La Terre par Émile Zola.
Engrais Joudrain et Cie
La Terre par Émile Zola.
Auteur : CHÉRET Jules
Lieu de conservation : musée de la Publicité (Paris)
site web
H. : 247 cm
L. : 88 cm
Lithographie couleur sur papier
Domaine : Livre
© Musée de la Publicité, Paris - Tous droits réservés
Inv 12888
Le monde rural
Date de publication : Avril 2005
Auteur : Emmanuelle GAILLARD
Le monde rural
Le monde rural
Alors que le Second Empire est synonyme de prospérité pour l’agriculture française, les années 1875 à 1890 sont celles de la récession. Une tendance générale de baisse des prix s’amorce (32 à 39 % entre 1871 et 1896), dans un climat de développement des échanges internationaux que favorise l’amélioration des moyens de transport. La France subit la concurrence des pays neufs qui produisent des denrées agricoles en quantité croissante et à des prix peu élevés. La céréaliculture est la plus fortement touchée, particulièrement le blé qui atteint alors ses prix les plus bas (24,31 F/hl en 1874 contre 16,80 F/hl en 1885).
C’est en 1887 qu’Émile Zola publie le quinzième volume du cycle des Rougon Macquart, La Terre. Désireux de montrer la crise contemporaine de l’agriculture – anachronisme volontaire manifeste puisque son épopée retrace « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire » –, l’écrivain souhaite « faire pour le paysan avec La Terre ce [qu’il a fait] pour l’ouvrier avec Germinal ».
En 1889, Jules Chéret, chef de file de « l’affichisme » publicitaire en vogue dans la France de la Belle Epoque, signe la couverture de l’édition illustrée. S’inspirant des premières lignes du roman, il en décrit fidèlement la scène d’ouverture. Le héros, Jean Macquart, « un semoir de toile bleue noué sur le ventre », contemple « en soufflant une minute » la campagne alentour, « perdue au seuil de la Beauce » Fourbu, l’homme est maigre sous ses vêtements usés ; la fatigue et la lassitude se lisent sur son visage émacié, comme elles semblent peser sur les épaules du charretier qui laboure au loin. A ses pieds gisent d’antiques outils : faux, faucille, herse, instruments de son esclavage, évoquant, comme l’écrit G.Robert, « la tragique fatalité clouant le paysan à la terre, à laquelle il doit jusqu’à sa forme d’âme ». La palette de couleurs froides s’ajoute au trait aigu caractéristique du dessinateur, pour rendre plus sensible la rudesse du labeur. A l’inverse, l’or des blés inonde l’affiche publicitaire réalisée en 1895 par Hugo d’Alesi pour les engrais Joudrain.
L’image est une promesse d’agriculture prospère, où le progrès scientifique se met au service d’un travail ancestral – noter la confrontation entre l’engrais, artifice moderne, et le geste éternel du moissonneur. S’apparentant à l’imagerie créée par Millet quarante ans plus tôt, le dessinateur glorifie le paysan, dont la tâche est grandie par la noblesse et l’abondance des cultures, blé et vigne, qui feront sa fortune. Réalité d’un côté, virtualité de l’autre, l’illustration de Chéret et l’affiche d’Alesi se répondent comme un constat d’échec et sa solution miraculeuse.
Au cœur de la crise agricole qui touche l’ensemble de la France, la région de la Beauce, dite aussi « pays à blé » du fait de sa spécialisation céréalière, fut plus sensible aux fluctuations du marché. L’agriculture beauceronne fut contrainte de réagir face à la concurrence des blés importés d’Amérique du Nord. En plus des mesures de protectionnisme mises en place par le gouvernement Méline, la réaction à la crise passe par une extension des surfaces cultivées et une amélioration des techniques qui déboucheront sur une agriculture plus intensive. Ainsi met-on en place une diversification des cultures, où le recul de la culture des céréales et des terres en jachère permet le progrès des cultures industrielles. L’usage des engrais chimiques, qui jusque-là demeurait exceptionnel, se généralise, de même que la sélection des semences. Enfin, l’outillage agricole se développe avec la mécanisation des travaux liés à la récolte (moissonneuses, batteuses à manège) et à la préparation de la terre (semoir mécanique, brabant).
Georges DUBY et Armand WALLON (dir.) Histoire de la France rurale, Apogée et crise de la civilisation paysanne de 1789 à 1914 tome III, Paris, Seuil, 1976, rééd. coll. « Points Histoire », 1992.
Jean-Claude FARCY Les Paysans beaucerons au XIXe siècle Chartres, Société archéologique d’Eure-et-Loir, 1989.
Émile ZOLA Les Rougon-Macquart Paris, Gallimard, 1966, édition intégrale publiée sous la direction d’Armand Lanoux, études, notes et variantes établies par Henri Mitterand.
Emmanuelle GAILLARD, « Le monde rural », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/monde-rural
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