Crédit Lyonnais. Souscrivez au 4e emprunt national
Souscrivez à l'emprunt de la libération et la victoire est à nous
Crédit Lyonnais. Souscrivez au 4e emprunt national
Auteur : FAIVRE Abel
Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web
H. : 80,8 cm
L. : 123 cm
Domaine : Affiches
© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / image musée de l'Armée
12482.9C1 - 19-515055
Les emprunts nationaux pendant la guerre de 1914-1918
Date de publication : mai 2011
Auteur : François BOULOC
Mobilisation pécuniaire de l’arrière
Durant la Première Guerre mondiale, l’épargne française est mise à contribution par le biais d’emprunts nationaux annuels (novembre 1915, octobre 1916, 1917 et 1918). Ces initiatives répondent à une double nécessité. Il s’agit d’abord, bien sûr, de financer une guerre rendue particulièrement coûteuse par l’effet combiné de sa longueur, de l’ampleur des moyens nécessaires et de son caractère industriel. Mais cet enjeu coexiste avec un autre, celui de la mobilisation de la société dans son ensemble.
En enjoignant les populations de souscrire aux emprunts, ou aux bons de la Défense nationale, les pouvoirs publics entendent entretenir l’implication des Français dans la guerre, dans une optique très similaire à celle qui préside à l’organisation de diverses Journées (du Poilu, du 75, des Alliés…). Le devoir de l’arrière est en effet de seconder les efforts et les sacrifices endurés sur le front par les millions de mobilisés. Pour ce faire, l’État recourt à des moyens de propagande variés, tels que la presse, les conférences, les discours et l’affichage.
Les deux documents présentés ici relèvent de cette catégorie : ce sont des œuvres de commande destinées à l’affichage, par exemple dans les agences bancaires où l’emprunt pouvait être souscrit. « Dessinateurs, graveurs, peintres, caricaturistes rivalisèrent d’imagination pour composer les affiches destinées à stimuler le patriotisme et la générosité » ( Jean-Jacques Becker et Serge Berstein, Victoire et frustrations, p. 83.)
Guerriers et symboles
L’affiche Souscrivez au 4e emprunt national, anonyme, met en scène un guerrier français nu et casqué, armé d’un glaive. Sa posture résolue et combative renvoie à l’imagerie des héros antiques, choix accentué par l’étoffe bleu-blanc-rouge qu’il tient d’une main et par la typographie du slogan. L’allégorie de la France au combat emprunte à l’imaginaire mythologique : tel un Hercule contemporain, le soldat français lutte en effet contre un aigle immense, dont le corps massif et les serres crochues soulignent la férocité. L’aigle, emblème de l’Empire allemand, symbolise l’ennemi. Le péril encouru par la France est évoqué par le bec de l’animal, accroché au côté droit (est de la France) du tissu tricolore. La position de l’épée du soldat, prête à transpercer l’aigle, laisse cependant entrevoir l’issue heureuse du combat.
L’affiche Souscrivez à l’Emprunt de la libération et la Victoire est à nous a été dessinée par l’artiste William Malherbe. On ne retrouve pas ici son style postimpressioniste, qu’il laisse de côté pour un art très figuratif – certainement plus adapté aux contraintes de l’affiche de propagande. Sa composition associe plusieurs symboles afférents à la « Victoire ». L’appel à souscription est en effet étayé par quatre éléments imbriqués : un combattant en uniforme, enthousiaste et déterminé, porte virilement Marianne qui, elle-même, brandit un drapeau tricolore. Le valeureux soldat est le soutien de la République et de la Nation. Dernier élément de la scène, il est en retour gratifié d’une couronne de lauriers, apanage des glorieux vainqueurs.
Alimenter le mythe unanimiste par la propagande
Ces deux documents ont un point commun essentiel, celui de mettre en valeur toute l’étendue des mérites des combattants afin de faire pression sur les populations civiles en vue du succès de l’emprunt national. Les civils sont mis en face de la situation privilégiée qui est la leur loin du front. Comment ne pas souscrire quand d’autres affrontent les armées ennemies et assurent la protection de la communauté nationale ?
Pris tels quels, ces documents peuvent donner à penser qu’un élan patriotique puissant et continu caractérise la société française durant le premier conflit mondial. Cela est vrai en partie, et le cadre de références employé ici renvoie bien sûr à certaines représentations des contemporains. Mais les choses se présentent aussi de façon un peu plus prosaïque, puisque les emprunts de la Défense nationale sont aussi des placements avantageux pour les nombreux épargnants ciblés par ces affiches. Cela introduit de l’ambiguïté dans les motivations : comme l’écrit Jean-Baptiste Duroselle, « gagner de l’argent sous couvert de patriotisme convenait très bien à l’atmosphère de l’Union sacrée » Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français, p. 159). Quant aux soldats, dont la vie quotidienne ressemblait assez peu aux mises en scène proposées ici, ils étaient souvent assez réticents ou hostiles à l’égard de telles opérations, comme en témoigne cette lettre, saisie par le contrôle postal, qu’un mobilisé du 264e régiment d’infanterie a écrite à son épouse : « Si je te disais qu’ils ont le toupet de demander aux soldats de souscrire pour la continuation de la guerre et de les faire tuer. Jamais de ma part ils auront [sic] un sou. Et je te défends, et surtout ta mère, qu’elle ne fasse pas [sic] cette bêtise de souscrire » (Jean Nicot, Les Poilus ont la parole. Lettres du front, 1917-1918, p. 163.)
Jean-Jacques BECKER et Serge BERSTEIN, Victoire et frustrations, 1914-1929, Paris, Le Seuil, 1990.
Jean-Baptiste DUROSELLE, La Grande Guerre des Français, Paris, Perrin, 1998.
Laurent GERVEREAU, « La propagande par l’image en France, 1914-1918.
Thèmes et modes de représentation » in Laurent GERVEREAU et Christophe PROCHASSON, Images de 1917, Nanterre, B.D.I.C., 1987.
André LOEZ, La Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2010.
Jean NICOT, Les Poilus ont la parole.
Lettres du front, 1917-1918, Bruxelles, Complexe, 2003.
Henri TRUCHY, Les Finances de guerre de la France, Paris, P.U.F., 1926.
François BOULOC, « Les emprunts nationaux pendant la guerre de 1914-1918 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/emprunts-nationaux-guerre-1914-1918
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Les Barrières de Paris
Au début de la Révolution française, les sites de prélèvement de l’octroi sont pris pour cible et…
L’Alsace, province perdue
L’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1871 provoqua…
Napoléon III et la politique des nationalités
L’une des conséquences de l’attentat d’Orsini, perpétré le 14 janvier 1858 contre l’empereur Napoléon III, fut la création d’un Conseil privé…
La fuite de Blois et la réconciliation
Lorsque Rubens reçoit en 1622 commande d’un cycle de peintures pour orner la galerie occidentale du tout nouveau…
L'image de l'Allemand en 1870
Le dessous des cartes
Au cours de l’été 1914, la mécanique des alliances croisées s’emballe et conduit en…
Les emprunts nationaux pendant la guerre de 1914-1918
Durant la Première Guerre mondiale, l’épargne française est mise à contribution par le biais d’emprunts…
La Folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
L’invention de la photographie en 1839 par Jacques Daguerre (1787-1851) eut, entre autres, des conséquences non négligeables sur la recherche…
Le Douanier Rousseau, pacifiste et républicain
A la fin du XIXe siècle, la France s’installe définitivement dans la République et poursuit une industrialisation déjà bien commencée…
Thomas Couture et la décadence
Formé dans l’atelier d’Antoine Gros et de Paul Delaroche, Thomas Couture se révèle rapidement un…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel