Une avenue, forêt de l'Isle-Adam
La Clairière, souvenir de Ville d'Avray.
Entrée du village de Voisins
Une avenue, forêt de l'Isle-Adam
Auteur : ROUSSEAU Théodore
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 101 cm
L. : 81,8 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
RF 1882 - 08-524453
Le paysage français
Date de publication : Octobre 2014
Auteur : Ivan JABLONKA
On peut opposer avec Françoise Cachin le paysage français du XVIIe siècle, rationnel, idéalisé, « romain », cadre de scènes historiques ou mythologiques, à celui du XIXe, plus réaliste et plus modeste, miroir du quotidien, inspiré d’un modèle « nordique » qu’il soit flamand ou anglais, comme sous la Restauration où les artistes français s’inspirent librement des Constable, Bonington et Fielding qu’ils ont admirés au Salon de 1824.
Alors que Poussin et Claude peignaient des pays imaginaires, empreints d’une grandeur biblique ou royale, les peintres du XIXe siècle, avant tout ceux de l’école de Barbizon et les impressionnistes, s’attachent à représenter des lieux déterminés et ordinaires, qu’ils connaissent. Leur esthétique est plus conforme au goût d’une société bourgeoise et démocratique. Cette dernière, de plus en plus urbaine, s’engoue pour la nature et les paysages.
Il n’est pas rare en effet que les paysagistes français du XIXe siècle, qui peignent pour une clientèle citadine, représentent l’image d’une nature préservée et harmonieuse, témoin d’un âge d’or enfui.
C’est de manière emblématique le cas pour l’école de Barbizon et son chef de file Rousseau, dont est reproduite ici une vue de la Forêt de L’Isle-Adam. Dans une clairière inondée de soleil, deux jeunes paysannes ont laissé s’égailler leurs vaches. Le soleil jette des taches blanches sur les troncs et les feuillages, nuançant l’unité de couleurs vertes de l’ensemble. Les arbres qui encadrent la clairière de leurs hauts troncs et de la voûte qu’ils forment semblent protéger les jeunes filles, comme inaccessibles dans leur écrin de verdure.
Dans son Souvenir de Ville-d’Avray, Corot représente de même une jeune fille assise à l’orée d’une clairière, sous une immense arche de verdure. Les tons verts et bruns de la toile, le frémissement du feuillage, l’atmosphère mélancolique de cette scène, confèrent à ces sous-bois une froideur automnale. La petitesse des figures fait de ces solitudes boisées le théâtre d’un mythe, comme chez Poussin ; le spectateur, introduit dans l’intimité de jeunes filles au repos, pénètre dans un sanctuaire de fraîcheur et de sérénité ; enfin, comme Corot, Rousseau guide le regard vers le fond du tableau, par un effet de perspective et par un contraste entre la profusion ombreuse de la nature et le vide de la clairière.
Une paix comparable environne L’Entrée du village de Voisins de Pissarro. Le temps semble s’être arrêté. Humble chemin de terre, bâtisses sans prestige, arbres maigres, murets, chaque chose est à sa place dans ce village qui somnole, loin des transformations du monde. On retrouve, comme chez Corot, la modestie, le sens de l’équilibre et de la mesure qui caractérisent cette France des campagnes chère au cœur des dirigeants de la IIIe République.
Alors que l’industrialisation et l’urbanisation progressent, alors que de 1849 à la Commune le prolétariat des villes semble à la bourgeoisie de plus en plus menaçant, alors qu’à partir des années 1870 l’exode rural commence à vider certaines régions, les paysagistes français, de l’école de Barbizon et de Rosa Bonheur jusqu’à Corot en passant par certains impressionnistes, se plaisent à immerger leur clientèle citadine dans des forêts, des sous-bois idylliques, joyaux d’un monde encore préindustriel.
Les paysages et les villages de ces peintres offrent l’image d’une France préservée, menant dans un cadre à la fois « éternel et familier » une douce existence, loin de la ville-ordure et des dangers de l’industrialisation. Ici, on se sent protégé, « chez soi », et cet enracinement s’inscrit en faux contre une mobilité inquiétante, celle des ouvriers, des vagabonds, des errants.
L’idéal qui s’exprime dans les paysages français de la seconde moitié du XIXe siècle est celui d’un agrarisme tempéré et humble, appelé à une longue fortune, tant il est vrai que ces tableaux offrent l’image de la France dont les républicains rêvent – une France de petits propriétaires, de plein air et de « coteaux modérés ».
Françoise CACHIN, « Le paysage du peintre », in Pierre NORA (dir.), Les Lieux de mémoire, tome II, La Nation, Paris, Gallimard, 1986.
Michael CLARKE, Corot and the Art of Landscape, Londres, British Museum Press, 1991.
Prosper DORBEC, L’Art du paysage en France. Essai sur son évolution de la fin du XVIIIe siècle à la fin du Second Empire, Paris, Laurens, 1925.
Georges DUBY, André WALLON (dir.), Histoire de la France rurale, t. 3, Apogée et crise de la civilisation paysanne, 1789-1914, Paris, Seuil, 1976.
Martin RIED, Pissarro, Londres, Studio Editions, 1993.
École de Barbizon : Groupe de peintres installés à Barbizon, en forêt de Fontainebleau, dans les années 1840-50. Ils se consacrent surtout à la peinture de paysage et annoncent l’impressionnisme. Les plus célèbres sont Camille Corot, Charles-François Daubigny, Jean-François Millet et Théodore Rousseau.
Ivan JABLONKA, « Le paysage français », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/paysage-francais
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Le paysage français
On peut opposer avec Françoise Cachin le paysage français du XVIIe siècle, rationnel, idéalisé, « romain », cadre de scènes historiques…
Les Stations du prolétaire
La saisie de l’huissier et La mort de l’ouvrier sont des dessins appartenant à la série Les stations du…
L’évolution de l’image du paysan
Au XIXe siècle, les paysans sont tantôt décrits comme des brutes arriérées, tantôt comme des travailleurs purs et vertueux. Ce sont d’…
Le chemin de fer dans le paysage français
En France, le Second Empire ouvre à bien des égards l’ère du rail. La révolution que le pays connaît dans les années 1850 et 1860 est due à l’…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel