Aller au contenu principal
Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris

Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : Vers 1648

H. : 200 cm

L. : 271 cm

Personnages représentés : Jérôme Le Féron, président du Parlement, prévôt des marchands de 1646 à 1650 ; Germain Piètre, procureur ; Martin Lemaire, greffier ; Nicolas Boucot, receveur. Les échevins à droite : Jean de Bourges, docteur en médecine ; Geoffroy Yon ; Gabriel Fournier, président en l’Election de Paris ; Pierre Hélyot.

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Franck Raux

Lien vers l'image

MI 911 - 16-555256

Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris

Date de publication : Février 2016

Auteur : Jean HUBAC

Le portrait collectif d’un corps municipal

Peint à la fin de l’année 1647 ou au début de l’année 1648, à la veille de la Fronde, le portrait collectif du prévôt des marchands et des échevins de Paris fait partie des commandes passées à Philippe de Champaigne par les édiles municipaux pour mettre en valeur leur fonction et leur réussite sociale. En 1648, Champaigne rencontre un vif succès, en particulier pour la qualité de ses portraits. Sollicité par l’Église et par la Cour depuis les années 1620, il devient peintre officiel du roi durant les dernières années du règne de Louis XIII et le début de celui de Louis XIV. Son activité de portraitiste est à son sommet pendant la minorité de Louis XIV, période à laquelle il se rapproche du milieu janséniste.

Le prévôt des marchands et les quatre échevins de Paris qui l’assistent n’échappent pas à la mode du portrait et commandent régulièrement leur portrait depuis le XVIe siècle. Élus officiers municipaux pour deux ans par un collège restreint au cours d’élections sur lesquelles le pouvoir royal pèse de toute son influence, ils forment le « petit bureau » du corps de ville, qui exerce des fonctions administratives et judiciaires et des compétences variées ayant trait à l’organisation de la ville (circulation, voirie, approvisionnement, fêtes…).
Ils sont aidés, ici derrière le prévôt, par un greffier de ville, un receveur du roi et un procureur du roi. En 1648, le titulaire de la prévôté des marchands est issu d’une grande lignée de robins (homme de loi). Il s’agit de Jérôme Le Féron, président à la deuxième chambre des enquêtes du parlement de Paris. Renouvelés par moitié tous les ans, les échevins de Paris sont à cette même date Jean de Bourges, Geoffroy Yon, Gabriel Fournier et Pierre Helyot (receveur général des pauvres). Ces notables influents sont à la fois en concurrence avec le parlement de Paris quant à la définition de sa sphère de compétences et issus du même milieu bourgeois que les parlementaires.

Pour la plus grande gloire des édiles parisiens

La toile se décompose en deux parties verticales séparées par un crucifix posé sur un autel orné d’un bas-relief représentant sainte Geneviève, patronne de Paris, ainsi que les armes de la ville. Au pied du crucifix, un crâne et deux os entrecroisés, véritable memento mori, viennent rappeler aux riches robins la futilité des gloires terrestres. Sur les quelques marches tapissées surélevant l’autel se détachent deux blasons (les armes de Jérôme Le Féron sont reconnaissables à gauche, symétriquement à celles de Jean de Bourges, le plus ancien des échevins, élu en 1646). À droite de l’autel, les quatre échevins sont dans une attitude de recueillement ou d’oraison, agenouillés et les mains jointes, l’un d’eux tenant un livre (de prière ?) à la main. À gauche, Jérôme Le Féron domine de sa stature et de sa robe rouge aux reflets soyeux les autres personnages ; en tant que prévôt des marchands, il est le maître de cette vénérable assemblée. Derrière le prévôt, le procureur du roi précède le greffier et le receveur de la ville. Six des huit hommes regardent fixement le spectateur, comme pour le rendre témoin de leur piété et de leur attachement à leur ville. La monotonie des vêtements est rompue par la diversité des visages et par leur expressivité.

Il se dégage de la composition une impression de gravité, de maîtrise et d’équilibre (voire de raideur), que viennent renforcer les solides colonnes dont on n’aperçoit que les parties inférieures et l’effet de symétrie produit par l’axe vertical Christ/sainte Geneviève. La tenture fleurdelisée déployée entre les deux colonnes – et qui sépare la scène peinte d’un arrière-fond que l’on devine sombre – inscrit la geste échevinale dans un cadre monarchique fort. Elle rappelle que la soumission à Dieu est aussi une allégeance au roi et au principe légitime et légitimateur de la royauté. Le roi est à la fois présent et absent, et la tenture définit le premier plan comme un espace scénique où se meuvent les bourgeois parisiens.

 

Un manifeste politique, social et religieux

S’agit-il d’une sorte d’ex-voto célébrant la guérison du jeune roi, atteint en novembre 1647 de la petite vérole – épisode que Le Féron avait déjà choisi pour faire frapper une médaille au début de l’année 1648 ? Cette hypothèse est plausible, mais elle est concurrencée par une interprétation plus politique et traditionnelle du portrait. En s’inscrivant dans la tradition des portraits du corps de ville parisien et en en reprenant les principaux codes picturaux, ce « portrait corporatif » (B. Dorival) rappellerait l’attachement légaliste et religieux des officiers municipaux. La tenture fleurdelisée serait donc le symbole tangible du lien privilégié et légitimateur entre le roi et le corps de ville. Après le début de la Fronde, à l’été 1648, on verra effectivement le bureau de ville tenter l’apaisement dans le contexte des troubles parlementaires naissants.

Cette grande toile est ainsi un manifeste politique, social et religieux. Elle assimile les robins que sont les échevins à une noblesse de cœur et de gravité, sinon de sang immémorial. Il s’agit bien ici de mettre en valeur la réussite sociale des échevins et du prévôt des marchands, tout en les inscrivant dans une piété ostentatoire. Cette affirmation contribue parallèlement à installer ces bourgeois dans la sphère politique du Paris de la minorité royale et à montrer une vision hiérarchisée et strictement organisée des structures institutionnelles de la monarchie française.

Champaigne poursuivra la tradition des « portraits corporatifs » et peindra deux autres représentations du prévôt des marchands et des échevins, en 1652 et 1656. Il ne reste cependant que des fragments de ces toiles.

DORIVAL Bernard, Philippe de Champaigne (1602-1674) : la vie, l’œuvre et le catalogue raisonné de l’œuvre, Paris, Laget, 1976, 2 vol.

MARIN Louis, Philippe de Champaigne ou la Présence cachée, Paris, Hazan, coll. « 35/37 », 1995.

TAPIÉ Alain, SAINTE FARE GARNOT Nicolas (dir.), Philippe de Champaigne (1602-1674) : entre politique et dévotion, cat. exp. (Lille, 2007 ; Genève, 2007-2008), Paris, Réunion des musées nationaux, 2007.

Jean HUBAC, « Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/prevot-marchands-echevins-ville-paris

A découvrir La Ronde de Nuit de Rembrandt

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Louis XIV et Apollon

Louis XIV et Apollon

La thématique propagandiste du Roi-Soleil

Cette gouache sur papier crème de Joseph Werner, peintre bernois appelé à la cour de Louis XIV pour son…

La Cour de Louis XIV

La Cour de Louis XIV

La cour de Louis XIV

Louis XIV choisit de stabiliser la cour dans sa résidence royale de Versailles qu’il fait aménager, agrandir et embellir. Il…

La Cour de Louis XIV
La Cour de Louis XIV
Madame de Montespan

Madame de Montespan

Un portrait de cour

La date de cette peinture est incertaine. On peut proposer un intervalle grâce aux dates de naissance des enfants :…

Madame de Montespan
Madame de Montespan
Louis XIV protecteur des Arts et des Sciences

Louis XIV protecteur des Arts et des Sciences

Roi de guerre, roi-soleil, Louis XIV se veut aussi le protecteur des arts et des sciences. D’autant que le jeune monarque, né en 1638, de l’union…

La révocation de l’édit de Nantes

La révocation de l’édit de Nantes

Le 18 octobre 1685, Louis XIV signe à Fontainebleau la révocation de l’édit de Nantes de 1598. Compte tenu de l’importance de l’événement à…

Le potager du roi  Louis XIV

Le potager du roi Louis XIV

L’horticulture est un art

Ces estampes ouvrent les six parties du traité d’horticulture publié en 1690 à titre posthume par Jean-Baptiste de La…

Le potager du roi  Louis XIV
Le potager du roi  Louis XIV
Le potager du roi  Louis XIV
Le potager du roi  Louis XIV
Ex-voto pour la guérison de Louis XIV

Ex-voto pour la guérison de Louis XIV

Une guérison miraculeuse

C’est dans un contexte chargé en émotion et en dévotion que Michel Corneille réalise une vaste huile sur toile exprimant…

Les Demeures royales

Les Demeures royales

Versailles à la charnière de deux règnes

Cette série de tableaux de Pierre-Denis Martin (1663-1742) s’insère à une période charnière de l’…

Les Demeures royales
Les Demeures royales
Les Demeures royales
Le blocus de Paris en 1649

Le blocus de Paris en 1649

Peindre la guerre civile sur fond de gloire militaire condéenne

À la fin de sa vie, Louis II de Bourbon, prince de Condé et premier prince du…

Scène de dragonnade (Fin XVII<sup>e</sup> siècle)

Scène de dragonnade (Fin XVIIe siècle)

Le protestantisme dans la clandestinité

Dans un genre très répandu au XVIIe siècle, notamment depuis l’épisode de la Fronde, cette gravure de…