Aller au contenu principal
Scène de propagande boulangiste.

Scène de propagande boulangiste.

Les nouvelles chansons boulangistes.

Les nouvelles chansons boulangistes.

Scène de propagande boulangiste.

Scène de propagande boulangiste.

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1889

Date représentée :

H. : 180 cm

L. : 190 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - H. Lewandowski

http://www.photo.rmn.fr

89EE383 / RF 1987-23

La propagande boulangiste

Date de publication : Février 2007

Auteur : Alexandre SUMPF

Le plébiscite populaire du général Boulanger

La menace qu’a fait peser le général Boulanger sur la république a été brève. Tout commence quand, fait rare, ce militaire qui ose afficher des convictions républicaines est nommé ministre de la Guerre en janvier 1886, sur la recommandation de Clemenceau.

Lors de la revue du 14 juillet 1886 à Longchamp, Boulanger, qui a amélioré l’ordinaire et l’organisation de l’armée, déclenche l’enthousiasme de la foule. Au printemps 1887, l’affaire Schnaebelé oppose la France à Bismarck. Resté ferme dans un contexte de tension avec l’Allemagne, Boulanger profite du feu nationaliste attisé par Déroulède ou Barrès.

Inquiets de cette nouvelle menace sur le fragile équilibre républicain, les « opportunistes », Ferry en tête, décident d’écarter Boulanger… Rochefort n’hésite pas à appeler à la révolte autour du « général Revanche » dans L’Intransigeant. La scène d’hystérie collective provoquée par le départ forcé de Boulanger pour Clermont, le 8 juillet 1887, oblige Clemenceau à prendre ses distances : « La popularité du général Boulanger est venue trop tôt à quelqu’un qui aimait trop le bruit. »

C’est alors que, poussé par Georges Thiébaud, Boulanger se présente en avril 1888 à une élection partielle en Dordogne, puis démissionne et entame un « steeple-chase électoral » (Barrès) à travers la France, qui le conduit au triomphe à Paris, le 27 janvier 1889. Refusant de marcher sur l’Élysée, menacé par la justice, Boulanger fuit à Bruxelles le 1er avril 1889. Il se suicide deux ans plus tard.

Voies et voix de la popularité de Boulanger

Jean Eugène Buland (1852-1926) a vraisemblablement peint son tableau juste après le dénouement de la crise boulangiste. Cette scène de genre traitée dans un style hyperréaliste, quasi photographique, met aux prises un colporteur d’imprimés et une famille paysanne, comme en témoignent les sabots du chef de la maisonnée, au premier plan.

L’étranger, debout et ventru, la main tendue, s’impose aux six autres personnages, les mains croisées ou les poings fermés. De la caisse du colporteur ont jailli trois portraits du général Boulanger : en buste, en plan américain et à cheval.

Les tons sombres des costumes font ressortir les couleurs bien plus claires de l’aîné (vieillard) et de la benjamine (petite fille). Le portrait de Boulanger qu’il tient dans sa main gauche regarde ces deux personnages. Ce tableau dans le tableau met en abyme le rôle de l’image dans la soudaine popularité de Boulanger.

Les « nouvelles chansons boulangistes » composées par Gaston Villemer alimentent également la popularité du général Boulanger. Les trois quarts supérieurs de la lithographie sont dominés par un titre très lisible, qui souligne la récurrence de la parution de chansons en l’honneur de Boulanger. L’image centrale mêle un événement réel – le discours du ministre de la Guerre à la Chambre – et une image allégorique : Marianne, qui ramène deux jeunes filles, dans lesquelles on reconnaît l’Alsace (à gauche) et la Lorraine (à droite). Les seules couleurs employées sont celles de la République ; Boulanger est en civil et sans décorations, façon de « général Revanche » démocrate. Toutefois, il surplombe nettement depuis la tribune une vingtaine de députés. Seize d’entre eux sont identifiés par les bustes croqués, dont Clemenceau et Ferry : on peut imaginer que c’est à eux que s’adresse le discours. Aux Français, Villemer adresse la chanson sur l’Alsace-Lorraine qui occupe le bas de la feuille.

La naissance de l’opinion publique dans la France du suffrage universel et de la liberté de la presse

Si la scène peinte par Buland est une scène de propagande, ni parole ni écrit n’y sont mis en avant. L’artiste soumet trois générations d’hommes et de femmes à la diffusion de l’image de Boulanger, avec un souci exemplaire du détail. Ainsi, à la cocarde tricolore du colporteur répondent le foulard rouge de l’homme d’âge mûr et le ruban bleu roi de la petite fille : Boulanger, homme providentiel presque malgré lui, a fédéré sur sa personne et surtout sur son nom et son image des tendances politiques opposées, qui se rejoignaient dans une critique de l’« opportunisme » des républicains modérés, comme Ferry. Cela dit, seuls deux des personnages sont en mesure de voter : quelle peut être l’influence du reste de la famille, en particulier celle des femmes, sur ces participants à la démocratie ?

En 1881, par la loi du 29 juillet, furent instaurées des règles de presse et de réunion qui sont toujours en vigueur aujourd’hui. La multiplication des titres de presse et des imprimés en tout genre participe de la constitution d’une opinion publique naissante. Il est difficile de savoir si la chanson de Villemer, plutôt complexe, a vraiment été chantée au cours des manifestations de soutien à Boulanger. Mais nombre d’autres refrains et slogans sont restés et attestent de l’influence de ce mode de diffusion populaire. La mise en image, en mots et en musique de la popularité de Boulanger est de ce point de vue exemplaire. Elle préfigure le déluge d’informations et de « propagandes » qui se déchaînera lors de l’affaire Dreyfus, quelques années plus tard.

Raoul GIRARDET, Mythes et mythologies politiques, Paris, Le Seuil, 1986.

Jacques NÉRÉ, Le Boulangisme et la presse, Paris, Armand Colin, 1964 (rééd.2005).

Jean-François SIRINELLI (dir.), Les Droites françaises, de la Révolution à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1992.

Michel WINOCK, La Fièvre hexagonale, Paris, Le Seuil, 1987.

Alexandre SUMPF, « La propagande boulangiste », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/propagande-boulangiste

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

L’Alsace, province perdue

L’Alsace, province perdue

Une peinture patriotique – Le thème des provinces perdues

L’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1871 provoqua…

Les « Malgré-eux » dans l’armée allemande

Les « Malgré-eux » dans l’armée allemande

Depuis la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, la France vaincue est en partie occupée, mais le régime de l’Occupation varie d’un territoire…

Les « Malgré-eux » dans l’armée allemande
Les « Malgré-eux » dans l’armée allemande
La propagande boulangiste

La propagande boulangiste

Le plébiscite populaire du général Boulanger

La menace qu’a fait peser le général Boulanger sur la république a été brève. Tout commence quand,…

La propagande boulangiste
La propagande boulangiste
Le Tombeau de Turenne

Le Tombeau de Turenne

Le tombeau d’un maréchal de France

Le 17 avril 1676, le neveu de Turenne, cardinal de Bouillon, passa commande d’un mausolée en mémoire de son…

Le vin et l'armée

Le vin et l'armée

Les soldats et le vin du XIXe siècle à la fin de la Première Guerre mondiale

Depuis la Révolution française, et en particulier durant…

Le vin et l'armée
Le vin et l'armée
Le baiser de l’Alsacienne

Le baiser de l’Alsacienne

Durant la Première Guerre mondiale, le calendrier des Postes propose quelques scènes militaires présentant les troupes au repos (Le Repas aux…

L'Alsace. Elle attend

L'Alsace. Elle attend

La perte de l’Alsace-Lorraine

La guerre de 1870 se conclut, le 10 mai 1871, par la signature du traité de Francfort. La France, vaincue, cède au…

Une leçon de France

Une leçon de France

Les débuts de la guerre de 1914-1918 : la mobilisation et l'offensive en Alsace-Moselle

La IIIe République, née du désastre de Sedan…

Alsace, année zéro

Alsace, année zéro

L’une des images de la « Libération » de l’Alsace.

A partir de 1944, la reconquête et la Libération du territoire français s’accompagnent de la…

Jeanne d’Arc

Jeanne d’Arc

La Pucelle ressuscitée

Un siècle sépare le tableau de Paul Delaroche de celui d’Émile Bernard : celui de la naissance d’un véritable mythe…

Jeanne d’Arc
Jeanne d’Arc
Jeanne d’Arc