Louis XIV en Apollon conduisant le char du Soleil
Auteur : WERNER Joseph, dit le Jeune
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1662-1667
H. : 34,8 cm
L. : 22,6 cm
gouache sur papier crème, filet doré d'Encadrement
Domaine : Dessins
© RMN - Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot
91-001310 / INV.DESS 815
Louis XIV et Apollon
Date de publication : Juin 2021
Auteur : Sonia DARTHOU
La thématique propagandiste du Roi-Soleil
Cette gouache sur papier crème de Joseph Werner, peintre bernois appelé à la cour de Louis XIV pour son talent qui allie accents épiques et dimensions miniaturistes, fait partie des portraits mythologiques à la gloire du monarque.
Datée de la période 1662-1667, elle appartient à un groupe de six gouaches destiné à orner les cabinets de la galerie d’Apollon au Louvre, dont seulement deux œuvres complémentaires sont identifiées : Louis XIV en Apollon triomphant du serpent Python et Marie-Thérèse d’Autriche représentée en Diane.
Elle s’insère dans la thématique novatrice du Roi-Soleil, qui se déploie de manière propagandiste autour des années 1662, suite à la fête du Grand Carrousel montrant Louis XIV comme une figure cosmique solaire, une représentation qui touchera par la suite les sources littéraires, les ballets et les œuvres picturales.
Cette gouache, qui assimile le roi aux dieux antiques Apollon et Hélios, permet de présenter Louis XIV comme un monarque éclatant d’essence divine.
Louis XIV, entre Hélios et Apollon
Ce portrait allégorique de Louis XIV, qui conjugue mythologie antique et modernité, propose une véritable mise en spectacle du roi qui, tel le dieu soleil antique Hélios, apparaît triomphant sur son char pour diffuser sa lumière au monde.
Couronné de feuillage et auréolé d’un éclat radié, Louis XIV, parfaitement reconnaissable, s’affiche avec la lyre, cet attribut d’Apollon qui expose sa divine protection sur la musique, tandis qu’il tient fermement les rênes de son quadrige bondissant aux accents très épiques. Surplombé d’une femme ailée qui évoque la déesse de la victoire Nikè, précédé par la figure de l’Aurore, déesse « aux doigts de rose » dans la mythologie grecque, qui s’élance pour ouvrir les portes du ciel au char de son frère Hélios, accompagné par les Heures (les Saisons) qui incarnent l’ordre du temps, le roi est à la fois illuminé et source de lumière.
La mise en scène spectaculaire, plaçant le roi comme un dieu grec qui sortirait de son temple figuré à l’arrière-plan, l’assimile à une figure divine irradiante, comme l’évoquent les gestes des figures féminines en cercle autour de lui, qui semblent éblouies par cet éclat divin.
La mythologie au service de la monarchie
Cette œuvre, s’insérant pleinement dans la propagande monarchique qui vise à construire l’image du Roi-Soleil, rapproche Louis XIV de deux puissantes figures de la mythologie, Apollon, le dieu des oracles, de la purification, de la lumière et de la musique, et Hélios, personnification du soleil qui éclaire le monde. Si cette assimilation mythologique par l’image accorde au roi puissance divine, légitimité et supériorité, elle présente surtout Louis XIV comme le grand ordonnateur du monde, le centre du cosmos qui, tel l’astre solaire, illumine la cour et son peuple de son éclat antique.
Ce portrait mythologique témoigne combien le règne de Louis XIV, qui s’appuie sur une propagande visuelle savamment orchestrée, relève de la monarchie absolue. D’ailleurs, on retrouve une composition similaire pour le bassin d’Apollon, dans le parc du château de Versailles, réalisé autour de 1670, d’après les dessins de Charles Le Brun. Pourtant, c’est aussi à partir de cette période que le roi commence à recentrer sa propagande autour de son image seule, en s’affranchissant peu à peu de la mythologie.
BURKE Peter, Louis XIV : les stratégies de la gloire, Paris, Le Seuil, 1995.
MARIN Louis, Le portrait du roi, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1981.
MILOVANOVIC Nicolas, MARAL Alexandre (dir.), Louis XIV : l’homme et le roi, cat. exp. (Versailles, 2009-2010), Paris, Skira-Flammarion / Versailles, château de Versailles, 2009.
PETITFILS Jean-Christian, Louis XIV, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 8), 2002.
SABATIER Gérard, « La gloire du roi : iconographie de Louis XIV de 1661 à 1672 », Histoire, Économie et Société, vol. 19, no 4 (CHALINE Olivier et François-Joseph RUGGIU François-Joseph [dir.], Louis XIV et la construction de l’État royal [1661-1672]), 2000, p. 527-560.
Allégorie : Représentation figurée d’une idée abstraite.
Sonia DARTHOU, « Louis XIV et Apollon », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/louis-xiv-apollon
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