Photogramme Poirier. (Vision d'histoire)
Auteur : POIRIER Léon
Lieu de conservation : Historial de la Grande Guerre (Péronne)
site web
Date de création : 1928
Date représentée : 1916
Photogramme, héliogravure
Domaine : Photographies
© Historial de la Grande Guerre - Péronne (Somme) - Photo Yazid Medmoun
EPP3
Reconstituer la guerre de 1914
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Laurent VÉRAY
Compte tenu des handicaps techniques liés à la prise de vue photographique en 1914-1918, et surtout de l’immense danger du champ de bataille, nous ne disposons que de très peu d’images des combats. Pour compenser ce manque, pendant mais aussi après la guerre, on procéda à diverses reconstitutions plus ou moins fidèles à la réalité.
Ce document, à priori exceptionnel par son contenu, a été utilisé à plusieurs reprises comme « illustration choc » dans divers ouvrages historiques (1) et publications récentes (2). Il est généralement présenté comme ayant été pris par un photographe allemand sur le front de Verdun en 1916.
Il montre, de face et en légère plongée, un grenadier français frappé par une balle pendant un assaut, alors que, derrière lui, ses camarades continuent leur progression en courant. Le cliché bien cadré n’est pas totalement net, mais cette imperfection formelle ne fait que renforcer l’impact de cette image apparemment saisie sur le vif. La composition est belle, stupéfiante, pleine de vigueur, dotée d’une incroyable force tragique. On y perçoit tout à la fois l’effrayante dynamique et la violence extrême de la guerre. Cette silhouette un peu floue du soldat se faisant tuer dans le feu de l’action est bouleversante. C’est comme une trace, un instant figé de la mort au combat.
Pourtant, il s’agit d’une reconstitution datant de 1928. Plus précisément d’un photogramme extrait du film de fiction de Léon Poirier intitulé Verdun, visions d’histoire, qui a été tiré en héliogravure et reproduit dans une brochure publicitaire éditée par Jules Tallandier au moment de sa sortie sur les écrans.
Une analyse minutieuse du document permet d’éviter une grave erreur d’appréciation. En effet, si l’on se replace dans le contexte, comment ne pas être frappé au premier coup d’œil par la proximité du sujet photographié : ne disposant pas de grande focale, et connaissant la sensibilité des plaques de verre utilisée en 1914-1918, pour prendre une telle image au moment décisif, il aurait fallu que l’opérateur attende calmement l’arrivée des assaillants, c’est-à-dire qu’il prenne le risque de mourir ou d’être fait prisonnier. Une hypothèse peu probable.
D’autre part, l’extraordinaire qualité de ce cliché parfaitement équilibré au niveau esthétique et signifiant, très différent de la production courante de l’époque, suscite une attention et un intérêt particuliers car elle fait penser à un autre document moins ancien. Un instantané remarquable, devenu mythique, montrant lui aussi un combattant frappé de plein fouet par une balle dans sa course : la mort du républicain espagnol photographié sur le front d’Estrémadure par Robert Capa en septembre 1936. De toute évidence, la perception que l’on a aujourd’hui de ce document, lorsque l’on n’en connaît pas l’origine exacte, peut être influencée et renforcée par le fait qu’il renvoie, dans l’imaginaire collectif, à la célèbre photographie de Capa, exceptionnellement puissante et prise, quant à elle, dans une situation de combat bien réelle[3]. Une image renvoie presque toujours à une ou à plusieurs autres images…
Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.
Laurent VERAY, « Montrer la guerre : photographie, cinéma », in Jean-Jacques BECKER, Jay WINTER, Gerd KRUMEICH (dir.), Guerre et Culture : 1914-1918, Paris, Armand Colin, 1994.
Laurent VERAY, « Ces faux qui font l’histoire », in 14-18 Aujourd’hui, Today, Heute, no 3, Paris, Noêsis, novembre 1999, p. 209-217.
1. C’est le cas, entre autres, dans La Première Guerre mondiale : l’éclatement d’un monde, de Jay Winter, Paris, Bruxelles, Montréal, Zurich, Sélection du Reader’s Digest, 1990, p. 122-123.
2. Voir Le Monde du mercredi 4 novembre 1998 où la photographie est utilisée pour illustrer une série d’articles sur « La mémoire de la Grande Guerre » ; ou encore Le Figaro Magazine du vendredi 31 décembre 1999, numéro spécial intitulé « Un siècle en France : les plus belles photos », p. 16.3. Il faut préciser ici que cette photographie fut un temps soupçonnée d’être une reconstitution.
Laurent VÉRAY, « Reconstituer la guerre de 1914 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/reconstituer-guerre-1914
La frise sur le cinéma engagé (et notamment l’entrée sur la Grande Guerre en 1914) http://upopi.ciclic.fr/apprendre/l-histoire-des-images/histoire-du-cinema-engage
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camp-volant
Où trouve-t-on votre article "Ces faux qui font l'Histoire" ?
curieux de savoir ce que vous pensez de ça :
http://campvolant.wordpress.com/2013/11/11/be-that-man-travail-en-cours/
CV
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