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Charles I<sup>er</sup>

Charles Ier

Exécution de Charles I<sup>er</sup> sur la place de Whitehall

Exécution de Charles Ier sur la place de Whitehall

Charles I<sup>er</sup>

Charles Ier

Date de création : Vers 1750

H. : 94 cm

L. : 113 cm

Copie d'après l'original d'Anton Van Dyck de 1636.

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

Domaine Public, CC0 Victoria & Albert Museum

Lien vers l'image

598-1882

  • Charles I<sup>er</sup>

Charles Ier

Date de publication : Mars 2025

Auteur : Paul BERNARD-NOURAUD

Un monarque amateur d’art dans des temps troublés

Si Charles Ier d’Angleterre fit de Philippe IV d’Espagne son ennemi lors de la guerre fort coûteuse qu’il mena contre son empire de 1625 à 1630 (1), il trouve aussi en lui un exemple en matière artistique. Emboîtant le pas au souverain espagnol qui avait anobli Pieter Paul Rubens en 1624, Charles Ier le fit à son tour chevalier six ans plus tard. Soucieux d’attirer à sa cour les meilleurs artistes de son époque, il décerne en 1633 le titre de « peintre principal » à un autre artiste anversois, d’une génération plus jeune que Rubens : Anton van Dyck. Celui-ci avait déjà aidé Charles Ier à constituer sa fastueuse collection d’œuvres d’art, pour laquelle le souverain avait parfois dépensé des sommes comparables à celles engagées pour mener la guerre contre l’Espagne. Cela avant que celle-ci ne se double d’un conflit avec la France de Louis XIII (de 1627 à 1629), et que des guerres intestines cette fois, et sur fond religieux, comme en Écosse et en Irlande, n’ensanglantent son royaume au cours de la décennie suivante. À partir de 1642, celles-ci dégénèrent en une série de trois guerres civiles, Charles Ier s’étant définitivement aliéné le Parlement auquel le livrèrent finalement ses anciens alliés écossais en 1647.

Après une brève évasion, il fut ramené à Londres et jugé pour haute trahison. Au terme d’une semaine de procès qui le reconnut coupable, Charles Ier fut exécuté en public sur la place du Palais de Whitehall où il était détenu. Quelques mois plus tard, le chef des armées opposées à celles du monarque, Oliver Cromwell (2), proclama la république (Commonwealth) dont il devint Lord Protecteur. Si Cromwell poursuivit la politique belliciste de Charles Ier, en particulier contre les puissances catholiques, il dilapida en revanche la collection de ce dernier, que son fils Charles II, revenu sur le trône après la mort de Cromwell en 1661, s’efforça de reconstituer.

Au moment de sa réalisation, le célèbre triple portrait de Charles Ier par Van Dyck, dont plusieurs copies ont été réalisées par la suite, dont celle qui fait l’objet de cette étude, due à un peintre anonyme du XVIIIe siècle, était destiné au sculpteur italien Le Bernin, qui avait par conséquent besoin de connaître la physionomie de son modèle sous ses différents angles. Le buste qu’il en tira aurait dû être offert par le pape Urbain VIII au souverain anglais afin de célébrer ses noces avec la reine catholique Henriette Marie de France (3). Le buste du Bernin ne parvint cependant en Angleterre qu’après la mort de son roi. Une mort elle-même commémorée par un émule de Van Dyck, surnommé « le petit Van Dyck », lui aussi originaire d’Anvers : Gonzalez Coques. Si celui-ci a bel et bien résidé à Londres, il est toutefois peu probable qu’il y ait assisté à l’exécution de Charles.

Une scène commémorative et un portrait-souvenir

La représentation qu’en donne Coques dans sa peinture répond en effet davantage à un devoir de commémoration, voire d’expiation, qu’à une ambition testimoniale. Le peintre n’en documente pas moins l’événement avec précision. Depuis l’échafaud aménagé pour l’occasion, un bourreau masqué tend à la foule assemblée la tête que son collègue vient de trancher d’un coup de hache. À leur côté, figurent trois hommes en habit noir et sans masques qui représentent sans doute des parlementaires. Sur les bords de l’estrade, on distingue les pointes de nombreuses lances et hallebardes qui renvoient quant à elles aux hommes de l’armée de Cromwell. Ainsi réunie, cette assemblée fait penser à un public venu assister à l’exécution comme à une représentation théâtrale.

Le spectateur du tableau composé de cette manière prend lui-même place dans une sorte de loge un peu à l’écart de la foule, et qui se distingue de l’événement proprement dit tant du point de vue spatial que chromatique. L’ensemble plutôt terne de la palette est en effet relevé aux premiers plans à droite par un homme en cape rouge et une femme en robe bleue, celle-ci ressemblant étrangement au portrait que fit Van Dyck d’Henriette Marie de France à peu près en même temps que son triple portrait de Charles. Son épouse avait pourtant regagné la France depuis cinq ans.

Mais ce n’est pas la seule anomalie du point de vue historique que comporte la peinture de Coques. Celui-ci a en effet choisi de représenter dans l’angle opposé Charles Ier lui-même, debout, le regard fixant celui du spectateur, suivant les codes du portrait en majesté, bien que ses attributs, le sceptre et la couronne, qu’il semble désigner mollement de sa main droite, gisent désormais à ses pieds. Seul subsiste autour de son cou le ruban bleu de l’Ordre de la Jarretière, qui figure aussi dans chacun des trois portraits – de face, de profil et de trois-quarts face, et chaque fois avec des tenues différentes – que fit de lui Van Dyck.

N’était le voile de mélancolie qui semble passer sur les yeux du souverain auquel fait écho le ciel d’ardoise derrière ses trois figures, rien ne laisse évidemment présager ici du sort funeste qu’il connut par la suite. Au contraire, Van Dyck le représente d’abord comme un gentilhomme d’une prestance analogue à celle qu’affectaient ceux qui le conduisirent à l’échafaud, tous membres de ce parlement auxquels s’affronta le monarque.

Les différents corps du roi

Le choix compositionnel de Van Dyck peut se comprendre dans un contexte de changement de sensibilité vis-à-vis des représentations des monarques. La légèreté toute maîtrisée dont il fait preuve à l’égard de Charles Ier s’agissant de le dépeindre s’inscrit dans les pas de Rubens portraiturant Philippe IV, et plus haut dans ceux du peintre qui fut leur modèle à tous deux : Titien, dont Van Dyck facilita pour le compte du monarque l’acquisition du célèbre Portrait de l’Arioste (vers 1510), aujourd’hui conservé à la National Gallery de Londres.

Ce choix s’inscrit en outre dans un réseau complexe au sein duquel les œuvres d’art jouent un rôle de plus en plus central dans la facilitation des échanges diplomatiques, et des alliances ou des disputes sur lesquels ils débouchent. Un réseau qu’alimentent les peintres eux-mêmes, au premier rang desquels Rubens, auquel furent confiées de nombreuses missions diplomatiques, comme en avait été chargé avant lui un autre peintre invité à la cour d’Angleterre au temps d’Henri VIII : le Bâlois Hans Holbein le Jeune, dont Les Ambassadeurs (1533, également à la National Gallery) constitue l’un des témoignages les plus éloquents de cette nouvelle fonction impartie aux grands artistes.

Mais ce dont rendent compte chacun à leur façon – subtile pour Van Dyck, plus explicite chez Coques – leurs choix représentationnels, c’est d’un renouvellement de la célèbre thèse des deux corps du roi. L’un mortel, l’autre perpétuel, qui fait que lorsque le roi meurt, la royauté ne meurt pas avec lui. Or, comme pour le célèbre frontispice du Léviathan de Thomas Hobbes élaboré dans le sillage de la mort de Charles Ier, l’un des moyens les plus concrets de rendre cette thèse visible consiste à produire des doubles du monarque en question. La capacité de l’image à dédoubler la présence physique du roi est ainsi investie d’une fonction de représentation à la fois politique et dynastique : de son vivant, le portrait du roi représente celui-ci en son absence, le dotant en quelque sorte d’une omniprésence ; après sa mort, il lui fournit une effigie qui représente cette fois la permanence de sa fonction.

En ce sens, toute représentation du roi est simultanément un portrait individuel, temporaire, et l’emblème de la permanence du pouvoir dont il est porteur.

Horst BREDEKAMP, Stratégies visuelles de Thomas Hobbes. "Le Léviatha", archétype de l’État moderne. Illustrations des œuvres et portraits, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2003.

Bernard COTTRET, La Révolution anglaise (1603-1660), Paris, Perrin, 2015.

Michel DUCHEIN, 50 années qui ébranlèrent l’Angleterre. Les deux révolutions du XVIIe siècle, Paris, Fayard, 2010.

Ernst KANTOROWICZ, Les Deux Corps du Roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2000.

Alexis MERLE DU BOURG, Anton Van Dyck. Portraits, Bruxelles, Fonds Mercator, 2008.

1 - Guerre anglo-espagnole (1625-1630) : ce conflit se déroule dans le cadre de la guerre de Trente ans, après l'échec du mariage entre Charles Ier et l'infante Marie, fille du roi d'Espagne. La défaite de la bataille de Cadix marque la faiblesse de puissance anglaise.

2 - Olivier Cromwell (1598-1658) : protestant et militaire, Cromwell devient un parlementaire et prend la tête de l'opposition parlementaire contre le roi absolutiste Charles Ier. Il prend la tête de l'armée en 1642 lors du déclenchement de la guerre civile anglaise. La Révolution triomphe, la république est proclamée, après l'exécution du roi Charles Ier en 1649, Cromwell doit faire face à une insurrection écossaise qu'il écrase. Il devient le lord-protecteur d'Angleterre, du pays de Galles, d'Écosse et d'Irlande le 

3 - Henriette Marie de France (1609-1669) : fille cadette d'Henri IV et de Marie de Médicis, elle épouse Charles Ier en 1625 et devient reine d'Angleterre. Elle est la soeur de Louis XIII. Réfugiée en France lors de la guerre civile anglaise, elle retourne à Londres lors de la restauration monarchique et de l'investiture de son fils Charles II, roi d'Angleterre. Elle rentre en France en 1665, où elle meurt.

Guerre de Trente Ans : Guerre européenne qui ravagea notamment le Saint-Empire romain germanique (l’Allemagne) de 1618 à 1648. L’origine du conflit est religieuse : à l’expansion de la Réforme en Allemagne, s’opposent les princes et souverains catholiques.

Paul BERNARD-NOURAUD, « Charles Ier », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/03/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/charles-ier

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