Le Combattant F.F.I. et les alliés.
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : Musée franco-américain (Blérancourt)
site web
H. : 40,8 cm
L. : 58 cm
gravure en couleurs. Edition : L'Imagerie française, Limoges - Vendu au profit du Mouvement de Libération nationale EX M.U.R.
Domaine : Estampes-Gravures
© RMN - Grand Palais (Château de Blérancourt) / Gérard Blot
MNB 2012.2.2.5 - 12-555589
Les Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.)
Date de publication : Octobre 2021
Auteur : Alexandre SUMPF
L’Union fait la force
La guerre est presque gagnée, la France est libérée en grande partie, l’ennemi nazi est à terre, son empire parti en lambeaux : la carte imagée F.F.I. (Forces françaises de l'intérieur) a été diffusée avant avril 1945 (puisque Roosevelt est encore vivant). Les prémices de la guerre froide sont sensibles pour ceux qui regardent au-delà de la probable victoire à venir sur l’Allemagne hitlérienne. Mais pour la majorité, les F.F.I. symbolisent avec force l’union des vainqueurs et les futurs dirigeants du nouvel ordre mondial. L’alliance a pourtant connu des débuts chaotiques : le changement brusque d’alliance de l’U.R.S.S. le 23 août 1939 (pacte germano-soviétique) a stupéfié les gouvernements occidentaux et placé les communistes français en porte-à-faux.
Le retournement date de 1941 avec l’opération Barbarossa (22 juin) (2) qui fait basculer l’Union soviétique dans le camp allié ; le prêt-bail (3) qui inaugure en avril un axe incluant Grande- Bretagne et U.R.S.S. ; et finalement l’attaque japonaise contre Pearl Harbor (7 décembre 1941) qui brise l’isolationnisme de l’opinion américaine.
Quant aux Français, une minorité a choisi l’exil et la France Libre ; une autre minorité, renforcée en 1943 avec l’insoumission au Service du travail obligatoire (S.T.O.), est entrée dans l’un des nombreux réseaux de résistance, qui ont finalement été unifiés militairement le 1er février 1944 en Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.). Sur le plan politique, en revanche, la division reste forte : le commanditaire de l’affiche, le Mouvement de libération nationale (M.L.N.), créé par Philippe Viannay (1917-1986) et Claude Bourdet (1909-1996) en janvier 1944 s’efforce de fournir une alternative de gauche aux omniprésents communistes du Front national de la Résistance (F.N.R.) (4) créé en mai 1941.
Résistante et toujours puissante
L’image de format réduit (6x4 cm) « vendue au profit du Mouvement de libération nationale », comme il est précisé dans la marge en bas à droite, adopte une composition très lisible sur fond blanc ou crème paré des drapeaux de la coalition des nations antifascistes. En majesté, au milieu, se dresse un jeune homme sans marque politique distinctive portant casque de parachutiste, brassard tricolore et fusil mitrailleur. La position de l’arme au centre exact du dessin souligne le contexte de guerre et d’engagement militaire. Le résistant piétine un drapeau nazi déchiré, geste qui rappelle les moments cathartiques de destruction des symboles de l’Occupation tout en suggérant que la victoire se rapproche. Le combattant est encadré par les drapeaux des quatre Alliés symboliquement unis en un seul ruban, qui sert de support au portrait de leurs dirigeants. Une subtile hiérarchie place Winston Churchill (1874-1965) et Charles de Gaulle (1890-1970) au-dessus de Roosevelt (1882-1945) et Staline (1878-1953) : c’est à Londres qu’est née la France Libre, c’est de Londres que les parachutages d’hommes et d’armes ont soutenu la résistance intérieure. Pour éviter toute récupération politique, la faucille et le marteau ont été effacés de l’étendard soviétique, juste distingué par les lettres U.R.S.S..
La Résistance s’affiche au grand jour
Ce type de dessin aux couleurs primaires (4) est facilement reproductible mécaniquement : à ce titre, il tranche avec le caractère artisanal et unique des tracts de la Résistance, parfois réalisés à la main, au mieux ronéotypés. Le fait que les F.F.I. s’affichent ainsi comme ils le font sur les brassards marque à lui seul le changement d’époque. S’il est malaisé de connaître précisément le tirage de cette image, le fait qu’on la retrouve conservée dans plusieurs archives départementales, y compris dans des fonds personnels, et qu’elle ne porte aucune localisation spécifique conduit à penser qu’il a compté plusieurs dizaines de milliers d’unités. Le prix n’apparaît pas, ce qui suggère que la somme offerte était à la convenance de l’acheteur, qui pouvait faire ainsi assaut de générosité. La distribution des cartes autorise ainsi une autre modalité de soutien à la Résistance, moins dangereuse et plus classique, clairement inspirée des campagnes de collecte des œuvres charitables. Or le régime de Vichy en était un grand spécialiste, se voulait plus qu’un État-Providence, un État-humanitaire.
La grande différence avec toute la production du Secours national d’hiver, c’est qu’au lieu de la figure du Maréchal Pétain, le dessinateur place une silhouette anonyme au centre… et en satellites les portraits des quatre dirigeants alliés. Pour autant, il s’agit d’un trompe-l’œil. En effet, la petite mention signale qu’on propose de soutenir non les F.F.I., mais le M.L.N. qui est une organisation politique ; non de Gaulle, mais une nébuleuse de groupements sans vrai leader. Sous couvert d’unité, une fédération de mouvements de résistance avance ses pions dans la guerre froide qui couve : l’absence de la faucille et du marteau peut ainsi se lire comme une volonté affichée de nier l’apport communiste à la lutte contre l’occupant.
Laurent Douzou, Sébastien Albertelli, Julien Blanc, La lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance 1940-1944, Paris, Seuil, 2019.
Les Murs avaient la parole. L’affiche de 1939 à 1944, Musée national de la Résistance, 2003.
Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance, 1940-1945, Paris, Perrin, 2017.
2 - Opération Barbarossa : le 22 juin 1941, sur ordre d'Hitler, l'armée allemande envahit le territoire de l'Union Soviétique, rompant ainsi l'alliance de non-agression signé le 23 août 1939 entre l'Allemagne hitlerérienne et l'U.R.S.S..
3 - Prêt-bail : pendant la Seconde guerre mondial, afin de subvenir aux besoins en matériel militaire de la Grande-Bretagne, le président Roosevelt fait voter la loi du Prêt-Bail (Lend Lease Act), le 11 mars 1941 par le Congrès malgré la réticence des Américains à s'engager dans la guerre. Elle permet au président des Etats-Unis de fournir le matériel de guerre aux Britanniques puis à l'Union soviétique et même à la Chine sans considération financière. Au total, le prêt-bail a coûté 50 milliards de dollars, dont 8 milliards seulement ont été remboursé. En 1945, le prêt-bail cesse et est remplacé par le Plan Marshall.
4 - Front national de la Résistance (F.N.R.) : mouvement de la résistance française intérieure, il est crée en 1941 par le parti communiste, il est présent dans les zones nord et sud et recrute dans tous les milieux. Mouvement politique, son bras armé sont les Francs-tireurs et Partisans français crée en 1942
Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.) : Créées le 1er juin 1944, les F.F.I. rassemblent tous les groupes militaires combattants de la Résistance intérieure (dont les Francs-Tireurs et Partisans) sous la direction du général Koenig et participent à la libération de la France. En septembre 1944, les F.F.I. sont intégrées dans l'armée régulière française.
Guerre froide : Période historique mondiale qui s'étend de 1945 à 1990. À l'issue de la seconde guerre mondiale, le monde est divisé entre le bloc de l'Ouest dominé par les États-Unis et le bloc de l'Est dominé par l'Union soviétique : on parle alors d'un mode bipolaire. Il s'agit d'une guerre idéologique (états communistes ou états libéraux) et stratégique, les affrontements se font sur des terrains non-occidentaux (comme la guerre du Vietnam, Cuba, Afghanistan). La guerre froide se termine avec la chute du mur de Berlin et la désintégration du bloc de l'Est.
Alexandre SUMPF, « Les Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/forces-francaises-interieur-f-f-i
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