Maison en ruine à La Targette
Paysage de Champien
Ruines à Cantigny
Maison en ruine à La Targette
Auteur : HUGO Jean
Lieu de conservation : Musée franco-américain (Blérancourt)
site web
Date de création : 1915
Date représentée : 1915
H. : 13,5 cm
L. : 23 cm
Page de carnet. Mine de plomb
Domaine : Dessins
© ADAGP, © Photo RMN - Grand Palais - G.Blot
05-518653 / MNB2000,2
Jean Hugo, peintre dans la guerre
Date de publication : Octobre 2005
Auteur : Hervé CULTRU
Jean Hugo, un peintre dans la guerre
Si la littérature occupe toujours une place de choix dans la riche documentation dont l’historien dispose pour rendre compte des douleurs de la Grande Guerre, l’iconographie fait l’objet d’études de plus en plus nombreuses. Parfois suspecte de manipulation, à des fins de propagande par exemple, elle fournit un éclairage complémentaire, particulièrement précieux quand elle émane de sources qui n’ont pas été censurées. Ainsi, l’ensemble des cent cinquante-six dessins et des dix carnets de croquis que Jean Hugo réalisa sur le front au cours de la période 1915-1918 présente un grand intérêt. Ce peintre, arrière-petit-fils de Victor Hugo, apparaît comme un témoin privilégié : mobilisé dès le 4 septembre 1914, blessé en 1915, il réintègre rapidement les zones de combat jusqu’en 1917 puis est envoyé en Lorraine, auprès de l’armée américaine ; l’itinéraire qu’il est contraint de suivre lui donne un aperçu complet du théâtre des opérations. Il conte lui-même ces épisodes dans un livre de souvenirs, Le Regard de la mémoire, mais ses esquisses crayonnées sur les lieux sont au moins aussi riches de renseignements, tant sur la vie quotidienne des soldats que sur les paysages bouleversés qu’il traverse.
Un témoignage sur les destructions
C’est en Artois, à la mi-mai 1915, que le sergent Hugo fait connaissance avec le feu. Croisant des troupes démoralisées, qui viennent de subir de cuisants échecs et se dirigent vers l’arrière, il apprend que presque tous les soldats ont été tués. Dans les tranchées creusées à proximité du village de La Targette, l’artiste et les hommes qui sont sous ses ordres sont bientôt confrontés eux-mêmes à l’horreur. Un obus atteint la troupe, projetant Hugo au sol et faisant un mort. Le dessin au crayon noir, intitulé Maison en ruine à La Targette, semble montrer beaucoup de retenue : le dépouillement des lignes et la simplicité de la technique utilisée le placent aux antipodes de la grandiloquence généralement de mise lorsqu’il s’agit de montrer les destructions et de dénoncer la barbarie de l’ennemi. L’économie de moyens est d’autant plus remarquable que le graphisme indique que l’œuvre a été retravaillée ultérieurement (sans doute en 1919).
En avril 1916, promu sous-lieutenant, Jean Hugo est envoyé à Verdun. Il subit les bombardements, la régularité des attaques et contre-attaques, et même, en mai 1917, quelques mutineries qu’on le charge de réprimer. Son unité étant relevée en juillet de la même année, il passe par Champien, un village de Picardie, dont il réalise un croquis à la plume et à l’encre brune. Avec beaucoup de sobriété, là encore, il évoque les habitations éventrées par les Allemands avant leur repli stratégique. Dans la même région, un an plus tard, ses impressions touchent à l’épure : les pages du carnet qui montrent les ruines de Cantigny se limitent à un trait charbonneux, coupé de quelques lignes folles que dessinent des branches d’arbres dénudés.
Une iconographie particulière, de lecture délicate
Mobilisé jusqu’en février 1919, Jean Hugo achève son service dans le Palatinat et profite de longues plages de temps libre pour peaufiner la plupart de ses dessins, dont certains servent de canevas à des aquarelles. Dans les paysages de La Targette, de Champien ou de Cantigny, la combinaison « simple » entre courbes et lignes droites veut peut-être laisser une impression de dépouillement. Le point crucial est de savoir si le langage utilisé est en soi expressif ou s’il relève d’un essai purement esthétique. Pour des raisons évidentes le croquis pris sur le vif, au moment même d’un bombardement ou d’un échange de coups de feu, ne peut être mené à bien. On peut penser que le choix de paysages dévastés, des maisons modestes qui abritaient toute une activité paysanne florissante sur les riches terroirs du nord de la France, est révélateur d’un état d’esprit. Il s’agit de garder pour soi, car ces documents ne sont pas a priori destinés à être exposés, le souvenir d’épisodes mélancoliques.
Arrivé à l’âge de la maturité, Hugo paraît adopter une technique et une attitude qui s’approchent de celles de Cocteau et de son entourage, le milieu sophistiqué des peintres, des écrivains et des compositeurs qui donnent le ton de l’immédiat après-guerre. Si cette veine, où l’on dénote une influence du cubisme – la construction élégante des compositions rappelle parfois les travaux de Roger de La Fresnaye –, demeure sans lendemain, l’originalité du travail d’Hugo ne fait aucun doute quand on le met en perspective avec d’autres représentations contemporaines de villages ou de villes détruits, celles par exemple qu’a laissées un Bouchor, peintre aux armées, dont la facture est plus académique.
Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.Catalogue d´expositionJean Hugo, Dessins des années de guerre (1915 - 1919)Paris, éditions RMN et Actes Sud, 1994.Mario ISNENGHILa Première Guerre mondialeParis-Florence, Casterman-Giunti, 1993.
Hervé CULTRU, « Jean Hugo, peintre dans la guerre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/jean-hugo-peintre-guerre
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Jacques
Cher monsieur,
Je suis l'éditeur de l'Encyclopédie de l'Agora. Nous travaillons en ce moment à un dossier sur Jean Hugo. Nous vous demandons l'autorisation de reproduire vos textes et quelques images, en indiquant nos sources bien entendu.
P.S. J'ai personnellement la plus grande admiration pour Jean Hugo. Merci de contribuer à le faire connaître.
Histoire-image
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