Comptoir national d'escompte de paris, emprunt national, 1918
Emprunt de la libération. Banque d'Alsace et de Lorraine
Comptoir national d'escompte de paris, emprunt national, 1918
Auteur : LEROUX Pierre Albert
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
Date de création : 1918
Date représentée : 1918
H. : 120 cm
L. : 80 cm
Imprimeur : Charles Joseph
Lithographie.
Domaine : Affiches
© GrandPalaisRmn (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi
1973.30.13 - 05-513821
L’emprunt de la libération de 1918
Date de publication : mai 2011
Auteur : François BOULOC
Combler les déséquilibres financiers du premier conflit mondial
Durant le premier conflit mondial, la France a financé son effort de guerre par l’emprunt préférentiellement à l’impôt. Les emprunts de guerre sont dits « perpétuels » : ils ne devaient pas être remboursés, mais servir une rente aux souscripteurs, à un taux fixe avantageux (autour de 5 %) au moins tant que l’inflation demeurait inexistante. Ce choix des ministres Ribot et Klotz (à partir de 1917) se révéla dangereux pour l’équilibre financier du pays au sortir de la guerre, mais il généra pendant le conflit une production d’œuvres de propagande aussi prolifique qu’intéressante du point de vue historique. Les illustrateurs sollicités convoquent des thèmes majeurs du patriotisme pour inciter les Français à souscrire à ces placements particuliers.
Le quatrième emprunt, dit de la Libération, fut voté le 19 septembre 1918 et souscrit avant et après l’armistice (20 octobre – 24 novembre). Or dès la fin de l’été 1918, il est patent que l’Allemagne ne pourra plus gagner la guerre, sa grande offensive du printemps 1918 ayant été jugulée par les Alliés qui ont repris l’offensive et percé le front. Ceci explique que les affiches mettent l’accent sur l’Alsace-Lorraine, territoires dont la récupération était un des buts de guerre essentiels de la France.
Les provinces perdues, puis retrouvées, mises à contribution
L’affiche du Comptoir National d’escompte de Paris est due à Auguste Leroux, artiste académique reconnu et auteur de nombreux nus féminins. Significative d’un art mis au service de la patrie, cette œuvre représente deux jeunes filles vêtues des costumes traditionnels des « provinces perdues », l’Alsace à gauche, la Lorraine à droite. Cette disposition est inversée par rapport à la configuration géographique, ce qui peut sembler curieux alors que l’intention allégorique est par ailleurs manifeste. La souscription est sollicitée « pour hâter la Victoire et pour nous revoir bientôt ». L’hirondelle estompée en bas à gauche apparaît comme un signe d’espoir en des lendemains meilleurs, soulignant ainsi le message général du document.
Le cas de l’affiche de la Banque d’Alsace et de Lorraine nécessite quelques éclaircissements. En effet, l’entrée des Français à Strasbourg, thème central de l’illustration, ne s’étend que du 22 au 25 novembre 1918, soit à la fin et un jour au-delà de la période de souscription. Cette bizarrerie n’en est pas une, puisque l’illustration est en fait une reprise de celle faite par le fameux artiste alsacien francophile Hansi pour le troisième emprunt, celui de 1917. Le tableau composé rassemble tous les éléments d’une célébration du retour de l’Alsace à la France. Strasbourg, la ville longtemps perdue, est représentée avec ses maisons typiques à colombages, pavoisées comme il se doit de drapeaux français. Le cortège des soldats est ouvert par des enfants en tenue traditionnelle, et acclamé par la foule massée dans les rues et aux fenêtres. Deux soldats ont grimpé sur la tour droite de la cathédrale pour hisser les couleurs de la France, geste classique lors de la prise d’une ville. La liesse populaire n’occupe cependant pas toute la place, puisque, en bas à gauche, on voit deux Allemands (un père et son fils peut-être) qui fuient précipitamment avec quelques bagages et bibelots. Ils sont reconnaissables au chapeau tyrolien du plus grand et à la couleur gris-vert de leurs vêtements. Le tambour le plus à gauche au premier plan semble avoir repéré ces deux intrus et affiche un sourire satisfait devant leur fuite.
Une vision lisse du retour de l’Alsace-Lorraine dans le giron français
En 1914, la perte de l’Alsace-Lorraine n’était plus vraiment au centre des débats et préoccupations en France. Si elle était toujours considérée comme dommageable, « le refus de faire la guerre pour les provinces perdues était général, de sorte que la question était assoupie 1 » (Jean-Jacques Becker, 1914 : Comment les Français sont entrés dans la guerre, p. 62). Le basculement dans la guerre modifia bien sûr cet état de faits et tendit à réactiver ce mythe politique qui, parmi d’autres, permettait d’appuyer les nécessités de la mobilisation patriotique sur le long terme.
Par la suite, l’entrée des armées françaises dans les provinces retrouvées a longtemps été envisagée comme un moment tout de fêtes et de solennité. Toutefois, si l’on déplace le point de vue depuis l’échelon des pouvoirs publics, où la propagande est conçue et structurée, jusqu’aux réalités du terrain, on observe de notables inflexions et contradictions par rapport à cette vue trop lisse.
Les récents travaux sur la question montrent ainsi que l’entrée en Alsace et en Lorraine a été un moment très anxiogène. Les soldats français, empreints de préjugés contre une population germanisée depuis plus de quatre décennies, craignaient les gestes hostiles (francs-tireurs par exemple), tandis que les populations s’interrogeaient sur la façon dont allaient les traiter ceux qui, par certains côtés, représentaient un nouvel occupant. Comme l’analyse Bruno Cabanes, « à ne considérer que les foules communiant dans la liesse, on risque d’oublier ceux (on ne sait combien ils sont) renfermés chez eux dans la crainte des troupes françaises ou cachés derrière leurs volets fermés : tous ceux que les soldats ne voient pas 2 » (Bruno Cabanes, La Victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), p. 110).
Jean-Jacques BECKER, 1914 : Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques, 1977.
Jean-Jacques BECKER et Serge BERSTEIN, Victoire et frustrations, 1914-1929, Paris, Le Seuil, 1990.
Bruno CABANES, La Victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Le Seuil, 2004.
Jean-Baptiste DUROSELLE, La Grande Guerre des Français, Paris, Perrin, 1998.
André LOEZ, La Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2010.
Henri TRUCHY, Les Finances de guerre de la France, Paris, P.U.F., 1926.
François BOULOC, « L’emprunt de la libération de 1918 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/emprunt-liberation-1918
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
L’échange des princesses
En 1622, Marie de Médicis passe commande au célèbre peintre anversois Rubens d’une série de toiles destinées à former un…
La République
Le 21 septembre 1792, la Convention nationale, constituée la veille à la suite des premières élections législatives au suffrage universel, s’est…
L’Alsace, province perdue
L’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1871 provoqua…
Louis XIV et Apollon
Cette gouache sur papier crème de Joseph Werner, peintre bernois appelé à la cour de Louis XIV pour son…
Thomas Couture et la décadence
Formé dans l’atelier d’Antoine Gros et de Paul Delaroche, Thomas Couture se révèle rapidement un…
Conseil économique du travail
Lors du premier conflit mondial, la CGT se révèle un partenaire efficace de l'Union sacrée. Forte de cette…
Le boulangisme et les autres tendances politiques
La courte période boulangiste a été marquée par quelques coups d’éclat publics qui étaient la…
Allégorie de la création du musée historique de Versailles
Le château de Versailles est resté sans véritable emploi durant la Révolution et l’Empire. On y avait installé un « musée spécial de l’Ecole…
Le suffrage universel
Le suffrage universel est le fils aîné de la République : héritage des scrutins à deux degrés de 1789 et 1792,…
La fuite de Blois et la réconciliation
Lorsque Rubens reçoit en 1622 commande d’un cycle de peintures pour orner la galerie occidentale du tout nouveau…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel