Une des premières automobiles Mors, 1898.
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musées et domaine nationaux de Compiègne (Compiègne)
site web
Date de création : 1898
Date représentée : 1898
Domaine : Photographies
© Photo RMN - Grand Palais - R. G. Ojeda
99-000714 / C.56001/28
Une des premières automobiles Mors, 1898
Date de publication : Septembre 2005
Auteur : Alain GALOIN
En 1873, l’apparition de la première automobile va bouleverser la relation des hommes au temps et à l’espace. Il s’agit de L’Obéissante, une voiture à vapeur imaginée par un fondeur de cloches manceau, Amédée Bollée (1844-1917). Dès lors, la concurrence se déchaîne, et les inventeurs, à l’affût de nouvelles techniques, explorent d’autres voies. En 1862 déjà, Alphonse Beau de Rochas (1815-1893) avait mis au point le cycle à quatre temps, mais c’est l’Allemand Nikolaus Otto (1832-1891) qui réalisera en 1876 le premier moteur à gaz fonctionnant selon ce principe. Cependant, l’automobile à essence est véritablement née avec le moteur léger à deux cylindres en V, que l’Allemand Gottlieb Daimler (1834-1900) a conçu en 1889. En 1891, l’entreprise d’Émile Levassor (1844-1897), qui s’est associé à René Panhard (1841-1908), produit la première voiture de série, grâce au brevet Daimler : la Panhard-Levassor. C’est en 1898 également que se tient à Paris, dans le jardin des Tuileries, le premier Salon de l’automobile ouvert aux constructeurs français et étrangers.
Au début du XXe siècle, la France est véritablement à la pointe de l’industrie automobile. Un nombre considérable de firmes voient le jour : Delahaye, Mors et Gladiator, Renault, Darracq, Rochet-Schneider… Avec Marius Berliet, Lyon dispute la vedette à Paris. En 1903, l’Américain Hotchkiss s’établit en France. Clément-Bayard, Turcat-Méry et Ariès démarrent leur entreprise pendant qu’en Catalogne, Marc Birgik oriente la production d’Hispano-Suiza vers un style élitiste. Pas moins de six cents constructeurs se partagent le marché.
À la veille de la Première Guerre mondiale, deux tendances contradictoires coexistent : l’automobile de luxe, carrossée « sur mesure » selon les désirs du client, et la voiture populaire fabriquée en série, influencée par la Ford T produite à la chaîne aux États-Unis, prélude à une véritable démocratisation de ce moyen de transport.
C’est en 1897 qu’apparurent les premières automobiles Mors. Le fondateur de la firme, Émile Mors, était ingénieur en électricité, ce qui explique le subtil système d’allumage par bobine à basse tension et dynamo que l’on trouve sur ses premières voitures. Elles étaient dotées d’un moteur V4 monté à l’arrière et d’un changement de vitesse par courroie et poulie de style Benz.
C’est l’une de ces premières voitures qui est ici photographiée sur une route de campagne. Le chauffeur et son passager sont vus de dos, et l’on distingue le moteur placé à l’arrière. Au premier plan, à droite, on aperçoit sur le bas-côté de la route le timon et la roue avant droite d’une charrette agricole. Dans le champ, à l’arrière-plan, deux paysans regardent passer ce surprenant véhicule avec un intérêt manifeste. L’automobile en ses premiers balbutiements n’est pas encore le moyen de transport banal, ordinaire, qu’elle est devenue aujourd’hui.
En 1898, Mors produisait déjà deux cents voitures par an, et, à partir de 1899 – date du premier Tour de France automobile –, ses véhicules se distinguèrent dans les grandes compétitions nationales et internationales. C’est en effet une Mors qui remporta le Paris-Toulouse-Paris en 1900, le Paris-Bordeaux et le Paris-Berlin en 1901, et le Paris-Madrid (qui s’arrêta en fait à Bordeaux) en 1903.
Malgré la crise de 1908, la firme Mors produisait deux mille voitures en 1909. Avant le premier conflit mondial, elle offrait une grande variété de modèles mais pendant l’entre-deux-guerres, elle résista mal à la concurrence des autres constructeurs, Citroën notamment. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle produisit des automobiles électriques. Les derniers véhicules à porter le nom de Mors furent des scooters Speed, fabriqués de 1952 à 1956. Reste que le nom de Mors est indissociable de celui – beaucoup plus célèbre – de Citroën. Ancien élève de l’École polytechnique, André Citroën (1878-1935) avait créé en 1905 la Société des engrenages Citroën, Hinstin et Cie. L’entreprise exploitait un brevet de fabrication d’engrenages en forme de chevron, une figure qui deviendra le logo de la marque du célèbre constructeur. Sa réputation d’efficacité et d’organisation incita la Société des automobiles Mors à faire appel à lui en 1906 pour relancer l’entreprise. Nommé directeur général et administrateur, André Citroën réorganisa la fabrication, créa de nouveaux modèles et, en six ans, décupla la production. Il gardera le souvenir de son passage chez Mors lorsqu’il fondera sa propre entreprise.
En 1915, il contribua à l’effort de guerre en créant, sur le quai de Javel, une usine dont la main-d’œuvre, en grande partie féminine – les « munitionnettes » –, fabriquait des obus. En 1917, le rendement était de 55 000 obus par jour.
En 1919, il reconvertit son usine d’armement vers une production civile et put enfin réaliser son vieux rêve : fabriquer une voiture populaire et fonder sa propre marque. En juin 1919, il put ainsi lancer le modèle A, une automobile dont le montage était entièrement effectué à Javel. Vinrent ensuite la B2 en 1921, la B10 en 1924, puis la B12 en 1925. En 1912, au cours d’un voyage aux États-Unis, il avait admiré le système de Taylor en vigueur dans les usines Ford et il s’empressa de standardiser la production dans son usine du quai de Javel. De 1919 à 1923, le rendement passa ainsi de cent à trois cents véhicules par jour. On était désormais bien loin des méthodes artisanales qui présidaient à la fabrication des voitures Mors.
En quinze ans d’un parcours éblouissant jalonné d’automobiles inoubliables, de la B14 à la Traction avant, André Citroën inventa véritablement l’automobile moderne, lança ses autochenilles à travers l’Afrique et l’Asie, et ne cessa de défrayer la chronique des Années folles. Après sa mort en 1935, l’entreprise, absorbée par Michelin, conserva néanmoins son esprit d’avant-garde.
Paul BRANCAFORT, « Le roi de Javel, André Citroën », in Historia, 1984, numéro spécial 449 bis L’Automobile a 100 ans, 1884-1984.Jean-Pierre DELAPERRELLE, L’Invention de l’automobile : Bollée, de la vapeur au turbo, Le Mans, Éditions Cénomane, 1986.Christine HÉMAR, André Citroën, Paris, Hatier, 2002.Yann KRISS, « Le Grand Prix de France », in Historia, 1984, numéro spécial 449 bis L’Automobile a 100 ans, 1884-1984.
Alain GALOIN, « Une des premières automobiles Mors, 1898 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 02/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/premieres-automobiles-mors-1898
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Frand
Bonjour,
je possède une photo d'une magnifique Mors, prise pendant la guerre de 1914/1918.
Vous intéresse t'elle ?
FG Marseille
Jean
Bonjour,
Cela pourrait être intéressant. En 1915, MORS a fabriqué des auto-canon pour l' armée belge. Ceux-ci ont combattu en Russie.
Actuellement on essaie de reconstruire une copie à l' identique et toute information sur MORS est donc utile
Cordialement,
Jean
lili
j'adore :)
catherine rommelaere || Contribution
Bonjour,
Petite contribution à l'analyse de la photo...
Même si ce n'est qu'un détail, "la charrette agricole" que l'on "aperçoit sur le bas-côté de la route" n'en est pas une...
On distingue en effet très clairement
- une paumelle (recouverte de cuir) de la barre de volée
- un timon terminé par une "trompe" ou crochet de timon, en métal, soutenant le ...
- maître-palonnier dont les extrémités, pourvues de douilles à crochets, supportent deux ...
- petits palonniers auxquels sont fixés les traits des chevaux de volée
Ce dispositif est caractéristique d'un attelage à quatre chevaux, pour voitures (hippomobiles) privées, dites "de luxe", de type break, phaéton, road-coach, calèche, landau, etc...
La voiture est stationnée en bordure de route et les chevaux ont été dételés et peut-être menés à l'ombre car c'est le plein été (les arbres sont en feuilles, les herbes du pré sont très hautes) et il est pratiquement midi (ombre sous la voiture).
Or, on ne laisse pas ce type de voiture, coûteuse, en plein soleil, "pour rien" (les panneaux en bois, peints et vernis, souffrent au soleil). C'est donc que les occupants ont une bonne raison d'être venus là, et de la laisser là.
Peut-être sont-ils des spectateurs venus assister aux essais de l'automobile ?
En effet, si l'homme appuyé à l'arbre est peut-être bien un paysan, la personne en bord de champ semble porter un chapeau à voilette (?) peu en usage chez les paysannes... Et s'ils sont tous deux si bien installés pour regarder l'automobile, c'est que celle-ci passe et repasse... ou qu'il s'agit d'une course avec plusieurs concurrents...
Mais ce n'est bien sûr qu'une hypothèse...
Merci en tout cas pour cette magnifique reproduction.
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