Bénédiction des blés en Artois
Procession à Penmar'ch
Bénédiction des blés en Artois
Auteur : BRETON Jules
Lieu de conservation : musée des Beaux-Arts (Arras)
site web
H. : 130 cm
L. : 320 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© Musée des Beaux-Arts d'Arras - Photo Claude Thériez
Cultes et coutumes religieuses dans la France rurale du XIXe siècle
Date de publication : Juin 2006
Auteur : Ivan JABLONKA
Cultes et coutumes religieuses dans la France rurale du XIXe siècle
Cultes et coutumes religieuses dans la France rurale du XIXe siècle
Alors que le XIXe siècle est souvent décrit comme un siècle de déchristianisation, due au déracinement que provoquent exode rural et urbanisation, à l’absence de repos dominical et au conservatisme des ecclésiastiques, on doit constater non seulement le maintien du fait religieux, mais la vivacité de certaines pratiques populaires.
Dans les campagnes, le catholicisme et le culte des saints sont souvent associés aux rites agraires. Ainsi, la bénédiction des semailles et les prières pour la pluie ou pour les récoltes visent à capter la bienveillance de Dieu (ou des forces surnaturelles) pour assurer la fécondité du sol. Les processions, interrompues pendant la Révolution et redécouvertes au XIXe siècle, servent plus généralement à sacraliser un espace en dehors de l’église : ainsi les processions des rogations, de la Vierge, de la Fête-Dieu, des saints locaux, etc. Toutes ces pratiques d’un catholicisme populaire ressortissent à ce que l’historien Philippe Boutry appelle la « culture magique des campagnes ».
À près de cinquante ans d’intervalle, la Bénédiction des blés en Artois de Jules Breton et La Procession à Penmarck de Lucien Simon offrent un exemple de ces cérémonies spectaculaires – expressions spatiales de la religion – qui impliquent à la fois le peuple et le clergé.
Le tableau de Breton met en scène des clercs et des jeunes laïcs parcourant les champs sous les yeux de villageois agenouillés. Les premières communiantes, en aubes blanches, précèdent les membres du clergé, vêtus de noir. La pompe de la procession est manifeste : on distingue les effigies d’un saint (ou de la Vierge), les ostensoirs, les cierges et un dais rouge. La perspective latérale du tableau permet à Breton de souligner la longueur de la procession qui sillonne cette riche plaine agricole. Dans le pays d’Artois, le rayonnement d’une paroisse est souvent lié à la présence d’un sanctuaire avec des reliques. Ainsi, « au “pays des pèlerinages”, les pasteurs des années 1860 s’adonnent à une véritable quête des vestiges sacrés pour leurs églises » (Y.-M. Hilaire, La Vie religieuse des populations du diocèse d’Arras, 1840-1914, thèse, Paris IV, 2 vol., 1976, p. 924).
Avec un naturalisme plus accentué, qui ne craint pas de montrer les visages avec leurs défauts et leurs rougeurs, Simon Lucien représente le flot humain d’une procession bretonne, qu’ouvrent le prêtre en blanc et la Sainte Croix. L’espace de la toile est entièrement occupé par les fidèles, comme si étaient présents ici tous les catholiques de Bretagne, cette « zone fort pratiquante, sinon unanimement fervente ».
L’ampleur des processions dans le Nord et en Bretagne, deux régions très catholiques (et réfractaires à la Constitution civile du clergé pendant la Révolution), ne saurait surprendre. Mais, à travers toute la France, on note au XIXe siècle un fort attachement des populations aux pratiques du catholicisme populaire. Celui-ci s’efforce de répondre aux soucis quotidiens des paysans ; « le clergé, proche de l’âme paysanne, fait une large part dans ses prières à cette quête de la fertilité qui hante l’esprit des hommes de la terre » (Y.-M. Hilaire, La Vie religieuse des populations du diocèse d’Arras, 1840-1914, thèse, Paris IV, 2 vol., 1976, p. 116). Pour cette raison, au milieu du siècle, les populations refusent la suppression officielle des fêtes secondaires.
En même temps, les processions, fondées sur l’idée préchrétienne qu’il faut se concilier les puissances surnaturelles, peuvent apparaître comme une forme de superstition. Les manifestations de ce « christianisme cosmique » gênent parfois la hiérarchie : dans la seconde moitié du siècle, elles paraissent « bien peu chrétiennes » à l’évêque d’Arras.
Par ailleurs, depuis le Concordat de 1801, elles sont rangées dans la catégorie des « manifestations extérieures du culte sur la voie publique », si bien qu’elles sont du ressort de la police municipale. Elles se déroulent normalement, mais on note l’interdiction de certaines processions en Bretagne, comme à Nantes dans les années 1890. Pourtant, le succès de ces coutumes agraro-religieuses vient nuancer l’idée d’une déchristianisation générale en France.
ASSOCIATION BUHEZ, Les Bretons et Dieu, Éditions Ouest France, 1985.
Gérard CHOLVY, Yves-Marie HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, t. 2, 1880-1930, Privat, 1985.
Yves-Marie HILAIRE, Une chrétienté au XIXe siècle. La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras (1840-1914), 2 vol., Lille, PUL, 1977.
Michel LAGRÉE, Mentalités, religion et histoire en Haute-Bretagne au XIXe siècle. Le diocèse de Rennes, 1815-1848, Paris, Klincksieck, 1977.
Jacques LE GOFF, René REMOND (dir.), Histoire de la France religieuse, t. 3, Philippe JOUTARD, Du roi Très Chrétien à la laïcité républicaine, XVIIIe-XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 1991.
Ivan JABLONKA, « Cultes et coutumes religieuses dans la France rurale du XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 05/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/cultes-coutumes-religieuses-france-rurale-xixe-siecle
Lien à été copié
Découvrez nos études
La Chalotais, symbole de la lutte contre le despotisme ministériel sous Louis XV
À l’issue de la désastreuse guerre de Sept Ans (…
L'école républicaine en Bretagne
Au XIXe siècle, la Bretagne est encore largement déficitaire en…
Jour de fête
Au début du XXe siècle, il n’est pas rare que les photographes professionnels comme Henri Lemoine (1848-1924)…
La division de la province de Bretagne en cinq départements
La carte d’origine, gravée dans son cadre gradué, était dédiée en 1771 au duc de Duras (1715-1789), noble et militaire de haute…
Résistance du catholicisme pendant la Révolution
Voté par la Constituante en 1790, le décret de la Constitution civile du clergé suscite une…
Hélène Jégado, la Brinvilliers bretonne
Statistiquement parlant, les empoisonneuses sont particulièrement nombreuses sous…
Combats de Quiberon
Le 27 juin 1795 en baie de Quiberon, la flotte britannique débarque sur la plage de Carnac plus de quatre mille émigrés et quelques centaines de…
Un marchand d'images
Au milieu du XIXe siècle la population française est déjà assez largement alphabétisée, cependant de grandes disparités existent d’une…
Portrait du père Gérard
Réunis à Versailles le 5 mai 1789 dans le cadre des états généraux, les députés du tiers état se déclarent Assemblée nationale constituante le 9…
Le vêtement en Bretagne
Les foires représentent un moment important dans la vie quotidienne des campagnes. Elles ont lieu au bourg, vers lequel des centaines de paysans…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel