Portrait de Madame Steinheil
Auteur : BONNAT Léon
Lieu de conservation : musée Bonnat (Bayonne)
site web
Date de création : 1899
Date représentée : 1899
H. : 96 cm
L. : 76 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn / René-Gabriel Ojeda
INV 586 - 00-030101
Marguerite Steinheil
Date de publication : Octobre 2011
Auteur : Myriam TSIKOUNAS
Femme savante et scandaleuse
Au début de l’année 1899, Félix Faure, sixième président de la IIIe République, se trouve pris dans la tourmente de l’« affaire Dreyfus » après s’être opposé à la révision du procès du capitaine. Dès lors, il n’apparaît plus dans l’opinion publique comme l’homme méritant et énergique qui a réussi à sceller une alliance avec la Russie puis à éviter un affrontement sanglant avec l’Angleterre au moment de la crise de Fachoda (1), mais comme un viveur, amateur de demi-mondaines. Le 16 février 1899, il trouve la mort dans les bras de Marguerite Steinheil, fille de l’industriel Édouard Japy et femme du peintre Adolphe Steinheil, son aîné de vingt ans. Si, pour les journaux d’opposition, le chef de l’État a péri dans un « excès de santé » (Le Gil Blas), pour La Presse et les organes nationalistes, il a été assassiné à cause de son attitude trouble dans l’« affaire Dreyfus ».
Dix ans plus tard, en 1908, Marguerite Steinheil sera à nouveau impliquée dans deux décès très médiatisés : sa mère et son mari sont retrouvés morts à son domicile, impasse Ronsin. Accusée de ce double meurtre, « la connaissance du Président » sera jugée aux assises de la Seine et acquittée en novembre 1909, sous les applaudissements d’une foule subjuguée par sa beauté.
Un portrait psychologique
Cette huile sur toile est signée de Léon Bonnat qui, en un demi-siècle, réalisa plus de deux cents portraits des célébrités de son temps. Dans chacun d’eux, l’artiste a cherché à traduire le mode de vie et le caractère de son modèle. Il a peint, par exemple, Victor Hugo assis à son bureau, accoudé sur un livre, et Gambetta debout, les mains dans les poches, prêt à haranguer la foule.
Dans ce tableau, Léon Bonnat exprime la personnalité complexe de son modèle. Vêtue d’une robe en tulle d’un bleu céleste qui contraste avec le fond brun, les cheveux sagement relevés en chignon et un mince collier de perles autour du cou, madame Steinheil est la jeune épouse élégante d’un peintre renommé. Le regard attentif et le discret sourire rappellent que « Meg » tient chez elle un salon fréquenté par des personnalités littéraires et politiques de premier plan. Mais, à l’inverse, l’éventail et les quatre grosses bagues trahissent la demi-mondaine, maîtresse depuis deux ans du président Félix Faure.
Du Salon à la prison
Dès qu’elle se trouve, en 1908, au centre d’une affaire judiciaire, Marguerite Steinheil est représentée de façon bien différente : les artistes ne la montrent plus qu’en veuve ou en prostituée. Le 13 décembre 1908, dans l’illustration du Petit Journal, « Madame Steinheil dans sa prison » est vêtue de noir, la tête dans les mains, en proie aux remords et aux visions – peintes dans des phylactères – de son mari et de sa mère assassinés. Le 7 novembre 1909, elle reparaît debout et en grand deuil, pénétrant dans le box des prévenus, pour « Les débuts d’un procès sensationnel ». Le 23 novembre, dix jours après la fin du procès, dans Le Rire, le caricaturiste Léandre n’hésite pas à donner les traits de l’acquittée à l’Olympia de Manet.
La fille de l’industriel Japy ne sera réhabilitée par l’image qu’en 1959, dans la série En votre âme et conscience. En effet, le scénariste, Pierre Dumayet, fait siennes les thèses d’Edmond Locard et d’Armand Lanoux selon lesquelles la mère de Marguerite serait morte de peur à la vue d’un amant étranglant son gendre, qui l’avait surpris. Le meurtrier étant le grand-duc de Russie, l’affaire aurait été étouffée par le préfet de police Lépine, sur ordre du ministre de l’Intérieur Georges Clemenceau.
Pierre DARMON, Marguerite Steinheil, ingénue criminelle ?, Paris, Perrin, 1996.
Armand LANOUX, Mme Steinheil ou la Connaissance du Président, Paris, Grasset, 1983.
Benjamin MARTIN, « The Steinheil affair 1908-1909 », in Laurels, American Society of the Legion Honor Magazine, New York, 1979.
Marguerite STEINHEIL, Mes Mémoires, Paris, Edmond Ramlot, 1912.
1 - Crise de Fachoda : l'armées française menée par le commandant Marchand tente de rallier Dakar à Djibouti tandis que l'armée anglaise menée par Lord Kitchener remonte le Nil pour relier le Caire au Cap. Les deux puissances coloniales s'affrontent à Fachoda (Soudan) de septembre 1898 à mars 1899. Au final, le gouvernement français ordonne à Marchand de se retirer et laisse les Anglais s'installer dans le bassin de Nil après un accord colonial.
Myriam TSIKOUNAS, « Marguerite Steinheil », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/marguerite-steinheil
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Article sur Marguerite Stenheil:
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