Avec Hindenburg et Hitler, pour la liberté et l'unité allemandes
Le Führer Adolf Hitler serrant la main au président maréchal Paul von Hindenburg
Avec Hindenburg et Hitler, pour la liberté et l'unité allemandes
Auteur : RUPPRECHT Philippe
Lieu de conservation : Deutsches Historisches Museum (Berlin)
site web
Date de création : 1933
Date représentée : 1933
H. : 103 cm
L. : 71,5 cm
Titre original : Mit Hindenburg und Hitler zur Deutschen Freiheit und Einigkeit !
Lithographie en couleurs
Domaine : Affiches
© Philipp Rupprecht, FIPS © BPK, Berlin, Dist. GrandPalaisRmn / Sebastian Ahlers
P 62 / 255 - 24-537692
Hitler-Hindenburg, l’aigle à deux têtes
Date de publication : Décembre 2024
Auteur : Alexandre SUMPF
La résistible ascension de Adolf H.
Le mois de mars 1933 est une étape majeure dans la prise du pouvoir par Adolf Hitler et son parti N.S.D.A.P (Parti national-socialiste des travailleurs allemands, Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Depuis qu’il a été appelé à la fonction de chancelier par le maréchal Paul von Hindenburg, le 30 janvier 1933, le leader national-socialiste ne fait pas mystère de sa volonté de régner en dictateur. Ayant fait accuser un communiste de l’incendie du Reichstag, dans la nuit du 27 au 28 février, le chef de gouvernement en a profité pour obtenir du président de la République un décret-loi d’urgence qui limite très fortement les libertés civiles.
La campagne électorale pour laquelle l’affiche Avec Hindenburg et Hitler vers la liberté et l'unité allemandes ! a été produite se déroule dans un climat brutal, les candidats communistes ayant tous été emprisonnés. Si le N.S.D.A.P. l’emporte largement avec 43,9% des suffrages (contre 33,09% en novembre 1932), ce score ne permet pas à Hitler d’obtenir du Reichstag les pleins pouvoirs sans l’appui des conservateurs nationalistes du D.N.V.P (Parti populaire national allemand, Deutschnationale Volkspartei). C’est pourquoi, de concert avec Hindenburg, ils mettent en scène la poignée de main lors du « Jour de Potsdam » du 21 mars, date d’intronisation de la nouvelle assemblée. Cette mise en scène est immortalisée par des photographes, qui permettent une large diffusion de cette image de propagande.
Caporal et maréchal
Le bas de l’affiche clamant « Avec Hindenburg et Hitler vers la liberté et l'unité allemandes ! » demande explicitement à l’Allemagne de voter pour la liste 1. C’est en théorie celle du N.S.D.A.P., mais elle a été renommée par l’affichiste Liste Hitler. Le soutien explicite du président de la République, héros de la Grande Guerre, s’incarne dans sa présence côte à côte avec le Chancelier, sur un pied parfait d’égalité : même taille, même costume civil sobre, même air de gravité. Chacun arbore une moustache reconnaissable entre mille – celle du Deuxième Reich pour le maréchal, celle du bientôt Troisième Reich pour le simple soldat qui prétend alors avoir été caporal, mais étant un simple agent de liaison dans l’immédiat-arrière-front. Au pied de ces deux statues humaines, une foule extatique fait le salut hitlérien, brandissant l’oriflamme national-socialiste au svastika et l’enseigne de guerre du Deuxième Reich.
La poignée de main du « Jour de Postdam » va plus loin encore dans le recours à la symbolique de la passation de pouvoir. Hindenburg se tient droit, en tenue d’apparat – bottes, casque à pointe et épée de maréchal. Hitler, bien peigné, en frac, souliers vernis et chapeau haut-de-forme s’incline respectueusement devant la figure tutélaire de la République. On devine un sourire sur ses lèvres. À l’arrière-plan, quatre officiers S.S. (Schutzstaffel) effectuent le salut hitlérien.
Le mythe du « coup d’État légal »
La campagne électorale, puis la campagne plus souterraine pour obtenir les pleins pouvoirs a été orchestrée par Joseph Goebbels, Ministre de la Propagande depuis le 13 mars. Arguant sans doute de la place de premier parti en voix et en sièges aux élections législatives de novembre 1932, il a fait attribuer le numéro 1 à la liste du N.S.D.A.P. Elle apparaît donc tout en haut du bulletin de vote que le citoyen doit cocher. Le soutien du président de la République, total en apparence, a été en réalité compliqué à sceller.
La propagande nationale-socialiste fait tout pour le séduire et l’assurer du maintien de sa fonction de garant des institutions et de protecteur des Allemands. Le fait que Hitler ne revête pas son uniforme préféré (et non officiel) est un gage de respectabilité « bourgeoise » (le mot socialiste apparaît dans N.S.D.A.P., Parti national-socialiste des travailleurs allemands), de sérieux gouvernemental (au lieu du chaos organisé par les S.A. - Sturmabteilung - dans la rue) et aussi une manière d’amadouer l’armée (d’où le recours à l’enseigne de guerre et non au drapeau officiel du Deuxième Reich). Plus subtilement, des équivalences sont tissées entre les deux personnages au nom commençant par H, et la liste porte le nom du futur dictateur.
Le 21 mars, à Potsdam où fut réuni pour la première fois le Reichstag en 1871, Hindenburg demande solennellement aux députés de faire confiance à Hitler. Le passage de témoin et la transmission de la légitimité étatique se lit clairement dans la photographie de propagande de leur poignée de main. Hindenburg est suivi largement le 23 mars, seuls les socialistes du SPD votant contre les pleins pouvoirs puisque les communistes du K.P.D. (Parti communiste d'Allemagne, Kommunistische Partei Deutschlands) sont en prison. La veille, les camps de concentration de Dachau et d’Oranienburg avaient été inaugurés.
Si une forte minorité d’Allemands croit en Hitler comme en un sauveur de la nation, il ne suscite aucun élan unanime. Lors des élections de novembre 1933, seul un parti sera autorisé à concourir : le N.S.D.A.P. emportera les 661 sièges, non sans que 8% des Allemands osent voter contre.
Pierre Ayçoberry, La société allemande sous le IIIe Reich : 1933-1945, Paris, Seuil, 1998.
Ian Kershaw, Hitler, vol. 1 : Hubris, 1889-1936, Paris, Flammarion, 1999.
Hans Mommsen, Le National-socialisme et la société allemande : Dix essais d'histoire sociale et politique, Paris, éditions de la Maison des sciences de l'homme, 1997.
Schutzstaffel (S.S.) : "Escadron de protection" en allemand, la S.S. est une organisation fondée en 1925 destinée à assurer la protection d'Adolf Hitler. Elle est dirigée par Heinrich Himmler depuis 1929 et se transforme progressivement pour devenir l'organisation la plus puissante du IIIe Reich, dominant la politique de répression et d'extermination du régime. La S.S. se développe en une vaste organisation aux multiples branches : Allgemeine-SS (branche administrative et politique), SD (service de renseignement), Gestapo (police secrète - intégrée à la SS en 1934-) et Waffen-SS (branche militaire, à partir de 1939). Lors du procès de Nuremberg, la S.S. sera officiellement déclarée organisation criminelle.
Sturmabteilung (S.A.) : les Sturmabteilung (ou sections d'assaut) sont des organisations paramilitaires du parti d'Hitler le N.S.D.A.P. fondées en 1921. Initialement dirigée par Göring, elle fut interdite en 1923 puis recréée en 1924. En 1930, Ernst Röhm en prend le commandement et la transforme en une force politique redoutable, atteignant 3 millions de membres en 1933. Vêtus d'un uniforme brun (d'où leur surnom les chemises brunes), la SA commet nombre d’excès et débordements. Hitler, méfiant envers Röhm, ordonne son élimination lors de la Nuit des longs couteaux en 1934. Réorganisée et réduite, la SA perd de son influence. En 1939, la plupart de ses membres sont intégrés à la Wehrmacht
Alexandre SUMPF, « Hitler-Hindenburg, l’aigle à deux têtes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 18/01/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/hitler-hindenburg-aigle-deux-tetes
Lien à été copié
Découvrez nos études
La propagande hitlérienne
Dans les années 1920 en Allemagne, le refus des conditions imposées par les vainqueurs lors du traité…
La Sarre entre la France et l’Allemagne
A l’issue de la Première Guerre mondiale, Clémenceau revendique le rattachement de la…
Berlin, capitale du monde, un projet total et totalitaire
L’idée de transformer Berlin en « capitale du monde » (Welthaupstadt) émerge, semble-t-il…
Le Charisme de Hitler
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, rien ne semblait prédestiner Adolf Hitler (1889-1945) à devenir le…
Les J.O. font Führer. Berlin, 1936
L’affiche composée par Franz Theodor Würbel (1858-1941) pour la XIe olympiade d’été de l’ère moderne en…
Le Faux Hitler
La progression des forces Alliées contre les nazis a donné lieu à la production et à la diffusion de…
L’entrevue de Montoire
Le 24 octobre 1940, le maréchal Pétain rencontre pour la première fois Hitler et son ministre des Affaires…
Faute de main
Le 15 mai 1938, certains journaux allemands et britanniques consacrent leur une à un événement sportif dépassé par son enjeu…
Hitler-Hindenburg, l’aigle à deux têtes
Le mois de mars 1933 est une étape majeure dans la prise du pouvoir par Adolf Hitler et son parti N.S.D.A.P (…
L'exposition d'art dégénéré en 1937
Pris lors de l’exposition Entartete Kunst organisée en 1937 à Munich par les nazis, ce cliché du…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel