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Les Trois grands assis ensemble dans la cour intérieure du palais de Yalta

Les Trois grands assis ensemble dans la cour intérieure du palais de Yalta

Date de création : 9 février 1945

Date représentée : 9 février 1945

Domaine : Photographies

Domaine public © National Archives and Records Administration (NARA)

Lien vers l'image

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  • Les Trois grands assis ensemble dans la cour intérieure du palais de Yalta
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La Conférence de Yalta

Date de publication : Février 2025

Auteur : Alexandre SUMPF

Une rencontre au sommet

Le 4 février 1945, les dirigeants des trois plus grandes puissances alliées contre Hitler se réunissent à Yalta, en Crimée, afin de se mettre d’accord sur le sort de l’Allemagne après la guerre. Depuis quelques jours, en effet, l’Armée rouge est entrée sur le sol du Troisième Reich à l’Est, et les forces américaines, britanniques, canadiennes et françaises ont fait de même à l’Ouest. La victoire finale ne fait plus de doute, et la guerre froide a déjà commencé.

Les Grands ne se sont plus rencontrés à trois depuis la Conférence de Téhéran (1) en décembre 1943 ; Franklin D. Roosevelt et Winston Churchill ont chacun tenté de trouver un terrain d’entente avec Joseph Staline en tête-à-tête, avec des résultats mitigés. Depuis la conférence de Moscou (décembre 1944), les délégations se sont étoffées, les discussions se précisent, la couverture médiatique est à la hauteur. Des opérateurs d’actualité des principales nations alliées et des photographes, civils ou militaires, mitraillent les trois dirigeants lorsqu’ils se décident à poser pour le cliché officiel dans le patio intérieur du palais impérial préféré de Nicolas II, Livadia. Les négatifs et les tirages ayant beaucoup circulé à l’époque et depuis, il est aujourd’hui presque impossible de déterminer quel est l’auteur de ce cliché.

Drôle d’histoire

Quoique célèbre, ce cliché n’a jamais obtenu le statut de photographie officielle – du fait de l’hilarité du président américain et de son homologue soviétique, et du sourire affiché par leur camarade britannique. À l’arrière-plan, les officiers des trois armées regardent tous ailleurs, qui suivant les préparatifs, qui attendant quelqu’un, qui commentant la scène. On reconnaît, de gauche à droite, le maréchal sir Alan Brooke (commandant suprême des forces armées et conseiller militaire du Premier ministre britannique), l’amiral Ernest King (commandant en chef de l’US Navy, appuyé sur le pilier), l’amiral William D. Leahy (juste derrière Roosevelt, dont il est le conseiller militaire), le général George Marshall (chef d’état-major de l’US Army), le général-major Laurence S. Kuter (adjoint du commandant en chef de l’US Air Force, malade), le général Alexeï Antonov (chef adjoint de l’état-major général), le vice-amiral Stepan Koutcherov (chef-adjoint de la Marine militaire soviétique) et l’amiral Nikolaï Kouznetsov (commissaire du peuple à la Marine militaire, à ce titre son commandant en chef).

Personne ne prête vraiment attention aux trois dirigeants âgés de 71, 63 et 67 ans. Churchill tient à la main le bonnet d’Astrakhan offert par Staline à Téhéran à l’occasion de son anniversaire, qui a déclenché les premiers sourires de ses deux camarades. Roosevelt tient entre les doigts de la main gauche la cigarette qu’il est en train de fumer en attendant. En tenue militaire, puisqu’il est ministre de la Guerre et président du conseil étatique de la Défense, Staline glousse en regardant quelqu’un hors-champ, sans doute un officiel soviétique. Au premier plan, les tapis disposés pour le décorum laissent apparaître d’amples plis, sans doute dus aux allées et venues des reporters, pressants comme des paparazzis.

Adieux à la scène

Cette scène a été photographiée sous tous les angles, principalement en noir et blanc, mais aussi en Kodachrome. Le cliché le plus répandu montre les trois dirigeants redevenus sérieux, entourés de leur état-major au complet, avec la présence discrète des ministres des Affaires étrangères Anthony Eden (Royaume-Uni) et Viatcheslav Molotov (U.R.S.S.). Les films d’actualité tournés alors permettent de suivre le déroulé, et révèlent l’ampleur du dispositif de prise de vues qui reste à peu près hors-champ.

Dans ses Mémoires, à la date du 9 février, sir Alan Brooke se plaint de « l’extrême désorganisation » régnant durant la séance d’une demi-heure, personne ne rejoignant la place assignée et personne n’osant forcer quiconque à le faire. Même si tout le monde est au courant de la maladie grave dont souffre Roosevelt depuis des années, nul n’imagine que cette configuration ne se reproduira plus : le président américain mourra le 12 avril suivant, et le Premier ministre de Sa Majesté perdra les élections le 26 juillet, en pleine conférence de Potsdam (2).

La photographie des trois Grands entourés de militaires unis par la victoire qui se dessine est un symbole de l’époque : les délégués politiques, hors-champ, peinent eux à trouver des compromis. Incapables de s’accorder sur la question polonaise, ils parviennent malgré tout à décider du sort de l’Allemagne – occupée conjointement et non démembrée – et à finaliser le nouvel ordre mondial. La conférence de fondation de l’Organisation des Nations unies est programmée pour le 25 avril à San Francisco. Malgré la crainte de reproduire les erreurs de la Société des Nations, cet ordre reste celui des vainqueurs. De plus, tandis que Roosevelt insiste sur le droit des peuples à décider pour eux-mêmes et à vivre en démocratie, un Staline pragmatique arrache en secret deux sièges pour l’Ukraine et la Biélorussie. Les deux superpuissants décidés à se partager le monde cèdent aux instances d’un Churchill soucieux de redonner du poids aux Européens. Les Français sont donc enfin invités à la table des vainqueurs, obtenant une zone d’occupation à l’ouest de l’Allemagne.

Même non invité à Yalta, même écarté de la conférence de Postdam (17 juillet-2 août), de Gaulle a replacé la France sur la photographie symbolique des grandes puissances.

Georges-Henri Soutou, La Guerre de cinquante ans. Les relations Est-Ouest 1943-1990, Paris, Fayard, 2001.

Alexander Werth, La Russie en guerre, Paris, Tallandier, 2022.

Olivier Wieviorka, Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Perrin, 2023.

1 - Conférence de Téhéran (28 novembre-1er décembre 1943) : la conférence de Téhéran réunit pour la première fois les trois grands chefs d'état alliés : Staline, Churchill et Roosevelt. La réunion permet de confirmer le débarquement en Normandie (l'opération Overlord). Aucune décision politique n'est vraiment prise même s'il y est discuté du sort de l'Allemagne de l'après-guerre et de la Pologne. En revanche, le principe de la création des Nations Unies voulue par Roosevelt est accepté par Staline.

2 - Conférence de Potsdam (17 juillet-2 août 1945) : la conférence de Postdam réunit pour la dernière fois les chefs trois grands chefs d'état alliés : Staline, Truman et Atlee. Elle décide de la future Allemagne, de son occupation par l'U.R.S.S., les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, de son désarmement et de de sa dénazification avec notamment le procès de Nuremberg qui juge les criminels de guerre. A Postdam, Staline, fort des victoires de l'Armée Rouge, pose ses conditions concernant l'Europe de l'est. Bien que la guerre ne soit pas terminée (le Japon n'a pas capitulé), la conférence de Postdam marque le début de la Guerre froide.

Guerre froide : Période historique mondiale qui s'étend de 1945 à 1990. À l'issue de la seconde guerre mondiale, le monde est divisé entre le bloc de l'Ouest dominé par les États-Unis et le bloc de l'Est dominé par l'Union soviétique : on parle alors d'un mode bipolaire. Il s'agit d'une guerre idéologique (états communistes ou états libéraux) et stratégique, les affrontements se font sur des terrains non-occidentaux (comme la guerre du Vietnam, Cuba, Afghanistan). La guerre froide se termine avec la chute du mur de Berlin et la désintégration du bloc de l'Est.

Alexandre SUMPF, « La Conférence de Yalta », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/02/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/conference-yalta

Le film d'artualités de la Conférence de Yalta et la prise de vue de la photographie sur le site web de la National Archives and Records Administration (NARA)

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