Sauvetage des malades de l'hôpital de la charité, durant l'inondation de 1910
Auteur : BOULANGER A.
Lieu de conservation : musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris)
site web
Date de création : Après 1910
Date représentée : 25 janvier 1910
H. : 97,5 cm
L. : 116 cm
L'hôpital de la Charité était situé rue des Saints-Pères à Paris et fut détruit en 1935 pour faire place à la Faculté de médecine.
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
P2290
Le sauvetage des malades de l'hôpital de l'Ancienne Charité
Date de publication : Septembre 2009
Auteur : Alban SUMPF
L’inondation et l’évacuation de l’hôpital de l’Ancienne Charité
Du 20 au 29 janvier 1910, la ville de Paris subit une crue centenaire de la Seine, et les inondations touchent plus de la moitié de la capitale. Parmi les 20 000 constructions immergées à des degrés divers, plusieurs hôpitaux, dont celui de l’Ancienne Charité. Situé à l’angle du boulevard Saint-Germain et de la rue des Saints-Pères,et donc assez proche de la Seine, le bâtiment voit les eaux envahir ses caves et sous-sols dès le 21 janvier. Si les malades ne sont pas réellement menacés de noyade, c’est tout le fonctionnement de l’établissement qui devient impossible : absence d’eau potable, de chauffage, d’électricité, mais aussi manque de linge propre et de nourriture qu’il est impossible de faire venir en quantité suffisante. Le 25 janvier, la décision est prise d’évacuer certains patients vers d’autres hôpitaux de la capitale. L’opération est rendue difficile par la topographie du Quartier latin, mais elle est finalement menée à bien.
L’évacuation
La peinture intitulée Le Sauvetage des malades de l’hôpital de l’Ancienne Charité (inondations de 1910) est l’œuvre de Boulanger, peintre assez méconnue de la fin du XIXe et du début du XXe siècle et morte après 1925 (le tableau a donc été exécuté entre 1910 et cette date).
Représenté sans profondeur de champ depuis la rue transformée en canal, le sauvetage s’organise dans une lumière d’hiver blême. Devant l’entrée de l’hôpital de l’Ancienne Charité stationnent deux charrettes. La première, attelée de deux chevaux debout dans l’eau jusqu’à mi-poitrail et conduits par deux hommes qui ne sont que des ombres, s’apprête à recueillir une femme pâle et souffrante que plusieurs personnes s’emploient à évacuer par la fenêtre. Drapée d’un blanc assez éclatant, elle passe de bras en bras, en apparence inerte. La seconde charrette, dont n’apparaît que l’arrière, attend que deux hommes y hissent le patient qu’ils brancardent. Même un peu sali, le blanc du drap dont le malade est entièrement couvert contraste avec la masse indistincte des personnes groupées dans l’entrée, sous le fronton orné du drapeau. Derrière la femme masquée qui attend de pouvoir sortir apparaît une lueur glauque, sans doute une cour intérieure elle aussi inondée.
Au premier plan à droite pour le spectateur, une barque passe, presque totalement plongée dans l’ombre. Menée d’une longue rame par un homme debout à peine perceptible dans l’obscurité, elle transporte un couple, dont la femme serre un bébé contre elle, et qui est également en train d’évacuer le quartier comme l’atteste le balluchon posé à l’arrière de l’embarcation.
Une scène symbolique
La peintre crée une atmosphère dramatique et même apocalyptique pour mieux exprimer un symbolisme à la fois mythologique, républicain et religieux. À partir d’un événement contemporain, il peut ainsi retrouver certains thèmes et motifs de la peinture classique. Paris peut aussi, en 1910, connaître des événements « légendaires ».
Les couleurs sales et sombres, la lumière blême, les contrastes et l’absence d’horizon (qui concentre l’attention sur le seul sauvetage) entretiennent un climat oppressant. Les visages presque indiscernables qui se pressent sous le fronton renforcent ce sentiment, dramatisant aussi la scène : on se demande presque s’ils vont tous être sauvés. Oppression, urgence et mort : les silhouettes sombres des deux hommes qui encadrent les chevaux rappellent les figures de la Faucheuse, tandis que la barque au premier plan et son passeur évoquent la mythologie du Styx. D’ailleurs, le patient évacué n’est-il pas entièrement recouvert d’un drap blanc comme le sont les cadavres ?
Face au danger presque apocalyptique, la solidarité s’organise, sous le drapeau français qui la signifie aussi : autour de la femme se forme une sorte de chaîne humaine qui regroupe hommes et femmes de toutes conditions (comme le suggèrent les costumes différents, ouvriers ou plus bourgeois). Peut-être pourrait-on lire ici un symbole républicain. Son sauvetage rappelle par ailleurs le thème de la Descente de Croix : même position du corps presque sans vie, même attroupement autour de celle qui semble souffrir une passion moderne. Le blanc assez lumineux de ses vêtements évoque une certaine sainteté, celle de la vie que l’on sauve, et celle de l’entraide des hommes dans ce moment si sombre.
Marc AMBROISE-RENDU, 1910, Paris inondé, éditions Hervas, Paris 1997.
R.MARTI et T.LEPELLETIER, L’hydrologie de la crue de 1910 et autre grandes crues du bassin de la Seine, in La Houille Blanche, n°8, 1997.
Frédéric CAILLE, La figure du Sauveteur : naissance du citoyen secoureur en France, 1780-1914, Rennes, PUR, 2006.
Alban SUMPF, « Le sauvetage des malades de l'hôpital de l'Ancienne Charité », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/sauvetage-malades-hopital-ancienne-charite
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Corps du soldat et corps de la nation
Jamais auparavant une catastrophe humanitaire d’une telle ampleur n’avait été créée par l’homme. Les légions de tués, les…
La Galerie des Glaces transformée en ambulance
L’effondrement du Second Empire en 1870 suite aux victoires de l’armée allemande s’accompagna d’une avance rapide de l’ennemi jusqu’à Paris,…
Le Choléra à Amiens (1866)
Entre l’été 1865 et l’hiver 1866, le choléra fit son apparition dans de nombreuses régions de France. Ce fut l’épidémie la plus grave depuis 1832…
1er mai 1891 : la fusillade de Fourmies
Le 1er mai 1891, pour la deuxième fois, les organisations ouvrières du monde entier se préparent à agir par…
La visite de Napoléon à l'infirmerie de l'Hôtel des Invalides
Les blessés étaient un souci permanent de Napoléon, bien qu’en réalité il fît assez peu pour soulager leur détresse. Percy, chirurgien en chef de…
Une leçon d’anatomie au XIXe siècle
Le modèle de la médecine clinique (du grec klinè, « lit ») qui s’affirme à la fin du XVIIIe siècle repose sur deux piliers : l’…
Approche historique de la folie
Né dans une famille de chirurgiens, le plus illustre des aliénistes français, Philippe Pinel (1745-1826), est reçu docteur de la faculté de…
Progrès de la médecine infantile
A l’aube du XXe siècle, la médecine des enfants semble entrer dans une ère nouvelle, qui va enfin permettre le recul de la mortalité infantile,…
Extérieur d'un hôpital militaire, dit Les Français en Italie
Désireuse de se voir reconnaître la frontière du Rhin, la France poursuit durant le Directoire la guerre contre l’Autriche et l’Angleterre tout en…
Naissance de la radiothérapie
Il aura fallu moins d’un an entre la découverte des rayons X par le physicien allemand Conrad Röntgen (1845-1923), en novembre 1895, et les…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel