la planche posée sur un tonneau pour servir de banc. Depuis 1641, les signatures accompagnées de date, jusque-là sans exemple chez les Le Nain, se multiplient. Comme pour affirmer un statut enfin reconnu d’artistes consacrés.
Depuis 1629, les frères Le Nain résident rue Princesse, entre le faubourg Saint-Germain-des-Prés et la paroisse Saint-Sulpice. De 1642 à 1652, le curé de la paroisse est Jean-Jacques Olier, ardent défenseur de la Réforme catholique. Il consacra de grands efforts à l’organisation d’une charité militante, sur le modèle de Vincent de Paul, car en ce « sombre XVIIe siècle » frappé par de nombreuses disettes, la paroisse Saint-Sulpice voyait affluer les hommes et les femmes que les textes nomment « sans feu, sans lieu, sans aveu », en quête de nourriture, de protection ou de travail.
Une scène « réaliste »
Nous sommes dans la pièce principale, et peut-être unique, d’un intérieur paysan, la pièce chaude, celle qui abrite le sommeil, la cuisson des aliments, les repas, les veillées des longs soirs d’hiver autour du feu, le travail aussi, quand les intempéries ne permettent pas de sortir. Une femme et trois enfants sont identifiables.
De nombreux détails concrets, aussi, apparaissent, immédiatement repérables : une nappe blanche recouvre une table basse vraisemblablement faite d’une planche de bois reposant sur des tréteaux ; du vin a été servi dans de longs verres effilés ; entamée, une grosse miche de pain blanc, le pain des riches, est posée sur la table, avec sa croûte épaisse, qui retient l’humidité et retarde le passage au pain rassis.
Un sol en terre battue ; un pot de terre cuite vernissée, mais aucun de ces objets en « étain sonnant » dont l’historien sait qu’ils distinguaient, le plus souvent, les plus riches ; un tabouret à trois pieds (à droite) ; une planche de bois (à gauche), placée sur un tonneau ; le dossier en cuir d’une chaise, au second plan. Au second plan aussi (à droite) apparaît assez nettement un lit dont les hautes colonnes soutiennent un ciel d’étoffe.
Les participants à cette scène appartiennent à des groupes sociaux nettement différenciés. Tout d’abord, un homme aisé, dont les habits correspondent au style de l’époque. Il a une belle et fière allure et il occupe le centre du tableau. S’agit-il d’un citadin ? Remarquons son col blanc, fermé. Signe qu’il ne travaille pas ? Ses vêtements sont assez soignés ; ses cheveux, sa barbe et sa moustache sont « à la mode » – « à la royale », comme on disait alors. Son fils, manifestement (vêtements identiques à ceux de son père), joue du violon, un instrument qui n’était pas rare dans les campagnes ainsi que l’attestent nombre de récits consacrés à des fêtes paysannes... Il se dégage de ce premier groupe (le père dans la manière de tenir son verre et le manche d’un couteau, son fils prêt à jouer du violon) un certain air de distinction et de civilité.
Ensuite, un paysan, relativement aisé, occupe la partie gauche du tableau. Remarquons, par contraste avec le personnage précédent, ses vêtements simples, en toile ou en serge (laine et chanvre), peu déchirés, sauf aux genoux. Il est chaussé de souliers. Sa femme se tient debout derrière lui, au second plan, dans une attitude de réserve et de discrétion. Les vêtements sont simples : une robe de serge rouge, une blouse blanche à large col, un petit couvre-chef blanc dissimulant les cheveux. Il est difficile d’identifier un vêtement distinctif d’une région particulière (pas de coiffe ou de collerette, par exemple) : nous savons que les habits « régionaux » apparaîtront un siècle plus tard.
Enfin, le personnage de droite vient manifestement d’un milieu social très pauvre. Sa pose est modeste, ses yeux baissés, son regard vague, son corps tassé par une vie de labeur et de misère. Qui peut-il bien être ? Un paysan ? Un mendiant ? Un étranger ? Ses pieds sont nus, ses vêtements sont déchirés ; il adopte une attitude humble, silencieuse, respectueuse même (son chapeau est posé sur ses genoux alors que le personnage de gauche a conservé son bonnet). S’agit-il de l’embauche (la « louée ») d’un employé ou d’un ouvrier, par exemple un laboureur ? Pourquoi ces trois personnages se sont-ils retrouvés ? Qu’est-ce qui peut les unir ? Les réunir ?
Un tableau aux accents religieux
Au-delà d’un tableau « réaliste », les trois frères Le Nain, Louis, Antoine et Mathieu, auraient peint une scène de l’eucharistie : nous sommes ici, pleinement, dans le registre d’une culture religieuse offensive, celle de la Réforme catholique militante des dévots dont la paroisse de Saint-Sulpice était précisément l’épicentre. « On ne s’était point encore imaginé que les peintres eussent une théologie muette et que, par leurs figures, ils fissent connaître les mystères les plus cachés de notre religion » : cette réflexion de Charles Le Brun lors d’une conférence prononcée le 10 juin 1671 à l’Académie de peinture et de sculpture, sur le Ravissement de saint Paul, de Poussin, s’applique pleinement au tableau des frères Le Nain.
Dans une telle perspective, le véritable sujet serait, peut-être, la plénitude de la Présence réelle, de l’Incarnation, Transsubstantiation peinte dans les réalités visibles (le pain, le vin), socialement visibles de l’histoire humaine, jusqu’au plus humble des indigents, « remply de Dieu s’il veut » comme l’a écrit Olier (voir bibliographie).
Si cette hypothèse était confirmée, ce tableau, de par le sujet qu’il traite, trouverait sa place dans la grande guerre des croyances qui déchire l’Europe depuis la première moitié du XVIe siècle : les frères Le Nain donnent à voir l’évidence sensible de la Présence réelle, contre un calvinisme qui récuse toute possibilité de transsubstantiation…
CORNETTE Joël, Le repas des paysans des frères Le Nain, Paris, Armand Colin, coll. « Une œuvre, une histoire », 2008.
OLIER Jean-Jacques, MIGNE Jacques-Paul, Œuvres complètes de M. Olier, J.-P. Migne, Éditeur aux ateliers catholiques rue d’Amboise, Paris, 1856.
Joël CORNETTE, « Le monde paysan au XVIIe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/monde-paysan-xviie-siecle
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ameliel86
j'adore ce site parce que sa m'aide beaucoup pour mes devoirs d'histoire
xoxo
personnellement c'est notre professeur d''histoire Mme Bou***** qui nous a conseiller ce site et je suis assez satisfaite du site qui a l'air sympas j'espère que je vais avoir une bonne note grâce à ce site très enrichissant .
Merci beaucoup Mme Bouc**** de nous l'avoir recommandé
Ps: Je mets des étoiles à la suite du nom de ma professeur pour ne pas afficher son nom .
Merci :)
quent1
par hasard il y a quelques jours je suis retombée sur ma revue papier L'Histoire datée de janvier 2010 n° spécial consacré à La Pauvreté où il y avait 2 articles signés de J.C. Joël Cornette historien que j'aime, et dans l'un des 2 il interprétait cette toile des 3 Frères Le Nain
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