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Séance du Reichstag du 17 mai 1933

Séance du Reichstag du 17 mai 1933

Incendie du Reichstag

Incendie du Reichstag

Séance du Reichstag du 17 mai 1933

Séance du Reichstag du 17 mai 1933

Date de création : 17 mai 1933

Date représentée : 17 mai 1933

H. : 9 cm

L. : 12 cm

Domaine : Photographies

© BPK, Berlin, Dist. GrandPalaisRmn / image BPK

Lien vers l'image

50055979 - 04-505607

  • Séance du Reichstag du 17 mai 1933

Le Reichstag

Date de publication : Novembre 2024

Auteur : Paul BERNARD-NOURAUD

De l’incendie du Reichstag au vote des pleins pouvoirs à Adolf Hitler

Moins d’un mois, c’est le laps de temps qui sépare la nomination d’Adolf Hitler comme chancelier par le maréchal Paul von Hindenburg en tant que président de la République dite de Weimar le 30 janvier 1933 de l’incendie du Reichstag, le parlement allemand, dans la nuit du 27 au 28 février. Que celui-ci ait été perpétré par un homme seul manipulé par les nazis (le jeune communiste néerlandais Marinus van der Lubbe ayant été condamné et exécuté pour cela en 1933 et sa condamnation annulée en 2008 seulement), ou bien directement par des membres du parti national-socialiste, cet événement permet dans tous les cas à leur chef de se voir accorder les pleins pouvoirs moins d’un mois plus tard, le 23 mars 1933.

Entre-temps, au lendemain de l’incendie du Reichstag, Hitler obtient de Hindenburg qu’il promulgue un décret suspendant les libertés politiques et civiles, renforçant ainsi un précédent décret pris peu après sa nomination, le 5 février 1933, officiellement élaboré « pour la défense du peuple allemand ». Les membres du parti communiste allemand, considéré comme l’instigateur de l’incendie, sont pourchassés par la police à laquelle les membres de la S.A., la milice du parti national-socialiste, servent désormais officiellement d’auxiliaires. C’est dans ce contexte que se déroulent les élections législatives du 5 mars 1933, exigées par Hitler dès son accession à la chancellerie dans le sillage de celles de novembre 1932 qui avaient marqué un recul de son parti qu’il souhaite pallier. Cette fois, celui-ci obtient une majorité simple au parlement et se trouve par conséquent en position de force pour amener les partis de la droite et du centre à voter en faveur des pleins pouvoirs. Ce qui est chose faite au troisième jour de la nouvelle session du Reichstag qui s’est ouverte le 21 mars à la Krolloper, l’opéra situé en face des ruines du palais du Reichstag détruit par l’incendie.

Si l’identité du photographe de la séance du Reichstag réuni le 21 mars 1933 demeure inconnue, l’identité de l’auteur du cliché du 27 février de la même année est en revanche mieux connue. Il s’agit en effet d’Arthur Grimm, dont on sait qu’il devint plus tard membre du parti nazi, et qu’il travailla ensuite pour Leni Riefenstahl, couvrant en parallèle en tant que photojournaliste plusieurs épisodes du second conflit mondial.

De l’incendie à l’embrasement

La photographie qu’il a prise dans la nuit du 27 février 1933 montre la façade néo-renaissance en flammes du palais dont la construction débuta en 1884 sous Otto von Bismarck, financée à l’époque par les indemnités versées par la France après sa défaite en 1871. Au premier plan, une forme quasiment illisible correspond à l’une des sculptures entourant le parterre au centre duquel fut érigé après sa mort le monument national en l’honneur de l’unificateur de l’Allemagne que fut Bismarck. Ce détail suggère que le photographe se tient à bonne distance du sinistre. Grâce au contraste très accusé de l’image, sans doute en raison de la prise de vue nocturne et de l’intensité du feu, on devine la lumière de l’incendie à travers les fenêtres du bâtiment contre lequel, à droite, une grande échelle a été posée, tandis que de la fumée s’échappe du lanternon, laissant augurer de l’étendue des dégâts. La lumière est telle qu’on lit aisément, sur le fronton de l’édifice, la dédicace « Au peuple allemand » (Dem Deutscher Volke) qui y a été apposée en lettres de bronze au cours de la Première Guerre mondiale.

Officiellement, c’est également au nom du peuple allemand que se tient le 21 mars 1933 la première session du nouveau Reichstag. La photographie anonyme prise à cette occasion montre sans doute le début de la séance présidée par Hermann Göring, alors ministre de l’Intérieur de Prusse, celui-là même qui avait adjoint la S.A. à la police locale. Réunis sous une vaste tenture à croix gammée, symbole adopté par le parti national-socialiste dès 1920 et frappée aux couleurs de l’empire allemand (noir, blanc et rouge) dont il entretient ainsi la nostalgie, les députés nazis présents exécutent le salut nazi. Ajoutés à la croix gammée monumentale, leur présence en nombre et le fait que la plupart d’entre eux aient revêtu pour l’occasion l’uniforme de la S.A. constituent une démonstration de force qui vise précisément à rendre le vote des pleins pouvoirs inéluctable, tant la menace est patente.

Un Reichstag désormais fantoche dans un décor d’opérette

Pour nombre d’observateurs antinazis de l’époque, cependant, cette scène dut paraître aussi effrayante que grotesque. Elle clôturait en effet une longue journée de cérémonies orchestrée dans la ville de Postdam par Joseph Goebbels et dont la date coïncidait avec l’inauguration du Reichstag par Bismarck le 21 mars 1871. Hitler y reçut l’adoubement de Hindenburg, lequel se recueillit sur la tombe de Frédéric II de Prusse, puis ils assistèrent ensemble en compagnie de plusieurs héritiers de Guillaume II à un défilé militaire avant de se retrouver le soir à l’Opéra de Berlin pour une représentation des Maîtres Chanteurs de Nuremberg (1) dirigée par Wilhelm Furtwängler (2). Mais le grotesque provenait aussi de ce que dans l’intervalle la session du Reichstag s’était tenue dans un autre opéra, fermé par les nazis celui-ci. Le palais du Reichstag n’étant plus en état de recevoir les parlementaires, les nouveaux députés durent en effet se réunir dans un autre lieu, en l’occurrence l’opéra Kroll, devenu l’Opéra de l’État à son ouverture en 1927.

Sous la direction du chef d’orchestre Otto Klemperer (3), ce lieu de création s’était affirmé comme un véritable creuset pour les avant-gardes de l’époque. Outre qu’on y a créé les œuvres d’Arnold Schönberg (4) et de Paul Hindemith (5), que Laszlo Moholy-Nagy (6) y a collaboré aux décors, Alexander Zemlinsky (7) y a notamment dirigé en 1931 Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny de Bertolt Brecht et Kurt Weill (8). Autant d’artistes qui partirent en exil dans les années qui suivirent.

L’investissement de ce haut-lieu de la culture sous Weimar par les nazis marque par conséquent dans le domaine artistique une rupture définitive qui redouble d’une certaine façon la rupture politique qui y fut actée. La Krolloper sera d’ailleurs détruite lors de la bataille de Berlin au printemps 1945 et le palais du Reichstag, accueillant désormais le Bundestag, ne fut pleinement réhabilité dans ses fonctions initiales qu’en 1999, dix ans après la réunification de l’Allemagne.

L’une et l’autre images sont quant à elles passées à la postérité comme des emblèmes résumant l’accession violente des nazis au pouvoir et de leur accaparement des institutions de l’État, tout autant que comme des symboles annonciateurs des destructions à venir.

Bertolt BRECHT, « Le procès de l’incendie du Reichstag », 1943, in Écrits sur la politique et la société, Paris, L’Arche, 1970.

Johann CHAPOUTOT, Comprendre le nazisme, Paris, Tallandier, 2020.

Didier CHAUVET, L'incendie du Reichstag et ses suites : Berlin, 27-28 février 1933. La première étape de la dictature nazie, Paris, L’Harmattan, 2019.

Eberhard JÄCKEL, Hitler idéologue, Paris, Gallimard, 1995.

Pierre MILZA, Serge BERSTEIN, Histoire du XXe siècle, tome 2, La Fin du monde européen, Paris, Hatier, 2007.

1 - Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg : opéra de Richard Wagner, créé en 1868, c'est l'unique comédie du compositeur. 

2 - Wilhelm Furtwängler (1886-1954) : considéré comme un des plus grands chefs d'orchestre de musique allemande, il a dirigé entre les deux guerres les orchestres de Berlin, de Vienne et le festival de Bayreuth. Sous le IIIe Reich, il ne cesse pas son activité, cependant il s'oppose à la politique antisémite du régime et n'adhère pas au parti nazi. Inquiété à la sortie de la guerre, Furtwängler fut acquitté lors de son procès en 1946.

3 - Otto Klemperer (1885-1973) : Klemperer est un des plus grands chefs d'orchestre allemand. Il dirige la musique moderne (Mahler, Stravinski, Schönberg...) et la Krolloper de Berlin. En 1933, Juif, il décide de quitter l'Allemagne et s'exile d'abord en Autriche puis aux États-Unis.

4 - Arnold Schönberg (1874-1951) : compositeur autrichien, fondateur de l'école de Vienne, Schönberg a révolutionné la musique avec le système dodécaphonique (12 tons, musique atonale) et la musique sérielle. Considéré par le régime nazi comme un artiste dégénéré en plus d'être Juif, Schönberg s'exile en 1933 aux États-Unis.

5 - Paul Hindemith (1895-1963) : compositeur allemand, Hindemith est un des promoteurs de la Gebrauchsmusik (Musique pour amateurs). Ses compositions s'inspirent de la musique populaire, du jazz et de la musique atonale. En conflit avec le régime nazi, Hindemith s'exile en Suisse puis aux États-Unis, il est naturalisé américain en 1946.

6 - Laszlo Moholy-Nagy (1895-1946) : peintre et sculpteur hongrois, Moholy-Nagy est l'un des représentants majeurs des avant-gardes. Constructiviste, il s'installe à Berlin et enseigne au Bauhaus. Juif, il doit s'exiler en 1933, s'installe au Royaume-Uni puis aux États-Unis et cofonde le New Bauhaus à Chicago en 1937. Il est naturalisé américain en 1946.

7 - Alexander Zemlinsky (1871-1942) : compositeur et chef d'orchestre autrichien, Klempereyr l'engage pour diriger l'orchestre de la Krolloper de Berlin en 1927. Proche de Schönberg et des avant-gardes berlinoises, Zemlinsky retourne à Vienne avec l'arrivée des nazis au pouvoir, puis après l'Anschluss, il émigre aux États-Unis.

8 -Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny de Bertolt Brecht et Kurt Weill : opéra créé en 1930, Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny est le fruit d'une collaboration entre le dramaturge Brecht et le musicien Weill. L'oeuvre a suscité un scandale à sa création tant dans sa forme que dans son discours. Critique du capitalisme, l'opéra fait une part belle aux chansons  de cabarets et au jazz.

Paul BERNARD-NOURAUD, « Le Reichstag », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/reichstag

Pour aller plus : Le Krolloper transformé en parlement en 1933, sur le site web du Bundestag

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