Le Zouave blessé
Guerre du Mexique, siège et prise de Puebla
Zouave tué en marchant à la charge
Le Zouave blessé
Auteur : FENTON Roger
Lieu de conservation : musée Condé (Chantilly)
site web
Date de création : 29 février 1855
Date représentée : 29 février 1855
H. : 13,4 cm
L. : 15,8 cm
Photographie en Crimée.
Domaine : Photographies
© GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly) / Benoît Touchard
PH 529
Les Zouaves sur tous les fronts
Date de publication : Juillet 2009
Auteur : Alexandre SUMPF
Les zouaves, corps à part dans l’armée française
L’histoire des zouaves, unité d’infanterie spécifique au costume reconnaissable entre tous, commence aux premiers temps de la seconde vague de la colonisation française. Au lendemain de la prise d’Alger, en août 1830, cinq cents de ces Berbères jusqu’alors au service des Turcs sont recrutés. Entre 1835 et 1845, Bugeaud les engage dans la guerre de pacification contre Abd el-Kader. Les zouaves sont ensuite de tous les conflits, lointains ou proches, où Napoléon III décide d’intervenir. Ils s’illustrent lors de la guerre de Crimée (1854-1856) et des expéditions en Italie (1859) ou au Mexique (1862-1867). Dissous un temps à la suite de la défaite de Sedan (1870), le corps est reconstitué pour maintenir l’ordre dans les colonies d’Afrique du Nord ou participer à l’assujettissement du Tonkin (1887). Enfin, à l’instar des tirailleurs algériens, sénégalais ou annamites, les zouaves participent aux combats de la Première Guerre mondiale en France. Leur popularité s’est élargie au moment où l’industrie mettait au point ses techniques de reproduction iconographique de masse et développait la documentation photographique, deux vecteurs d’information ou de propagande.
Les zouaves, troupes de choc au combat
Le cliché de l’Anglais Roger Fenton (1809-1869), l’un des premiers pris pendant les quatre mois de sa mission en Crimée, démontre la puissance de la photographie comme médium. Sur un bout de terre aride, méconnaissable, semble se jouer une scène en direct : son fusil près de lui, un combattant blessé est étendu. Le bandage sur sa tête fait une tache immaculée dans les tonalités de gris et contraste avec le vin sombre de la bouteille, référence implicite au sang que l’on ne voit pas. Une femme, cantinière du corps des troupes de Marine mais faisant également office d’infirmière, lui apporte ce petit réconfort tandis qu’un compagnon lui soutient la tête. Les deux hommes portent l’uniforme des zouaves avec la chéchia et le pompon. Ce même élément se distingue nettement dans la mêlée du siège de Puebla, ville attaquée en mars 1863, mais qui ne tombe aux mains des Français qu’en mai, au prix d’intenses combats de rue. L’image d’Épinal fait la part belle à l’affrontement, réduisant le décor à un horizon urbain peu reconnaissable. La composition est dynamique, avec une opposition entre le drapeau tricolore et le drapeau jaune mexicain, des personnages tous en mouvement et des volutes de fumée qui, à la manière des estampes orientales, voilent et dévoilent certaines parties du récit. Si trois soldats français sont montrés morts ou mourants, le nombre de soldats mexicains est très réduit ; ils ne peuvent tenir que grâce à la milice populaire qui sort de la cité. Mais les zouaves donnent justement l’assaut : ils jaillissent du coin en bas à droite, près d’une faille dans la défense, et l’un d’eux, au centre, brandit son fusil comme un gourdin. Enfin, les plis et les couleurs du costume zouave font écho à ceux du drapeau impérial, scellant picturalement cette alliance victorieuse.
Henri Terrier (1887-1918) a photographié la Grande Guerre au ras du sol, en juin 1915. Outre son cliché de la tranchée des zouaves près de Tracy-le-Val, il a saisi une scène qui fait écho à celle de Fenton en Crimée. Le zouave mort, vu de très près mais de dos et donc non identifiable, cède cette fois-ci tout l’espace au no man’s land (1) lunaire où gisent corps et débris de matériel militaire. L’horizontalité mal assurée du cadrage indique la hâte du photographe, autorisée par un appareil compact tel qu’en possédaient les poilus en dépit des interdictions. L’horizon où se terre l’ennemi invisible est souligné par la ligne de barbelés, enfoncée par le troupeau de combattants qui s’est rué en avant.
La guerre moderne, tombeau de l’héroïsme romantique
Les trois images sélectionnées illustrent chacune un moment de l’histoire croisée des guerres modernes et des moyens de propagande ou d’information. Ainsi, le cliché de Fenton semble pris sur le vif, mais étant donné la technique de l’époque, il n’a pu être obtenu qu’au prix d’un temps de pose assez long. Non seulement le document donné pour immédiat représente l’après, mais son intensité dramatique résulte d’une mise en scène qui fait appel à un topos de la peinture occidentale : la déposition de Croix du Christ. Cette convocation de la culture visuelle du public facilite l’attachement des Français à ce corps spécifique de l’armée et, plus largement, l’acceptation de cette guerre lointaine. De même, l’héroïsme exalté par les couleurs de l’image d’Épinal, appelée à être largement diffusée, dissimule les motifs peu louables de l’engagement français au Nouveau Monde. L’empereur Napoléon III souhaitait en effet installer un empereur, Maximilien, tête fantoche d’un régime sous implicite protectorat français. La prise de Puebla ayant ouvert en 1863 la route de Mexico au corps expéditionnaire, la propagande de ce haut fait se devait d’être à la hauteur des ambitions. Parmi les quelque 40 000 soldats envoyés, les tirailleurs algériens, les zouaves et le premier régiment de la Légion étrangère se distinguaient, à la fois par leur apparence et par leur bravoure, objet de facile publicité – d’autant plus que les quatre zouaves du pont de l’Alma, sculptés en 1856 pour célébrer la bataille du même nom en Crimée, étaient déjà bien connus de la population. Le cliché de Terrier, en revanche, est un document d’origine et de destination privée, qui ne pouvait ni ne devait paraître publiquement – en dépit des sollicitations de la presse et en vertu des règles strictes de la censure, qui interdit jusqu’en 1915 de montrer des morts et des prisonniers. Rien ne distingue plus le zouave des autres soldats, il meurt anonyme et sans assistance. Son costume folklorique a cédé aux impératifs de la guerre d’usure, son corps se confond déjà avec la glèbe et n’a plus rien d’exotique, d’héroïque.
Jean-Jacques BECKER, La Première Guerre mondiale, Paris, Belin, 2008 (rééd.).
Alain GOUTTMAN, La Guerre de Crimée. La première guerre moderne 1853-1856, Paris, Perrin, 2003.
Alain GOUTTMAN, La Guerre du Mexique (1862-1867) : le mirage américain de Napoléon III, Paris, Perrin, 2008.
Collectif, Les Troupes coloniales dans la Grande Guerre, actes du colloque de Verdun, Economica, 1997.
1 - No man’s land : zone neutre entre les premières lignes de deux pays en guerre ou zone neutre entre deux frontières.
Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.
Alexandre SUMPF, « Les Zouaves sur tous les fronts », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/zouaves-tous-fronts
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Les chars Renault
Le 15 septembre 1916, les Britanniques utilisent pour la première fois des chars d’assaut dans l’…
L'occupation de la Ruhr
Entre la France et l’Allemagne, les différends issus du traité de Versailles (28 juin 1919) restent…
Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Affecté en 1917 en Lorraine comme aide de camp et interprète à la première…
Le Fort de Douaumont, lieu d'Histoire, site de mémoire
Douaumont, clef de voûte du réseau de fortifications de la région de Verdun et point d’…
Les Monuments aux morts de la Grande Guerre
La Première Guerre mondiale a fait environ 10 millions de morts dans le monde, et les survivants n’ont eu de cesse de commémorer les disparus. Dès…
Ronald Hoskier, une légende de l'Escadrille Lafayette
Créée le 20 avril 1916, l’…
« La journée du Poilu »
L’épisode de la bataille de la Marne, au début du mois de septembre 1914, soude les Français derrière…
La mobilisation à l'arrière : Juan Gris et le « retour à l'ordre »
Après le nationalisme et le patriotisme exacerbés qui exprimèrent leur adhésion idéologique à la guerre contre l’…
La paix de Brest-Litovsk
Située sur le Bug, Brest-Litovsk a été choisie comme lieu de négociations entre l’Allemagne impériale et le pouvoir bolchevique. Les délégations…
Commémorations de la guerre 1914-1918
Le panthéon rennais reflète l’ampleur du traumatisme de la Première Guerre mondiale et le mouvement de prise de conscience…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel