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Portrait en pied de Louis XV

Portrait en pied de Louis XV

Date de création : 1763

Date représentée :

H. : 250 cm

L. : 170 cm

Huile sur toile.

Dépôt du musée du Louvre à la bibliothèque municipale de Versailles.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn / image GrandPalaisRmn

Lien vers l'image

76-000276

Portrait en pied de Louis XV

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Philippe BOURDIN

Une tradition familiale

Datant du début des années 1760, cette huile sur toile de belle taille, intitulée Louis XV, est due à l’atelier de Louis-Michel Van Loo (1707-1771). L’original orne la bibliothèque municipale de Versailles. Œuvre de commande et de propagande, elle a dès l’origine – et tel était son but – suscité des copies intégrales et des répliques partielles, peintes du reste en partie par les seconds et les élèves de l’artiste.

Ces procédés ne sont pas neufs ; ils ont fait la fortune de la famille Van Loo. Louis-Michel s’inscrit en effet dans une longue lignée dont il porte fièrement l’héritage artistique. Petit-fils d’Abraham-Louis, fils de Jean-Baptiste et neveu de Charles André, tous trois peintres réputés et pensionnés, il a étudié son art à Turin et à Rome avant de remporter, en 1725, le prix de l’Académie royale de peinture et de sculpture pour son Moïse enfant faisant tomber la couronne de Pharaon –, titre qui pourrait signer tout un programme si l’on songe à ses emplois futurs.

Peintre officiel de Philippe V d’Espagne en 1736 et l’un des membres fondateurs de l’Académie de Madrid en 1752, il revient en France l’année suivante et peint plusieurs portraits de Louis XV – mais aussi de Marivaux, de Diderot, de Soufflot, de sa famille, etc. En 1762, désormais membre de l’Académie royale, il succède à son oncle comme premier peintre du roi ; il le remplace en 1765 à la direction de l’École royale des élèves protégés. À Charles André (1705-1765), portraitiste aguerri qui avait mis son art au service du mariage de Louis XV et de Marie Leszczynska, peignant force portraits officiels des jeunes mariés et d’un roi encore adolescent, il doit aussi sa technique de la série.

Un suzerain en sa cour

Cette toile prend en effet place dans un ensemble de portraits peints presque simultanément et déclinant diverses attitudes royales : les traits du roi, sa position, le mouvement de son bras gauche, y semblent comme figés, et seul change son habillement, qui le fait passer du sacre au quotidien de l’homme d’État. Dans le présent tableau, Louis XV est représenté en pied, de face, portant un habit rehaussé de broderies d’or, des bas de soie blanche et des souliers à talons rouges – mis à la mode par Monsieur, frère du roi, en 1662, ils relèvent désormais de l’étiquette de la cour. Tout dans cette tenue paraîtrait presque banal si le sujet n’était distingué par les insignes des ordres du Saint-Esprit et de la Toison d’or, et si, surtout, le manteau fleurdelisé, la couronne et le sceptre disposés tout près de lui ne rappelaient sa dignité.

Louis XV paraît imperturbable quand seules les lourdes tentures cramoisies semblent bouger au gré d’un ciel orageux et du vent de l’histoire. Face à ce monarque dont le regard apaisé dit tout, dont l’âme semble mise à nue, la question se pose de savoir si c’est un roi qui incarne la paix, garant de la prospérité de ses sujets, ou un roi de la guerre à l’orée du champ de bataille. La première hypothèse peut sembler la bonne dans une France qui, préservée sur son territoire, connaît ou vient de connaître en Europe et surtout en Amérique du Nord les soubresauts de la guerre de Sept Ans, conclue en 1763 par le traité de Versailles.

Le double corps du roi

Même si les techniques de représentation se ressemblent (la tête du roi transposable d’une toile à l’autre, la réalisation à plusieurs mains par exemple), nous sommes en tout cas très loin des officiels portraits de son aïeul Louis XIV par Hyacinthe Rigaud, tant du point de vue des dimensions que de la solennité recherchée – ledit Rigaud avait du reste aussi exercé ses talents à la gloire de Louis XV, lui offrant son premier portrait de sacre, en 1715. Désormais, le costume mondain n’est plus suggéré sous le manteau du sacre, mais mis au premier plan. Solidement campé sur ses jambes, Louis XV n’esquisse aucun pas de danse. La distance entre les symboles de la royauté et la personne du roi semble comme abolie : c’est bien le souverain physique qui est ici privilégié, en son enveloppe mortelle dont le peintre souligne pourtant la santé apparente.

Cette recherche d’une relative proximité, d’un relatif réalisme, s’explique par plusieurs raisons – idéologiques, personnelles et, par-dessus tout, politiques. D’abord, elle répond à l’exigence d’un monarque simple tel que le voulaient les philosophes. Ensuite, Louis XV est alors un quinquagénaire solide, quels que soient les inconvénients de rhumatismes résiduels. Il avait porté beau, les contemporains en convenaient, et tous n’étaient pas des flatteurs, mais son embonpoint, son teint livide et un semblant de dépression frappent désormais les observateurs.

Au peintre de combattre les doutes sur un homme qui, par ailleurs, ne dédaigne pas la brutalité de ton propre aux grands timides, bravant l’étiquette, froid, taiseux et taciturne en sa cour, et continue de se divertir et de se livrer au libertinage, suggérant au peuple de Paris l’idée d’un ogre jamais rassasié. Enfin, le corps sacré du roi a subi en 1757 l’attentat de Damiens : s’il l’a superficiellement blessé, il l’a profondément meurtri, lui prouvant rudement qu’il n’était plus le « Bien-Aimé », proclamé tel en 1744.

Pour remédier à son impopularité, Louis XV et ses conseillers usent et abusent donc depuis longtemps de l’image royale, adaptée à des publics variés : gravures, portraits reproduits en grand nombre – jusqu’aux tapisseries – et statues rendent le monarque omniprésent et inévitable.

David BEAURAIN, « Les portraits de Louis XV par Jean-Baptiste Van Loo : genèse et chronologie », in Zeitschrift für Kunstgeschichte, vol. 68, Munich, 2005.

Michèle FOGEL, Les Cérémonies de l’information dans la France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1989.

Bernard HOURS, Louis XV. Un portrait, Paris, Privat, 2009.

Bernard HOURS, Louis XV et sa cour, Paris, P.U.F., 2002.

Daniel RABREAU (dir.), Paris, capitale des arts sous Louis XV, Bordeaux, William Blake & Co/Arts et Arts, 1997.

BEAURAIN David, « Les portraits de Louis XV par Jean-Baptiste Vanloo : genèse et chronologie », in Zeitschrift für Kunstgeschichte, vol. 68, Munich, 2005, p. 61-70.

 

Philippe BOURDIN, « Portrait en pied de Louis XV », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/portrait-pied-louis-xv

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