La Rue Montorgueil, à Paris. Fête du 30 juin 1878.
Auteur : MONET Claude
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1878
Date représentée : 30 juin 1878
H. : 81 cm
L. : 50 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© Musée d'Orsay, Dist. RMN - Grand Palais / Patrice Schmidt
RF 1982 71 - 10-527286
30 juin 1878, une fête « vraiment nationale »
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Chantal GEORGEL
Paris inaugure le 1er mai 1878, sous la présidence de Mac Mahon, sa troisième Exposition universelle (après celles de 1855 et 1867), la première de l’ère républicaine. L’enjeu est de taille : faire oublier au monde entier l’effondrement de 1870, au pays le traumatisme de la défaite, aux Parisiens les meurtrissures du siège et de la Commune, et, ce faisant, enraciner une République encore fragile malgré l’échec de la Restauration et la victoire des républicains à l’issue de la crise de régime qu’avait provoqué le renvoi de Jules Simon par Mac-Mahon le 16 mai 1877. Le succès fut immense. L’Exposition reçut 6 millions de visiteurs. Mais le plus beau jour fut le 30 juin, jour choisi pour célébrer « la paix et le travail ». Ce jour-là, qui débuta par l’inauguration de la statue de la République de Clésinger au Champ-de-Mars, Paris ne fut plus que lampions, lumières et musique ; pas une rue, pas une maison qui ne fût pavoisée d’oriflammes et de drapeaux. Le spectacle, unique et grandiose, devait marquer la foule immense qui, de l’aube jusque tard dans la nuit, envahit les places, jardins, boulevards et jusqu’aux plus petites rues, qui devinrent autant de lieux à célébrer par le chant, la poésie, le dessin ou la peinture.
Claude Monet est à Paris en 1878, où il habite, pour quelques mois. Quoique pauvre et dans le souci de ne pouvoir subvenir aux besoins de sa famille (Michel est né le 17 mars), le peintre s’enivre du spectacle de la ville et de sa modernité ; oubliant pour un temps les jardins, il retrouve le 30 mai l’inspiration qui lui avait fait peindre cinq ans plus tôt le boulevard des Capucines et sa foule bigarrée. « J’aimais les drapeaux, dira-t-il, la première fête nationale du 30 juin, je me promenais […] rue Montorgueil ; la rue était très pavoisée et un monde fou, j’avise un balcon, je monte… » Monet renouvelle l’expérience de la vue plongeante chère aux impressionnistes, tels Caillebotte ou Pissarro ; la rue est étroite et la perspective accentuée par le format en hauteur de la toile. Surtout le rôle principal est réservé aux drapeaux qui flottent au vent et à la foule, peints par petites touches fragmentées et rapides. Ce jour-là Monet peignit une autre toile, jumelle de celle-ci, La Rue Saint-Denis. Fête du 30 juin 1878 (Rouen, musée des Beaux-Arts). Les deux furent exposées lors de la quatrième exposition impressionniste en 1879.
Célèbre chez les historiens de l’art, parce que chef-d’œuvre de l’impressionnisme, cette toile de Monet est souvent perçue, à tort, comme une représentation du « 14-Juillet ». Pourtant, s’il s’agit bien d’une erreur, puisque le 14 juillet ne sera décrété fête nationale qu’en 1880, cette erreur n’est-elle pas compréhensible ? La multitude de coups de pinceau colorés, juxtaposés, exalte en effet la palette tricolore et suggère un archétype de réjouissance républicaine et populaire – et donc d’abord le 14-Juillet – plutôt qu’un événement précis. La toile de Monet offre par ailleurs, toujours au-delà de l’événement, une représentation fortement suggestive de la rue, de la foule, de la ville, trois sujets neufs pour le XIXe siècle, qui inspirèrent par exemple aussi Verhaeren (« Ces foules et ces foules… »), poète des villes tentaculaires.
Sylvie PATIN Monet. Un œil, mais bon Dieu, quel œil ! Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 1993.
Chantal GEORGEL La Rue Paris, Hazan, 1986.
Christian AMALVI « Le 14-Juillet » in Pierre NORA (sous la direction de) Les Lieux de mémoire , tome I « La République »Paris, Gallimard, 1984, rééd.coll.« Quarto », 1997.
Chantal GEORGEL, « 30 juin 1878, une fête « vraiment nationale » », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/30-juin-1878-fete-vraiment-nationale
Lien à été copié
Découvrez nos études
La Révolte des canuts
Le 20 novembre 1831 l’association mutuelle des chefs d’atelier de soierie décide la grève générale pour obliger les fabricants à respecter le…
1792, la Nation en arme
Le 11 juillet 1792, face aux défaites militaires et aux menaces d’invasion (des Prussiens du duc de Brunswick et des émigrés du prince de Condé),…
1958, pour un oui ou pour un non
Le 28 septembre 1958, les Français sont appelés aux urnes pour décider par référendum si, oui ou non, la nation va voir…
Une leçon de France
La IIIe République, née du désastre de Sedan…
"Le tour du monde en un jour", une exposition coloniale
Depuis les années 1890, la constitution de l’empire colonial français ne rencontre plus de…
Le mémorial du siège de Paris
Décrété le 19 septembre 1870, le siège dure jusqu’à l’armistice du 28 janvier 1871. Le commandement allemand s’est installé à…
Paul Déroulède prononce un discours à Bougival. Janvier 1913
Fondateur de la Ligue des patriotes en 1882, partisan du général Boulanger, Déroulède, qui avait combattu en 1870 et avait participé à la…
L'Arbre de mai
Alexis Bafcop (1804-1895) expose au Salon de 1831 à 1840 des portraits et des tableaux de genre à sujet « ethnographique ». Le motif de la…
30 juin 1878, une fête « vraiment nationale »
Paris inaugure le 1er mai 1878, sous la présidence de Mac Mahon, sa troisième Exposition universelle (après celles de 1855 et 1867), la première…
L’avènement de la monarchie de Juillet
Le 29 août 1830, Louis-Philippe Ier passe en revue les 50 000 gardes nationaux de Paris et de sa banlieue. La…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel