Le Massacre de la Saint-Barthélemy
Le Massacre de la Saint-Barthélemy : les personnages, les lieux et les scènes
Le Massacre de la Saint-Barthélemy
Auteur : DUBOIS François,
Lieu de conservation : musée cantonal des Beaux-Arts (Lausanne)
site web
Date de création : vers 1572-1584
Date représentée : 24 août 1572
H. : 94 cm
L. : 154 cm
huile sur bois ; don de la municipalité de Lausanne, 1862 ; photo Nora Rupp, musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne
Domaine : Peintures
© Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne
Inv. 729
Le massacre de la Saint-Barthélemy
Date de publication : Septembre 2020
Auteur : Nicolas LE ROUX
Le massacre de la Saint-Barthélemy
Le massacre de la Saint-Barthélemy
François Dubois, peintre protestant né à Amiens en 1529, a échappé aux massacres qui se sont produits à Paris le 24 août 1572 et les jours suivants, puis dans une douzaine de villes provinciales.
Réfugié à Genève, la capitale calviniste, Dubois réalise un grand tableau dénonçant les violences commises par les catholiques parisiens les plus exaltés. Cette œuvre, unique en son genre, est un mémorial illustrant les souffrances du « petit troupeau » de Dieu. Le martyre est un signe d’élection.
Si à Rome le peintre Vasari célèbre l’extermination de l’hérésie dans des fresques commandées par le pape, en revanche les protestants se montrent extrêmement discrets sur les massacres. Il existe quelques gravures évoquant les massacres, mais pas de tableaux, et guère de textes, comme s’il fallait ensevelir la mémoire de cet événement sans précédent. Ce document exceptionnel s’inspire sans doute de récits de témoins et peut-être de quelques documents écrits, mais on ne sait guère de choses sur sa genèse. Il combine plusieurs traditions iconographiques : le massacre des Innocents, d’une part, les massacres dits du Triumvirat (c’est-à-dire les exécutions commandées par les triumvirs romains, Marc Antoine, Octave et Lépide), thème iconographique à la mode en France dans les années 1560 et 1570.
Au centre de l’image, à l’arrière-plan, se trouve le Louvre [image 2, no 1], dont la porte noire s’ouvre comme une bouche infernale crachant des démons enragés qui assassinent hommes, femmes et enfants. Les axes de fuite du tableau convergent vers cette scène. Une silhouette sombre se découpe devant le bâtiment [image 2, A] : il s’agit de Catherine de Médicis, la mère du roi Charles IX, à qui les huguenots attribuent la responsabilité du massacre.
La maison de l’amiral de Coligny [image 2, no 2], le chef militaire du parti huguenot, apparaît au centre de l’image. La fin tragique de l’amiral est représentée en trois temps [image 2, B] : le corps est d’abord défenestré, puis le cadavre décapité gît aux pieds de trois seigneurs, nouveaux triumvirs, l’un d’entre eux [image 2, C] – peut-être le jeune duc de Guise, qui considérait Coligny comme le commanditaire de l’assassinat de son père, en 1563 – brandissant la tête tranchée de la victime tel un trophée de chasse. Un soldat émascule le corps, qui est ensuite traîné jusqu’au gibet de Montfaucon, lieu des exécutions judiciaires, représenté au fond à droite [image 2, no 3].
De l’autre côté de la Seine se trouve l’église des Grands-Augustins [image 2, no 4] ainsi que la tour de Nesle [image 2, no 6].
La topographie de ce tableau est inexacte, mais elle s’explique par la volonté du peintre de rassembler dans cette scène tous les faits et lieux notables des épisodes de la Saint-Barthélemy.
Le massacre de la Saint-Barthélemy constitue l’apogée de la violence religieuse au XVIe siècle. Suite à l’attentat contre l’amiral de Coligny advenu le 22 août 1572 (dont le responsable est certainement un homme à la solde des Guise, Maurevert), un massacre des principaux chefs protestants (réunis à Paris à l’occasion des noces du jeune Henri de Navarre avec Marguerite, la fille de la reine Catherine de Médicis), est décidé à la cour. Le tableau de Dubois attribue clairement la responsabilité des violences à la reine mère. L’œuvre participe à la construction de la légende noire de cette princesse.
À la première phase des assassinats, qui concerne les seigneurs protestants logés au Louvre ou dans les rues voisines, succède une deuxième phase qui témoigne de l’extrême ressentiment que les catholiques parisiens éprouvaient à l’égard des protestants. La milice, convoquée secrètement pendant la nuit, massacre plusieurs milliers de personnes.
Le déferlement de violence est ici présenté non seulement comme une manifestation horrible de la tyrannie de la reine, mais aussi comme une sorte d’apocalypse macabre dans laquelle se déchaîne une barbarie sans nom. Les bébés sont martyrisés, les femmes enceintes percées de coups, les petits enfants eux-mêmes se livrent à ces violences inouïes. Dubois évoque aussi les pillages auxquels certains se livrèrent. Les protestants étaient en effet dans l’ensemble des gens aisés ou des artisans d’un niveau socioculturel supérieur à la moyenne de la population. Le monde est renversé. La terre est un enfer. Environ 3 000 personnes furent assassinées entre le 24 et le 28 août. Les corps jetés à la Seine s’échouèrent au pied de la colline de Chaillot, les autres furent charroyés à l’extérieur de la ville.
BEIL Ralph (dir.), Le monde selon François Dubois, peintre de la Saint-Barthélemy, cat. exp. (Lausanne, 2003-2004), Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts, coll. « Les cahiers du musée des Beaux-Arts de Lausanne » (no 13), 2004.
BENEDICT Philip, Le regard saisit l’histoire : les guerres, massacres et troubles de Tortorel et Perrissin, Genève, Droz, coll. « Titre courant » (no 47), 2012.
CROUZET Denis, La nuit de la Saint-Barthélemy : un rêve perdu de la Renaissance, Paris, Fayard, coll. « Chroniques », 1994.
ELSIG Frédéric (dir.), De la Renaissance au romantisme : peintures françaises et anglaises du musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, cat. exp. (Lausanne, 2013), Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts, coll. « Les cahiers du musée des Beaux-Arts de Lausanne » (no 18), 2013.
JOUANNA Arlette, La Saint-Barthélemy : les mystères d’un crime d’État (24 août 1572), Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », 2007.
LE ROUX Nicolas, Les guerres de Religion (1559-1629), Paris, Belin, coll. « Histoire de France », 2009.
Nicolas LE ROUX, « Le massacre de la Saint-Barthélemy », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 08/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/massacre-saint-barthelemy
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sebdelbarre || Style ou courant artistique
Bonjour
je travaille,je n'ai pas de connaissance en peinture et en ce moment sur ce tableau et je n'arrive pas à définir qu'elle est le style ou courant artistique de ce tableau .Pouvez-vous m'apporter vos lumières svp
Pourquoi l'auteur as-t-il choisi de peindre sur du bois de noyer ? y a t-il une signification a cela?
Merci
cordialement Sébastien Delbarre
Thibaut || Femmes en noir
Bonjour, merci pour ce très bon site. Une phrase de cette page me semble étrange : la femme en noir à l'entrée du Louvre est évidemment Catherine de Médicis, qui se penche sans dégoût apparent sur un tas de cadavres avec la robe de deuil de son époux et la fraise qu'on lui connaît sur d'autres tableaux, mais les deux (trois en fait) autres femmes en noir me semblent plutôt être des réformées, poussée les mains liées vers la Seine par les soldats catholiques, ou exécutées "à la chaîne" sur le pont (l'une est déjà morte sur la rambarde, la seconde agenouillée est sur le point d'être frappée par un soldat, dans la même position que la troisième au centre gauche du tableau). Ces femmes portent un col plat et la tenue sombre typiques des huguenots - pour ceux qui étaient encore vêtus à l'heure du crime.
En réponse à Thibaut || Femmes en noir par Anonyme (non vérifié)
Femmes en noir
Je suis entièrement d'accord avec votre interprétation.
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