Mort de Saint Louis devant Tunis, 25 août 1270
Auteur : ROUGET Georges
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1817
Date représentée : 25 août 1270
H. : 318 cm
L. : 273 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© Château de Versailles, dist. RMN - Grand Palais / Christophe Fouin
14-587400 / MV 21
Mort de Saint Louis devant Tunis
Date de publication : Décembre 2019
Auteur : Laetitia REBIFFÉ-CARBONNE
Un saint dynastique mort en croisade célébré sous la Restauration
Présentée au Salon de 1817, l’œuvre de Georges Rouget, élève de Jacques Louis David, destinée aux collections des Tuileries de Louis XVIII, ne fait pas exception, car au moins quarante-trois tableaux relatifs à Saint Louis ont été peints au début de la Restauration, entre 1814 et 1824. Cela n’est pas étonnant, car Louis IX, ou Saint Louis, est célébré depuis le XVIIe siècle comme le saint protecteur des Bourbons, Henri IV devant ses droits légitimes sur le trône de France au fait d’en descendre par Robert de Clermont, son sixième fils. En 1814, un des premiers actes de Louis XVIII, soucieux de renouer avec l’histoire dynastique après la Révolution, est de restaurer l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, créé par Louis XIV en 1693 et aboli par la Convention cent ans plus tard.
Ce tableau connaît un certain succès. Plusieurs fois copié, il est sélectionné en 1837 pour intégrer le musée de l’Histoire de France de Versailles, pour lequel Rouget peint aussi des œuvres originales, pour la salle des Croisades notamment.
La mort de Louis IX, sujet de ce tableau, survient le 25 août 1270 lors de la huitième croisade, la seconde pour lui, à laquelle il a participé contre l’avis de ses proches. Son adversaire, le sultan mamelouk Baybars, est en Égypte, mais c’est vers la Tunisie, après un regroupement en Sicile, qu’a vogué la flotte royale dans un but obscur pour les historiens. Devant Tunis, le roi veut attendre le renfort de son frère Charles d’Anjou, nouveau roi de Sicile, pour passer à l’attaque. Il fixe son camp près des ruines de Carthage, où la chaleur d’août aggrave une épidémie mal identifiée – dysenterie, typhus, scorbut, indifféremment nommés peste au Moyen Âge – qui l’emporte après un de ses fils.
Le père, le fils et l’oncle
Trois figures sont mises en valeur dans un public mêlant barons français, représentants de l’empereur de Constantinople et prélats.
Louis IX, saisi juste après sa mort, gît sur une couche simple, sans être le lit de cendres évoqué par la tradition. Émacié – sans doute du fait de la maladie, mais aussi des privations qu’il s’imposait par piété religieuse –, mains croisées sur un grand crucifix, pieds nus, il est vêtu d’une simple chemise. Seule la couverture fleurdelisée froissée sur ses jambes renvoie à sa fonction royale.
Agenouillé près de lui, Philippe, son fils, devenu roi de France à l’instant même de la mort de son père. Sur le chevet entre eux, une couronne, comme si la royauté avait quitté l’un sans avoir encore totalement investi l’autre.
Charles d’Anjou vient d’entrer, portant encore son arme et vêtu de sa cape ornée de croix. Penché vers le défunt en un mouvement de sollicitude, il regarde d’un air hagard non vers lui, mais vers le spectateur.
Philippe III semble être représenté en position de faiblesse par rapport à son oncle, mais jouit de l’atout majeur de sa légitimité, symbolisée par sa robe fleurdelisée et la proximité de la couronne.
Une scène historique faisant écho aux codes romantiques en vogue sous la Restauration
Rouget représente cet épisode historique fidèlement au récit qu’en fait Chateaubriand. Cette représentation montre donc une douleur intime et familiale, une grande religiosité chrétienne (marquée par le dénuement du roi défunt) ainsi qu’un goût pour le genre historique visible dans le traitement très minutieux (avec quelques anachronismes) des costumes des personnages principaux et de l’assistance. Ce sont en effet des codes romantiques qui commencent à rencontrer un grand succès en littérature et que le peintre transpose ici.
Ce tableau parmi de nombreux autres a aussi pour intérêt de contribuer à restaurer l’image de la royauté médiévale au travers de la figure d’un roi considéré comme exemplaire, afin de contribuer à légitimer la restauration des Bourbons en laissant croire à une forme de continuité historique, dynastique et religieuse séculaire par-delà la Révolution et l’Empire.
C’est donc une œuvre qui cadre extrêmement bien avec les enjeux esthétiques et politiques de son époque, ce qui explique à la fois son succès immédiat au Salon de 1817 et dans les années qui ont suivi, et son relatif oubli une fois la Restauration passée.
CHATEAUBRIAND François-René de, Œuvres complètes. Vol. VII : Itinéraire de Paris à Jérusalem, Paris, P.-H. Krabbe, 1852, disponible Gallica.
DELMAS Sophie, Saint Louis, Paris, Ellipses, coll. « Biographies et mythes historiques », 2017.
LE GOFF Jacques, Saint Louis, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1996.
SALON DES ARTISTES FRANÇAIS, « 673 : Mort de S. Louis », dans Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture et gravure, des artistes vivans, exposés au Musée Royal des Arts, le 24 avril 1817, Paris, Imprimerie de Madame Hérissant Le Doux, 1817, p. 77-78, disponible sur Gallica.
Laetitia REBIFFÉ-CARBONNE, « Mort de Saint Louis devant Tunis », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/mort-saint-louis-devant-tunis
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