La Conférence de Casablanca
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : Le Mémorial de Caen (Caen)
site web
Date de création : entre le 14 et le 24 janvier 1943
Date représentée : entre le 14 et le 24 janvier 1943
H. : 12,7 cm
L. : 17,8 cm
tirage argentique noir et blanc
Domaine : Photographies
© Fondation Roosevelt / Mémorial de Caen
MEMO_PHOT_01680 / 30737
La conférence de Casablanca
Date de publication : Décembre 2014
Auteur : Alexandre SUMPF
La conférence de Casablanca
La conférence de Casablanca réunie du 14 au 24 janvier 1943 à l’initiative conjointe de Roosevelt et Churchill. Prise dans les jardins de l’hôtel Anfa de Casablanca, la photographie nous montre les quatre acteurs principaux de cette réunion au sommet : le Général Henri Giraud, le Président Roosevelt, le Général de Gaulle et le Premier Ministre Churchill (de gauche à droite sur l’image). Cette conférence internationale aboutit à plusieurs accords : la poursuite de l’aide à l’URSS, l’invasion de la Sicile puis du reste de l’Italie et la décision d’exiger la reddition sans condition des puissances de l’Axe.
S’il s’agit bien de préparer la suite de la stratégie Alliée dans sa globalité (Staline est d’ailleurs invité, mais décline), il est aussi question de régler le problème du gouvernement de l’Afrique du Nord (AFN) et l’Afrique Occidentale française (AOF). En effet, alors que l’opération Torch du 7-8 novembre 1942 a permis la reconquête d’une partie des territoires français d’Afrique du Nord (les combats se poursuivant néanmoins en Tunisie), la situation politique dans les territoires libérés reste très confuse : dans un premier temps, le protectorat du Maroc et de l’Algérie restent partiellement administrés par des lois et des fonctionnaires issus du régime de Vichy, sous l’autorité conjointe de l’amiral Darlan (certes passé du côté américain et nommé Haut-commissaire de France résidant en Afrique du Nord par Eisenhower dès novembre) et du général Giraud, commandant des forces militaires en Afrique du Nord. Après l’assassinat de Darlan le 24 décembre 1942, Giraud, soutenu par les Alliés, exerce son autorité sur l’Afrique du Nord et l’Afrique Occidentale française. Il est vivement contesté auprès des anglais et des américains par de Gaulle, qui se considère plus légitime pour exercer le pouvoir au nom de la France.
Nombreuses et largement diffusées, les différentes images de reportage consacrées à l’événement ont ainsi une valeur à la fois politique, documentaire et symbolique. En démontrant ne serait-ce que la simple possibilité d’une telle réunion, elles affirment notamment que les territoires reconquis sont bien sous contrôle Allié.
Giraud, Roosevelt, de Gaulle et Churchill
Le photographe a choisi ici un plan assez serré qui se concentre sur les quatre hommes, assis côte à côte sur des sièges posés sur l’une des pelouses de l’hôtel. Placé légèrement en contrebas de ses modèles, il laisse ainsi peu de profondeur de champ (on aperçoit un muret et quelques jambes à l’arrière plan). Le spectateur est ainsi au plus près de ces derniers et presque avec eux, dans l’intimité de la conversation qu’ils mènent sous un soleil d’hiver qui diffuse une lumière assez claire sur la scène.
La discussion semble à ce moment centrée sur un échange entre Roosevelt qui parle (en costume, une feuille posée sur les genoux, l’air sérieux et un peu grave) et de Gaulle (en habit militaire) qui l’écoute avec attention. Les deux hommes sont tournés (de trois quart) l’un vers l’autre, tandis qu’à leur gauche, Giraud, lui aussi en uniforme, les regarde dans une posture presque scolaire (le buste droit et les mains sur les genoux). A leur droite, Churchill est plus naturel. Il porte un chapeau et fume son habituel cigare. Il est lui aussi concentré sur le dialogue en cours.
Rencontre au sommet
La manière dont les dirigeants sont disposés les uns par rapport aux autres, le fait que la conversation se déroule entre Roosevelt et de Gaulle à l’instant précis où est pris le cliché La conférence de Casablanca ne doivent évidemment pas être surinterprétés (il existe en effet d’autres images de cette réunion, où la distribution et les attitudes sont différentes). Il est néanmoins possible de tirer quelques conclusions de la scène telle qu’elle est montrée.
Il s’agit tout d’abord d’une rencontre entre égaux : les quatre hommes sont placés sur un même plan (littéralement et au figuré), discutant sans que l’on décèle des marques de hiérarchie plus ou moins protocolaires. Même si l’attribution du pouvoir sur les terres françaises récemment libérées dépend in fine de Roosevelt et Churchill, ces derniers ont besoin d’un commandement français à la fois symbolique et réel. Giraud est effectivement nommé Commandant en chef français civil et militaire quelques jours après.
La rencontre est aussi présentée comme décisive. Les attitudes sont graves et sérieuses, qui disent que l’on règle ici des questions de la plus haute importance (suite des opérations en Afrique et en Italie, organisation du gouvernement de l’Afrique française) entre dirigeants de premier plan. Enfin, dans le contexte tendu de l’opposition pour le pouvoir entre de Gaulle et Giraud, certains détails semblent intéressants.
D’une part, on remarque que les deux généraux et les deux hommes politiques sont disposés alternativement : ce qui exprime à la fois l’idée que la réunion ne confronte pas d’une part les Alliés et de l’autre les français qui prendraient leurs instructions, mais aussi que Roosevelt et Churchill jouent ici un rôle de médiateur pour obtenir qu’ils s’unissent enfin. On peut d’ailleurs noter que Giraud est plus proche de Roosevelt qui a décidé de sa venue et le soutient quand Churchill, qui a difficilement convaincu de Gaulle à participer à la conférence malgré la présence de Giraud se tient au côté de ce dernier.
D’autre part, et alors que la conférence de Casablanca est plutôt destinée à obtenir un accord entérinant l’autorité de Giraud sur de Gaulle en ce qui concerne la région, il semble que le chef du Comité National français de Londres soit déjà en train de prendre une place centrale, discutant d’égal à égal avec les deux chefs Alliés, tandis que Giraud apparaît plus à la périphérie, un rien emprunté, dans une posture plus docile.
Vidéo (en anglais) :
https://www.youtube.com/watch?v=l0cojFJ5UYc
AZÉMA Jean-Pierre, Nouvelle histoire de la France contemporaine : de Munich à la Libération (1938-1944), Paris, Le Seuil, coll. « Points : histoire » (no 114), 1979.
BROCHE François, CAÏTUCOLI Georges, MURACCIOLE Jean-François (dir.), Dictionnaire de la France libre, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010.
DE GAULLE Charles, Mémoires de guerre : l’unité (1942-1944), Paris, Plon, 1956.
MARCOT François (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance : résistance intérieure et France libre, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006.
MURACCIOLE Jean-François, Histoire de la France libre, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » (no 1078), 1996.
Alexandre SUMPF, « La conférence de Casablanca », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/conference-casablanca
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