Slave medallion. [Incrustation dans le coin bas gauche : le cachet de la Société des Amis des Noirs]
Registre de la Société des Amis des Noirs.
« Soyez libres et citoyens ». Frontispice de Charles Boily, d'après Pierre Rouvier.
Discours sur l'abolition de l'Esclavage d'Anaxagoras Chaumette. Page de Titre.
Slave medallion. [Incrustation dans le coin bas gauche : le cachet de la Société des Amis des Noirs]
Auteur : WEDGWOOD Josiah
Lieu de conservation : Wedgwood Museum (Barlaston)
site web
Date de création : 1788
Date représentée : 1788
Céramique dite"jaspe".
Domaine : Objets
© Wedgwood Museum / By courtesy of the Wedgwood Museum Trust, Barlaston, Staffordshire (England).
Le cachet de la Societé des Amis des Noirs
Date de publication : Octobre 2006
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
Le cachet de la Societé des Amis des Noirs
Le cachet de la Societé des Amis des Noirs
Le mouvement abolitionniste
Le système esclavagiste pratiqué dans les colonies des Antilles et en Amérique est au XVIIIe siècle une réalité cosmopolite. Tous les pays d’Europe sont impliqués dans l’exploitation directe, la traite des Noirs, ou à travers des intérêts économiques importants. Le système ignore les frontières et bafoue les réglementations douanières par la pratique généralisée du commerce interlope.
Face à cette réalité économiquement dominante, prend corps, à partir de 1770, un mouvement d’opposition à l’esclavage qui constitue une nouveauté radicale, d’autant plus que ce rejet de l’esclavage apparaît d’emblée international. Aux Etats-Unis comme en Angleterre se développent de nombreuses sociétés anti-esclavagistes, soutenues par les églises protestantes, quaker et méthodistes notamment, dans le sillage de La Pensylvania Abolition Society, créée aux Etats-Unis par Benjamin Franklin, et de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade, de Londres. En se fixant, en 1787, l’abolition de la traite pour objectif concret, cette dernière réussit à mobiliser l’opinion populaire anglaise : à la fin du siècle, sur huit millions d’habitants en Angleterre, plusieurs centaines de milliers pétitionnent en faveur de l’abolition de la traite.
C’est à l’instigation et à l’imitation de la société de Londres qu’est fondée en France la Société des Amis des Noirs. Elle se compose de nobles « libéraux », c’est-à-dire imprégnés de la culture des Lumières, et anglophiles, comme Condorcet, La Fayette, de gens de lettres ou de juristes comme Brissot, Carra et Mercier, et aussi de plusieurs financiers d’envergure, comme Clavière, le premier président. Un peu plus tard les rejoint l’abbé Grégoire qui apportera à la cause le soutien le plus long. Consciente du danger social et économique d’un renversement soudain de l’esclavage, la société vise à en préparer progressivement la suppression.
Sans être subversive, la Société des Amis des Noirs, remet cependant en cause les intérêts acquis, ceux des grands planteurs des colonies et des armateurs de la métropole, qui l’accusent de collusion avec l’Angleterre. Les colons, opposés à toute idée d’émancipation des esclaves, même graduelle, sont eux-mêmes constitués en un puissant lobby qui parviendra, malgré les efforts de la Société, à empêcher toute discussion du problème de l’esclavage par l’Assemblée constituante.
Le cachet de la Société
La Société des Amis des Noirs choisit, dès sa fondation en 1788, l’emblème de la société abolitionniste de Londres pour cachet: un Africain nu, chargé de chaînes, un genou en terre pour demander la liberté. Cette image affiche sa volonté de s’inscrire dans la dynamique internationale du mouvement anti-esclavagiste particulièrement actif en Angleterre. Toutefois, la société française réduit délibérément la devise anglaise signifiant « Ne suis-je pas un homme et un frère » à « Ne suis-je pas un frère ? ».
Le célèbre céramiste Josiah Wedgwood (1730-1795) s’est chargé du cachet de la Société de Londres, en 1787. Fervent abolitionniste, il entreprend de diffuser de cette image en la faisant reproduire à des milliers d’exemplaires dans cette céramique dure et fine comme le jaspe dont il est l’inventeur. Ces camées ornent bientôt les broches, les vêtements ou les chapeaux de tous les adversaires de l’esclavage des deux côtés de l’Atlantique. Benjamin Franklin dira qu’en Amérique : ils font connaître la cause des esclaves, « mieux que des pamphlets ».
Registre des séances
La société fondée à Paris, le 19 février 1788, ne prend son nom de Société des Amis des Noirs que le 27 mai. Le montant de la souscription des membres, fixé à deux louis, équivaut à deux mois de salaire d’un manouvrier. La Société des Amis des Noirs ne dépassera jamais deux cents membres, surtout nobles et grands bourgeois, au contraire des sociétés abolitionnistes anglaises et américaines, qui s’enracinent dans des bases populaires.
En France, elle s’apparente plutôt a une première forme de club aux objectifs politiques. Le président, Etienne Clavière (1735-1793), banquier genevois installé à Paris, et le secrétaire, Jacques-Pierre Brissot (1754-1793), journaliste et pamphlétaire, qui entretient de fréquents contacts avec la société de Londres, voudraient obtenir l’abolition de la traite par un accord international, entre puissances, puis sortir de l’esclavage sur deux ou trois générations, en s’orientant vers une nouvelle économie coloniale.
« Soyez libres et citoyens »,
Le frontispice de l’ouvrage du théologien protestant Frossard reprend la gravure inversée de l’emblème anti-esclavagiste: les deux mains de l’esclave agenouillé que joignaient les fers sont maladroitement dissimulées par celle de la France monarchique qui l’accueille. « Soyez libres et citoyens » est un vœu à long terme. L’abbé Grégoire, exprime la même idée dans son Mémoire en faveur des gens de couleur de 1789: il n’est alors « permis que de s’attendrir », en attendant « le moment opportun pour les affranchir ».
Le long titre de l’ouvrage révèle le rêve de Frossard de concilier des intérêts divergents qui n’iront qu’en s’opposant.
Discours d’Anaxagoras Chaumette
Même après la disparition temporaire de la Société des Amis des Noirs en 1792, l’image du noir agenouillé reste liée dans les mentalités à l’abolition de l’esclavage, en dépit des bouleversements révolutionnaires. Sous la Terreur, après l’extermination des Girondins amis de Brissot, Chaumette ose la publier en tête de son discours fameux sur l’abolition de l’esclavage, prononcé le 18 février 1794. Mais il lui adjoint l’autre partie de la légende d’origine, affirmant sans détour l’humanité des Noirs.
Image d’art d’allure classique et émouvante, ce dessin renvoie à une idée d’indépendance de la personne, même enchaînée. A l’époque, nul ne s’est avisé que la position agenouillée pourrait laisser une image d’infériorité du noir. Cette première image de propagande abolitionniste est représentative du dynamisme et de l’inventivité de la Société de Londres. En s’appuyant sur des images symboliques, elle parvient à mobiliser les masses ; ces dernières donnent une légitimité politique à l’abolitionnisme.
En France, au XIXe siècle, cette image symbole sera encore l’emblème de la seconde société abolitionniste ; on en retrouve la trace en peinture jusqu’au XXe siècle.
Yves BENOTLa Révolution française et la fin des colonies Paris, Editions la découverte, 1988.
Robert BLANC Un pasteur du temps des Lumières, Benjamin-Sigismond Frossard, 1754-1830Paris, Honoré Champion, 2000.
Nicole BOSSUT Chaumette, porte-parole des sans-culottes Paris, Ed.du CTHS , 1998.
Marcel DORIGNY et Bernard GAINOT La Société des amis des Noirs Paris, UNESCO/Edicef, 1998.
Guide des sources de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions Direction des Archives de France, La documentation française, Paris, 2007.
Luce-Marie ALBIGÈS, « Le cachet de la Societé des Amis des Noirs », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/cachet-societe-amis-noirs
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