Esquisse d'un projet d'aménagement de la salle d'Exercices de l'école centrale de Saint-Flour [dans l'ancienne chapelle du grand Séminaire]
Programme du cours de l'école centrale du Cantal pour l'an VII [1798-1799]
Pétition d'un professeur de dessin, pour obtenir le matériel nécessaire à son enseignement
Palmarès de l'école centrale du Cantal, 30 thermidor an X [18 août 1802]
Esquisse d'un projet d'aménagement de la salle d'Exercices de l'école centrale de Saint-Flour [dans l'ancienne chapelle du grand Séminaire]
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
H. : 40 cm
L. : 55 cm
Aquarelle sur papier.Par Lallié, architecte.
Domaine : Dessins
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
L'École centrale de Saint-Flour (1795-1802)
Date de publication : Novembre 2003
Auteur : Jean-Éric IUNG
L'École centrale de Saint-Flour (1795-1802)
L'École centrale de Saint-Flour (1795-1802)
Créées par trois lois successives de 1795, les écoles centrales devaient dispenser un enseignement secondaire supérieur. Des professeurs rétribués par l’Etat enseigneraient dix disciplines littéraires, techniques et scientifiques, organisées en sections accessibles respectivement et en théorie : langues anciennes, dessin et histoire naturelle (langues vivantes optionnelles) à partir de 12 ans, mathématiques, physique et chimie expérimentales à partir de 14 ans, grammaire générale, belles-lettres, histoire et législation à partir de 16 ans.
Les collèges d’Ancien Régime qui, même très affaiblis depuis la crise du milieu du XVIIIe siècle, attiraient de gros effectifs puisant dans presque toutes les couches sociales de la ville et de la campagne, n’étaient pas un modèle pour les penseurs des Lumières : les écoles centrales fonctionneraient à l’opposé des collèges, le système des classes était aboli, les élèves et leurs parents choisiraient les cours suivis et combineraient ceux-ci librement, les professeurs n’étaient tenus par aucun programme national, même s’ils les publiaient en début d’année. En outre les disciplines expérimentales chères aux encyclopédistes étaient mises à l’honneur.
Le projet initial de Condorcet avait été remanié par des conventionnels comme Lakanal, pour qui l’instruction et les capacités intellectuelles que celle-ci développait étaient les fondements de la liberté, mais pour qui l’enseignement ne pouvait être dispensé dans les mêmes conditions à tous : seule une élite, masculine de surcroît, serait et fut concernée.
L’école centrale du Cantal fut installée dès ses débuts en 1796 dans la chapelle de l’ancien séminaire diocésain, déjà affecté à la bibliothèque départementale. La volonté farouche des administrateurs locaux et départementaux de sauver un bien national invendable, véritable préfiguration d’un souci patrimonial, combinée à la décision de faire fonctionner l’établissement (que le Cantal aurait pu perdre si le seuil démographique que la loi avait imposé avait été appliqué), incita l’autorité départementale à engager des dépenses de remise en état sommaire, puis à obtenir la confirmation du maintien de l’école dès l’an IV.
L’ingénieur des ponts et chaussées Lallié endosse l’habit de l’architecte décorateur à l’occasion du premier grand projet qui lui est confié dans le Cantal[1]. Il propose la transformation totale de la chapelle dans l’esprit des cabinets de curiosités pour y rassembler la riche bibliothèque et les collections départementales dont la minceur sera compensée par leur réunion en « une espèce de muséum départemental[2] ». Ce cadre servira aussi aux exercices. Pièce majeure de l’enseignement secondaire ancien, l’exercice public est repris par les pédagogues du Directoire, anciens professeurs de collège le plus souvent. Les meilleurs élèves composent oralement, résolvent des problèmes et répondent à des questions face aux autres enfants, aux professeurs, aux autorités locales et à un public mixte de parents et d’amis.
L’organisation de la pièce unique est simple : des rayonnages dans trente-six « armoires » (des travées de menuiserie sur un socle de brique haut de 66 cm) ; les travées architecturales centrales seront quant à elles percées chacune d’un œil-de-bœuf, à la place des vitraux, pour donner de la lumière. Les travées de chaque extrémité de la pièce sont chargées de cornues et d’autres instruments pour la physique et la chimie, d’une part, de bocaux de naturalistes et d’animaux empaillés, de l’autre. Lallié aime l’antique ; il entend que l’artiste-peintre à recruter se conforme à son décor : outre des groupes de grands modèles en ronde-bosse installés à la base de chaque arc doubleau, il place sur la corniche des bibliothèques des candélabres géants et des statues de femmes prenant diverses poses, autant de modèles pour le cours de dessin. Le professeur de dessin de l’an VII, qui écrit sur du papier timbré actualisé (où apparaissent les pouvoirs successifs : généralité d’Auvergne sous Louis XVI, au centre, monarchie constitutionnelle, à gauche, régime républicain, à droite), ne cachera pas la difficulté à s’en procurer.
Les pilastres des arcs doubleaux portent, sous le chapiteau, un masque funéraire à l’égyptienne, et, au-dessus du tailloir, sur un piédestal, une divinité égyptienne ailée lève vers le ciel une couronne tressée. Les culs-de-four seront couverts de fresques : les œils-de-bœuf latéraux reposent sur le dos de sphinges dont la tête arrive au niveau d’une vasque à encens fumante, celui de la travée centrale étant simplement orné de feuilles. Un génie ailé, symbole qui accompagne souvent l’instruction publique (car celle-ci doit le révéler chez les élèves) surmonte chaque œil-de-bœuf, chacune de ses mains tendant vers le bas une couronne tressée.
Le Directoire, époque de représentation, de symbolique et de mise en scène politique, imprègne le décor majestueux que Lallié destinait à cette salle ; des raisons financières différèrent sine die sa mise en œuvre. Lallié dut se contenter de lancer les travaux à Aurillac, où les modèles antiques lui inspirèrent un hôtel de ville et une préfecture d’une grande sobriété.
L’Égypte avant la campagne de Bonaparte, des sculptures grecques et romaines, des génies ailés, des voûtes rosâtres et des murs bleus décorés de motifs géométriques symétriques, tout cela aurait dénaturé la chapelle assez stricte des lazaristes, dans un pays où le baroque et le rococo n’avaient pas eu de prise… Le palmarès de l’école centrale en l’an X montre une réalité bien éloignée de cette brillante chimère où fusionnent arts, lettres et sciences, la réalité de l’époque : les classes expérimentales ne fonctionnent pas, et la situation économique des familles est parfois médiocre.
On estime que le nombre des élèves ayant fréquenté les écoles centrales, de 10 000 à 15 000 en année moyenne, n’équivalait qu’au quart de la clientèle des collèges de 1789. Plusieurs raisons, structurelles et conjoncturelles, contribuèrent à cet effondrement de la scolarisation secondaire : l’institution nouvelle proposait un enseignement de haut niveau, que des enfants mal alphabétisés ne pouvaient suivre ; la mise en place des écoles et des enseignements fut progressive. Si le dessin connut partout un grand succès, l’enseignement fondé sur l’expérimentation scientifique, dans le droit fil de la pensée des encyclopédistes et des philosophes, ne fut pas mis en place.
A Saint-Flour, la bibliothèque fut plus favorisée par les événements : le projet encyclopédiste, les confiscations de mobilier, les efforts du Comité d’instruction publique de la Convention puis du ministère de l’Intérieur, se combinèrent pour donner au département une bibliothèque « nationale », dès l’origine installée au séminaire, où l’accueil du public était prévu.
Pierre CHASSANGLe Grand Séminaire de Saint-FlourSaint-Flour, [chez l’auteur], 1994.Emile CHEYLUD« L’école centrale du département du Cantal (an V-an XI), in Revue de la Haute-Auvergne, tome V, p. 217-248 et 345-385.1903Jacques GODECHOTLes Institutions de la France sous la Révolution et l’EmpireParis, PUF, 1951.Dominique JULIA et al.Atlas de la Révolution française, tome II « L’enseignement »Paris, Ed.de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, 1987.Catherine MEROT« Le recrutement des écoles centrales sous la Révolution », Revue historique, 556, P. 357-384oct.-déc.1985Bernard VINATIER« Les Cantaliens à l’Ecole normale de l’an III », in Revue d’Auvergne, 105/4, p. 309-345.1991Auguste BOPPE et Raoul BONNETLes vignettes emblématiques sous la RévolutionParis, Berger-Levrault, 1911.
Jean-Éric IUNG, « L'École centrale de Saint-Flour (1795-1802) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/ecole-centrale-saint-flour-1795-1802
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