Miniature sur ivoire représentant Louis XVI et sa famille
Portrait de la reine Marie-Antoinette, de sa fille et de son second fils
Marie-Thérèse Charlotte, future duchesse d'angoulême, dite Madame Royale.
Miniature sur ivoire représentant Louis XVI et sa famille
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
(1789-1793)
Domaine : Peintures
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
AE/Via/53
Louis XVI et sa famille
Date de publication : mai 2003
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
Un objet interdit et compromettant
Saisie sous la Terreur sur l'inculpé Charles-Simon Vanesson, ancien huissier à la grande chancellerie, cette miniature a été versée à son dossier comme pièce à conviction. Le procès-verbal d'arrestation et de perquisition mentionne avec précision la découverte, « caché [sic] dans le fumier », d'une « tabatière d'écaille entouré [sic] d'un cercle d'acier autour d'un médaillon représentant Capet, sa femme et ses deux enfans [sic] »
En dépit de sa médiocre qualité, cette petite peinture se rattache à l'art délicat de la miniature, qui atteint en France une qualité artistique exceptionnelle à partir de 1760. A côté d'artistes renommés comme François Dumont, auteur en 1790 du portrait miniature Marie-Antoinette et ses enfants au pied d'un arbre, il existe des ateliers de miniaturistes qui reproduisent en série des portraits ; ceux de la famille royale sont fort prisés. On utilise l'aquarelle, technique dont le principe est la transparence, exécutée avec une minutie particulière à partir de couleurs délayées à l'eau et à la gomme. En outre, comme pour cette pièce, les miniaturistes exécutent cette peinture transparente sur une mince plaque d'ivoire collée sur du carton, pour mieux rendre les tons de chair. Ces portraits en miniature sont souvent montés en bijou (bague, broche ou bracelet) ou enchâssés dans le couvercle d'une boîte à mouches, d'une bonbonnière ou d'une tabatière, comme ici. Sous la Révolution, les royalistes s'efforcent de dissimuler et de conserver les petites effigies des souverains déchus, devenues compromettantes.
Une représentation de la famille royale contemporaine de la Révolution
La miniature des Archives nationales, dont le diamètre ne dépasse pas 5,8 cm, touche par l'impression de proximité que dégage chacun des membres de la famille royale, comme le ferait une photographie de nos jours. Exécutée entre juin 1789 et le 13 novembre 1793, date de la saisie, cette miniature semble être une copie ; on en connaît deux autres exemplaires, l'un au musée des Arts décoratifs de Bordeaux et l'autre au musée Carnavalet, à Paris, qui semble le plus achevé, mais pourrait aussi n'être qu'une copie.
Les quatre visages esquissés avec quelques traits bruns pour les profils, les sourcils et les yeux et un peu de carmin pour les lèvres, les nez et les oreilles, sont rendus avec précision, mais cette miniature, sans doute exécutée à la hâte, ne rend pas le modelé des visages. Les cheveux sont rehaussés de gouache grise, brune et noire, et les vêtements sommairement mis en couleur. La composition surprend par son manque d'unité : le roi et la reine sont figurés de profil, et les enfants de face. Cela pourrait s'expliquer si l'artiste l'avait réalisée après l'incarcération ou même la mort des souverains dans le but d'évoquer leur sort par un registre différent. Mais cette représentation ne vise ni à flatter le physique ni à idéaliser les souverains déchus. L'expression affable des quatre personnages, qui ont le coin des lèvres relevé par le même sourire, confère seulement à l'ensemble un accent serein et naïf.
Une véritable révérence s'exprime par la représentation de la croix de Saint-Louis et du cordon bleu de l'ordre du Saint-Esprit porté en écharpe par le roi et le dauphin. La coiffure de Marie-Antoinette, ornée de plumes, d'une aigrette et de perles montées en bijoux, reproduit maladroitement le raffinement d'autres portraits de la reine. Le petit Dauphin, connu sous le nom de Louis XVII, semble chétif. Il mourra au Temple, le 8 juin 1795.
Les boucles poudrées de la jeune Marie-Thérèse Charlotte, future duchesse d'Angoulême dite Madame Royale, sont maintenues par un ruban assorti à la robe. La fille de Louis XVI a 14 ans lorsqu'elle est emprisonnée au Temple. Elle y reste seule après l'exécution de sa tante, Madame Elisabeth (10 mai 1794). Le Directoire se servira d'elle, à la fin de 1795, comme monnaie d'échange, pour libérer les commissaires de la Convention livrés par Dumouriez aux Autrichiens. Elle vit alors à Vienne puis suit son oncle Louis XVIII à Mittau, où elle épouse son cousin Louis-Antoine, duc d'Angoulême, fils du comte d'Artois (1799). Son portrait en miniature réalisé dans l'entourage de Friedrich Heinrich Füger, est empreint de gravité malgré sa jeunesse.
Le témoin d'un attachement à la famille royale
Toute représentation de la royauté est strictement interdite par la Révolution. Depuis le 10 août 1792, on enlève les statues royales des lieux publics. La Convention ordonne, en 1793, la destruction des tombeaux des rois à Saint-Denis, celle des portraits royaux et même la démolition de la galerie des rois à Notre-Dame de Paris. Car toute image, si petite soit-elle, comporte une dangereuse puissance d'évocation. L'acharnement du régime révolutionnaire à détruire et à interdire toute représentation de la royauté et toute effigie d'un membre de la dynastie se prolonge bien au delà de la Terreur et s'explique comme une nécessité profonde, en vue d'assurer l'emprise des idées nouvelles.
En dépit de sa maladresse, cette miniature témoigne des sentiments d'attachement à la famille royale qui subsistent dans une partie de la population. Loin d'être anodine à la date de sa saisie, elle constitue un portrait récent des souverains morts et de leurs enfants vivants, parés d'attributs honnis de l'Ancien Régime.
Le maniérisme de la représentation restitue une atmosphère bien éloignée de l'époque révolutionnaire. Dans sa naïveté, cette miniature évoque un monde disparu. L'art de luxe auquel elle se rattache, qui intéresse une clientèle fortunée, sombre lui aussi, en grande partie, avec l'Ancien Régime.
L’Age d’or du petit portrait catalogue de l'exposition, Paris, RMN, 1995.
Miniatures sur ivoire, inventaire des miniatures sur ivoire conservées au Cabinet des dessins, musée d'Orsay et musée du Louvre Paris, RMN, 1994.
Morris SLAVIN, The French Revolution in Miniature Princeton, Princeton University Press, 1984.
Louis XVI et son image, catalogue de l'exposition, Nîmes, Association Louis XVI, 1988.
Luce-Marie ALBIGÈS, « Louis XVI et sa famille », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/louis-xvi-sa-famille
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Louis XVI et sa famille
Saisie sous la Terreur sur l'inculpé Charles-Simon Vanesson, ancien huissier à la grande chancellerie, cette…
Louis XVIII
Cette image est l’une des premières effigies du roi Louis XVIII marquant le retour de la monarchie en France.
Louis XVIII, frère de Louis XVI…
Mort de Saint Louis devant Tunis
Présentée au Salon de 1817, l’œuvre de Georges Rouget, élève de Jacques Louis…
Louis XVIII couronne la rosière de Mittau. 1799
Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence et frère de Louis XVI, intelligent et ambitieux, quitta la France en juin 1791,…
Henri IV terrassant l’hydre
Ces deux tableaux, malgré leur écart chronologique de deux siècles, sont des…
Le Roi Charles X visitant les peintures de Gros au Panthéon. 3 novembre 1824
Commandé à Gros par Napoléon, le décor de la coupole du Panthéon devait être composé de quatre groupes symbolisant les régimes…
La Chute des Bourbons
Devenu roi le 24 septembre 1824 à la mort de son frère Louis XVIII, Charles X inaugure son règne par quelques mesures libérales, dont l’abolition…
L’Enseigne, dit L’Enseigne de Gersaint
Réalisé le temps de huit matins, entre le 15 septembre et la fin de l’année 1720, L’Enseigne de Gersaint est l’un des derniers tableaux de Jean-…
Le Dernier des Bourbons
Depuis 1814, le comte d’Artois, futur Charles X, était considéré comme le chef du parti ultra, hostile à la Charte…
Le destin de la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI et Marie-Antoinette
Marie-Thérèse-Charlotte de France, fille aînée de Louis XVI et de Marie-Antoinette…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel