Lit de justice de Louis XV
Auteur : DUMESNIL Louis-Michel
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1715-1720
Date représentée : 12 septembre 1715
H. : 76,5 cm
L. : 107,5 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / image RMN-GP
MV 172 - 90-000079
Lit de justice tenu par Louis XV
Date de publication : Octobre 2013
Auteur : Stéphane BLOND
Le roi est mort, vive le roi !
Louis XIV meurt le 1er septembre 1715 à Versailles. En vertu des principes successoraux du royaume, le pouvoir revient à son arrière-petit-fils, né le 15 février 1710. Ce dernier n’ayant pas atteint l’âge de treize ans requis pour gouverner par lui-même, Louis XIV organisa sa succession.
Défiant à l’égard de son neveu Philippe d’Orléans, le souverain forma un conseil de régence dont il désigna lui-même les membres. Louis XIV souhaitait donner au duc du Maine, son bâtard légitimé, la première place. Or, l’instauration d’un conseil de régence rompt avec les pratiques de la monarchie, car les régences sont exercées de manière individuelle, sans structure collégiale limitant les pouvoirs du régent. En 1643, Louis XIII avait déjà tenté d’organiser un conseil de régence, mais le lit de justice inaugural avait ignoré cette décision pour conférer les pleins pouvoirs à Anne d’Autriche.
Le lendemain de la mort de Louis XIV, au cours d’une séance solennelle, le duc d’Orléans obtient du parlement de Paris la renonciation à certaines dispositions du testament et des codicilles de Louis XIV (2 août 1714, 13 avril et 23 août 1715). Il reçoit à son tour une régence « pleine et entière » et, dans ses négociations avec le parlement, il réintroduit le droit de remontrance qui permet de présenter des observations sur une loi avant de l’enregistrer.
Ces différentes modifications sont soumises à la tenue d’un lit de justice, un événement officiel peint ici par Louis-Michel Dumesnil. Ce tableau provient de la saisie révolutionnaire de la collection Montregard (1794), mais son origine et la date de sa réalisation ne sont pas connues.
Membre de l’académie de Saint-Luc et pensionnaire de la Ville de Paris, Dumesnil est attaché aux travaux de l’hôtel de ville de Paris. C’est peut-être dans le cadre de ses fonctions qu’il réalise ce tableau.
La mise en scène du pouvoir
La cérémonie se déroule le 12 septembre 1715 au parlement de Paris, l’institution gardienne des lois fondamentales qui régissent le royaume. Toute la virtuosité de Dumesnil tient à la représentation des grands corps politiques de l’État dans un tableau réaliste et de taille modeste. Grâce à une vue en retrait et en contre-plongée, chaque personnage est identifiable, sans que la composition en soit alourdie.
Le jeune roi occupe un fauteuil placé dans l’angle droit de la grand-chambre. Ses gardes du corps assurent le service d’ordre. Le duc d’Orléans et les princes de sang sont assis immédiatement à sa droite. Les gardes du corps du roi assurent le service d’ordre. Le duc d’Orléans et les princes de sang sont assis immédiatement à droite du souverain. Comme beaucoup d’autres personnages, ils portent l’insigne et le cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit, l’ordre de chevalerie le plus prestigieux de la monarchie. Les ducs et pairs laïcs sont assis devant les princes de sang. Au premier rang, en robe noire, les maîtres des requêtes, les conseillers de la grand-chambre et les présidents des enquêtes et requêtes. Les ducs et pairs ecclésiastiques sont à la gauche du monarque, derrière les maréchaux de France et les capitaines de la Maison du roi. Au premier rang siègent les présidents à mortier, magistrats d’une cour souveraine reconnaissables à leur robe rouge à chaperons.
La seule femme du parterre est la duchesse Charlotte-Éléonore de Ventadour, la gouvernante du jeune souverain. Devant le roi, le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre, se tourne vers le régent et le maréchal de Villeroy, gouverneur du roi. Vêtu de l’épitoge, une robe de velours rouge doublée de satin, le chancelier Voysin de La Noiraye, premier officier du royaume, dirige la séance. Deux huissiers-massiers sont agenouillés à ses pieds. Six hérauts d’armes conseillers d’État vêtus d’un manteau fleurdelisé sont au cœur de la scène qui est fermée à gauche par deux gardes de la Manche. Dongois, greffier en chef, enregistre la séance, alors que les autres « gens du Roi » se répartissent dans les tribunes.
Un lit de justice inaugural
Les participants vêtus de noir portent le deuil du souverain précédent, mais la séance inaugure déjà le nouveau règne. Cette cérémonie, qui puise son organisation dans les traditions de la monarchie, expose la puissance de la majesté royale autour du principe de la continuité dynastique. Avec la cérémonie du sacre, il s’agit de l’événement le plus important du début de règne ; c’est pourquoi la foule des grands jours se presse pour assister à la séance. Cet acte constitue un autre symbole, car il s’agit du premier lit de justice depuis que Louis XIV a strictement limité le droit de remontrance des parlements, quarante-deux ans auparavant.
Le lit de justice doit son nom au grand siège garni de coussins où le roi prenait place quand il rencontrait le parlement. L’expression a ensuite désigné la rencontre elle-même. Les murs de la grande salle, y compris le manteau de la cheminée, sont revêtus de tapisseries de velours bleu à fleurs de lis d’or. Par sa présence physique au sein du Parlement, le jeune souverain exerce sa retenue et sursoit à la justice qu’il délègue à ses magistrats. De fait, toutes les décisions du monarque ont force de loi.
Le jeune Louis XV ouvre la séance avec une brève allocution : « Messieurs, je suis venu ici pour vous assurer de mon affection ; mon chancelier vous dira le reste. » Plusieurs discours officialisent ensuite le début de la régence. Philippe d’Orléans est confirmé en tant que régent du royaume, et le duc du Maine est évincé du pouvoir. Le régent obtient également la mise en place du système de la polysynodie, un mode de gouvernement original qui s’appuie sur différents conseils.
· Michel ANTOINE, Louis XV, Paris, Fayard, 1989.
· Bernard BARBICHE, Les Institutions de la monarchie française à l’époque moderne. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », 1999.
· Pierre-Yves BEAUREPAIRE, La France des Lumières. 1715-1789, Paris, Belin, coll. « Histoire de France », 2011.
· Sarah HANLEY, Le Lit de justice des rois de France : l’idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours, Paris, Aubier, coll. « Historique », 1991.
Stéphane BLOND, « Lit de justice tenu par Louis XV », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/lit-justice-tenu-louis-xv
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