Aller au contenu principal
Portrait de Sarah Bernhardt

Portrait de Sarah Bernhardt

Date de création : 1876

Date représentée : 1876

H. : 250 cm

L. : 200 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© CC0 Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais

Lien vers l'image

PPP744

La naissance du vedettariat

Date de publication : Juillet 2005

Auteur : Jean-Claude YON

Les transformations de la vie théâtrale

Le dernier tiers du XIXe siècle est marqué en France par une profonde modification des structures de la vie théâtrale. En 1864, Napoléon III met fin au « système du privilège » institué en 1806-1807 par son oncle ; désormais, l’activité théâtrale est dégagée de toute contrainte administrative (hormis la censure) et elle n’obéit plus qu’aux lois du marché. Cette évolution fondamentale a pour conséquence le déclin, certes à long terme, des troupes permanentes. Elle entraîne également une modification de l’offre : au lieu d’exploiter un répertoire en assurant la rotation rapide d’un grand nombre de pièces, on cherche à présent à rentabiliser au maximum les productions. Celles-ci sont de plus en plus conçues autour de vedettes (ou « idoles ») auxquelles on applique dès cette époque le terme de « star ». À vrai dire, depuis le début du XIXe siècle, ces stars – parisiennes par définition – avaient pris l’habitude de profiter de leurs congés pour partir en province et à l’étranger. Lors de ces tournées, elles jouaient avec les troupes locales en imposant leur répertoire. Ainsi avait-on pu applaudir loin de Paris de grands artistes comme Talma, Mlle Mars, Marie Dorval, Rachel, etc. Après 1870, ces vedettes prennent une importance accrue. L’artiste qui sait le mieux profiter de cet épanouissement du « star system » est sans conteste Sarah Bernhardt (1844-1923).

Une « femme fatale » du XIXe siècle

Étendue sur un canapé grenat, Sarah Bernhardt regarde le spectateur avec la tranquille assurance d’une « diva » certaine de sa puissance de séduction. Clairin la place dans son luxueux atelier-salon, vaguement orientalisant et décoré de plantes. L’« espèce d’emmaillotement blanc » (dixit Edmond de Goncourt) qui lui sert de robe masque la maigreur proverbiale de la comédienne et la transforme en « sinuosités serpentines », selon l’expression de Zola qui ajoute, dans son commentaire du tableau : « Peu s’en faut que la jeune actrice n’ait fondu entre les brasiers allumés par le peintre. » Un bas bleu clair à peine caché par une mule noire, une main qui tient un éventail de plumes blanches, un bras qui s’accoude négligemment à un coussin jaune : tout concourt, paradoxalement, à faire de ce portrait « en pied » une évocation allégorique plus qu’une représentation de l’actrice dont le visage triangulaire, au front mangé par les cheveux et au cou enfoui dans sa collerette, présente du reste des traits quelque peu flattés. Le lévrier couché à ses pieds renforce l’impression d’énigmatique élégance qui fait de ce tableau, que Clairin a très certainement conçu en étroite collaboration avec son modèle, une icône de « femme fatale » avant l’heure.

« Reine de l’attitude et Princesse du geste ! » (Edmond Rostand)

Les débuts de Sarah Bernhardt sont assez classiques : Conservatoire, Comédie-Française, Odéon. C’est dans ce dernier théâtre qu’elle connaît en 1869 son premier grand succès avec Le Passant de François Coppée. De retour à la Comédie-Française en 1871, nommée sociétaire en 1875, elle est très appréciée dans les reprises des drames de Victor Hugo qui la surnomme « la voix d’or » et qui, après Hernani (repris en 1877), lui offre une goutte en diamant avec ces mots : « Cette larme que vous avez fait couler est à vous. » Mais Sarah a compris qu’en plus de travailler ses rôles, elle doit se forger une image si elle veut parvenir à son but : être la première. Le tableau de Clairin, peintre et décorateur qui commence alors à se faire un nom, obtient beaucoup de succès au Salon de 1876 ; désormais Clairin sera le portraitiste attitré de la comédienne qui, au fil des ans, se forge une réputation d’excentricité. Rompant bruyamment avec la Comédie-Française en 1880, elle se lance dans de grandes tournées à travers le monde entier. En octobre 1880, elle s’embarque pour son premier voyage aux États-Unis : cinquante villes sont visitées, et les recettes totales s’élèvent à la somme extraordinaire de 2,4 millions de francs. L’actrice sillonne le continent américain dans un train spécial et son impresario a recours aux réclames les plus tapageuses. Jusqu’à la fin de sa vie, Sarah Bernhardt ne cessera de parcourir le monde. Dès 1875, la Divine, comme elle se fait appeler, s’est fait construire un hôtel particulier dans la plaine Monceau. On y trouve l’atelier-salon que Clairin a choisi pour décor de son tableau, et chaque pièce est envahie par une profusion de meubles et bibelots de tous pays et de toutes époques. Ses nombreuses liaisons, son court mariage raté avec l’acteur Damala, ses innombrables caprices et extravagances, ses talents de sculpteure, son action à la tête de plusieurs théâtres parisiens, enfin son exceptionnelle longévité sur les planches malgré la maladie (elle est amputée d’une jambe en 1915) : chaque aspect de la vie de Sarah Bernhardt contribue à en faire non seulement la plus grande actrice du dernier quart du XIXe siècle et du premier quart du XXe siècle, mais encore un mythe qui servira de modèle aux stars de cinéma du siècle suivant.

Catalogue de l’exposition Sarah Bernhardt ou le divin mensonge, Paris, BnF, 2000.Arthur GOLD et Robert FIZDALE, Sarah Bernhardt, Paris, Gallimard, 1994.Claudette JOANNIS, Sarah Bernhardt, reine de l’attitude, Paris, Payot, 2000.Anne MARTIN-FUGIER, Comédienne.De Mlle Mars à Sarah Bernhardt, Paris, Le Seuil, 2001.

Jean-Claude YON, « La naissance du vedettariat », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/naissance-vedettariat

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Guinguettes et imagerie populaire

Guinguettes et imagerie populaire

La guinguette, au cœur d’une nouvelle imagerie populaire

À la fin du XIXe siècle, les guinguettes constituent un référent culturel et…

Guinguettes et imagerie populaire
Guinguettes et imagerie populaire
Un théâtre du Boulevard à la Belle Epoque

Un théâtre du Boulevard à la Belle Epoque

Le théâtre au cœur de la vie parisienne

Depuis la monarchie de Juillet, les « grands boulevards » sont le centre de la vie parisienne. Cet…

Vue du Salon du Louvre

Vue du Salon du Louvre

La cinquantaine d’œuvres que nous connaissons de Gabriel-Jacques de Saint-Aubin révèle un goût particulier pour des scènes de la vie courante,…

Les loges au théâtre

Les loges au théâtre

Apparu durant la Révolution, le mélodrame a conquis la scène populaire et s’est imposé au début du XIXe siècle comme un genre phare.…

Les loges au théâtre
Les loges au théâtre
Les premiers syndicats d’initiative

Les premiers syndicats d’initiative

Naissance et développement des syndicats d’initiative sous la Troisième République

Dans la seconde partie du XIXe siècle, de…

Les premiers syndicats d’initiative
Les premiers syndicats d’initiative
Le Succès du mélodrame

Le Succès du mélodrame

Pour contrer la floraison des théâtres sous la Révolution, l’Empire avait établi un régime de restriction du nombre de salles. La situation va s’…

Les Courses cyclistes

Les Courses cyclistes

Quand le cyclisme devient un sport

La fin des années 1860 voit naître un ensemble d’activités liées à la pratique du vélocipède. Parallèlement au…

Les Courses cyclistes
Les Courses cyclistes
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

La République s’amuse

Après le régime si décrié du Second Empire (« la fête impériale »), la IIIe République a commencé par un retour…

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Les auberges de jeunesse

Les auberges de jeunesse

Les auberges de jeunesses

Cette affiche, créée en mars 1945 par M. Lassalle pour le Mouvement Uni des Auberges de Jeunesse (MUAJ), est conservée…

La vision de la mer au XIX<sup>e</sup> siècle

La vision de la mer au XIXe siècle

Avant 1750, les espaces océaniques n’attirent guère que les marins. Au XVIIe siècle, Claude Gellée, dit Le Lorrain, est l’un des rares…

La vision de la mer au XIX<sup>e</sup> siècle
La vision de la mer au XIX<sup>e</sup> siècle
La vision de la mer au XIX<sup>e</sup> siècle