Le vrai portrait du juif errant
Le vrai portrait du juif errant / tel qu'on l'a vu passer à Avignon, le 22 avril 1784.
Le Juif-Errant.
Le vrai portrait du juif errant
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
Date représentée : 22 avril 1784
H. : 32,2 cm
L. : 45 cm
Titre complet : Le vrai portrait du juif errant tel qu'on l'a vu passer à Avignon, le 22 avril 1784. Complainte nouvelle, sur un air de chasse.
Editeur : Huet-Perdoux, Orléans.
Bois de fil colorié au pochoir sur papier vergé
© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi
1952.67.5 - 02-010149
Le Juif errant
Date de publication : Septembre 2004
Auteur : Frédéric MAGUET
Au départ légende chrétienne médiévale, l’histoire d’Isaac Laquedem est une fable morale ; alors cordonnier à Jérusalem, il insulta le Christ et refusa de l’aider à porter la croix, ce qui lui valut d’être condamné par décret divin à parcourir la terre sans pouvoir se reposer jusqu’au jour du Jugement. Popularisée par le roman d’Eugène Sue (1844), la figure du Juif errant était déjà largement connue sous l’Ancien Régime à travers la littérature de colportage. La fin de l’Empire et le début de la Restauration voient une immense production d’images à la feuille sur ce thème. Il devient sous la monarchie de Juillet un des deux thèmes les plus fameux de l’imagerie avec celui de Napoléon.
Trois types principaux peuvent être dégagés de la production classique. Dans le premier, le Juif errant se tient immobile, de face, devant un fond composé de scènes tirées de la légende : l’artisan dans sa boutique, l’épisode du blasphème, le mont Calvaire, et la rencontre avec les bourgeois d’une ville contemporaine. Les images du deuxième type, issu d’une taille-douce parisienne de Jean, conservent les scènes mais présentent le Juif errant en pleine marche. Dans celles du troisième type, le personnage du marcheur se détache sur un fond beaucoup plus naturaliste, évoquant le voyage par la présence d’un bord de mer, d’un voilier et d’un palmier. Entre les deux premiers types et le troisième, une rupture stylistique majeure a lieu, qui traduit une évolution globale des modes de composition dans le domaine de l’imagerie populaire. Jusque dans les années 1820, les images populaires se répartissent en deux corpus : celles qui intègrent certains canons de l’art savant, notamment dans le domaine de la perspective, et celles qui, présentant des compositions originales, s’accordent avec des modes de composition plus traditionnels, en l’occurrence ici la juxtaposition narrative de petites scènes. Les images influencées par la peinture consistaient essentiellement en des recopies de tableaux de maître, les lois de composition du modèle se retrouvant par force dans l’image populaire. Pour les autres images, les codes visuels demeurent à l’écart des influences de l’art savant : ainsi la taille des personnages traduit-elle leur importance, et non une illusion de profondeur. A partir des années 1820, la perspective intervient dans les compositions originales, et la manière commune de lire l’image évolue ; les anciennes compositions ne sont plus comprises (le Juif errant est perçu comme un géant, interprétation qui relève d’un contresens perceptif). Lorsque, en 1846, Glémarec proposera une image du deuxième type, il devra sacrifier aux nouveaux canons de la représentation : perspective et présomption de réalisme figuratif.
Le Juif errant est témoin de l’histoire humaine ; lorsqu’il rencontre les bourgeois d’Avignon, il raconte sa propre histoire mais aussi ce qu’il a vu : la naissance et la mort de grands empires. Si la légende médiévale a des liens avec la situation des communautés juives d’Europe et si, à la fin du XIXe siècle, la figure du Juif errant peut être reprise par des caricatures antisémites, les images publiées entre 1810 et 1850 ne semblent pas traduire une prise de position par rapport aux juifs ; elles utilisent l’image d’un Juif historique, contemporain du Christ, pour proposer une moralité sur le temps qui passe. Prise entre un moment fondateur – le blasphème – et une fin attendue – le Jugement –, l’existence du Juif errant est linéaire, irréversible et cumulative. S’il est banal de dire que le XIXe siècle est le siècle de l’histoire, il est intéressant de trouver dans une image comme celle du Juif errant l’indice d’un changement de sensibilité de la population au lendemain des grands bouleversements de la Révolution et de l’Empire, changement qui induit un milieu favorable pour l’accueil des idées de la science historique.
George K.ANDERSON, The Legend of the Wandering Jew Providence, Brown University Press, 1965.
Champfleury, Histoire de l’imagerie populaire, Paris, E.Dentu, 1869.
Edgar KNECHT, Le Mythe du Juif errant. Essai de mythologie littéraire et de sociologie religieuse, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1977.
Frédéric MAGUET, « Le développement du thème du Juif errant dans l’imagerie populaire en France et en Europe » in catalogue de l’exposition Le Juif errant, un témoin du temps, Paris, Adam Biro-Musée d’Art et d’histoire du judaïsme, 2001.
Frédéric MAGUET, « Le Juif errant », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/juif-errant
Lien à été copié
Découvrez nos études
Portrait du père Gérard
Réunis à Versailles le 5 mai 1789 dans le cadre des états généraux, les députés du tiers état se déclarent Assemblée nationale constituante le 9…
Faits divers criminels
Tout au long du XIXe siècle, la croissance significative de la population urbaine et…
Le vin symbole de la Nation
Le 17 juin 1789, le Tiers État se proclame Assemblée nationale. Le 9 juillet, Louis XVI est contraint à la…
La journée d’une grisette
Dans le contexte d’industrialisation et d’urbanisation massives qui se développent en France dès la première moitié du XIX…
Les Vendanges
Ayant lieu à l’automne, les vendanges constituent le dernier événement important de la saison agricole et…
Le Vin comme art de vivre
Le vin est depuis toujours une composante de la civilisation méditerranéenne.…
Thermidor et l'imaginaire de la Terreur
Après la mort du roi le 21 janvier 1793, la jeune République française a dû faire face à de multiples offensives royalistes et contre-…
Le Juif errant
Au départ légende chrétienne médiévale, l’histoire d’Isaac Laquedem est une fable morale ; alors cordonnier à Jérusalem, il insulta le Christ et…
L’Alsace, province perdue
L’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1871 provoqua…
Les cosaques, symbole de l’armée russe
De la bataille d’Austerlitz à l’engagement commun contre les empires centraux en 1914, de la campagne de…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel