L'Hôtel de Ville et la place de Grève
Auteur : RAGUENET Jean-Baptiste-Nicolas
Lieu de conservation : musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris)
site web
Date de création : 1751
Date représentée : 1751
H. : 47 cm
L. : 85,5 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais / agence Bulloz
03-011152 / CARP0289
Vue de l’Hôtel de Ville au XVIIIe siècle
Date de publication : Novembre 2015
Auteur : Stéphane BLOND
Observer la capitale
Ce tableau tourné vers la place de Grève est signé et daté sous la corniche du quai situé sur la gauche de la toile « Raguenet 1751 ». La même année, l’artiste poursuit son étude du quartier, avec une œuvre centrée sur les deux premières rangées d’immeubles parallèles au fleuve, comme la bâtisse à encorbellement qui correspond au célèbre cabaret « À l’image Notre-Dame ». On lui doit d’autres représentations du quartier de l’hôtel de ville, comme une vue datée de 1753, plus une troisième réalisée en 1754, mais reconstituant la configuration de la place lors de la fête célébrant la naissance de la princesse Marie-Thérèse, fille du dauphin en 1746.
Né en 1715 à Paris, Jean-Baptiste-Nicolas Raguenet est le fils d’un marchand de meubles et d’objets d’art. Son parcours est méconnu, mais il semble se former à l’art au contact de son père et au sein de l’Académie de Saint-Luc, une communauté d’artistes qui concurrence la très officielle Académie royale de peinture et de sculpture. Jusqu’à sa mort en 1793, Raguenet constitue un observateur hors pair. Son souci du détail et l’animation des tableaux rappellent le genre des veduta urbaines des peintres italiens, comme Canaletto (1697-1768) à Venise, dont les œuvres sont déclinées dans des versions gravées.
Un important lieu d’approvisionnement
Comme souvent, Raguenet réalise un tableau où le devant de la scène est occupé par le fleuve. Ici, la vue est probablement prise de l’île de la Cité, depuis un immeuble de la rue Basse ou de la rue d’Enfer, sur le bras nord de la Seine. Le regard est capté par les façades aux teintes blanc-jaune des immeubles qui rythment la partie centrale de la toile. Deux bâtiments se détachent nettement par rapport aux autres : l’hôtel de ville, siège du pouvoir municipal, et l’église Saint-Jean-en-Grève, repérable avec ses deux tours carrées, dont une est surmontée d’une flèche.
La place de Grève doit son nom au revêtement sablonneux incliné en pente douce vers la Seine, séparé d’une grande place par un petit muret. Il s’agit d’un port d’échouage, pour le déchargement des bateaux transportant des marchandises variées : charbon de bois, vin, chaux, etc. Charrettes et chariots assurent ensuite l’acheminement à travers la ville. Fidèle à son souci du détail et de l’anecdote, Raguenet représente les silhouettes furtives d’enfants et un garde qui assure la surveillance de cet espace stratégique. Le site se prolonge vers l’est, en amont de la Seine, avec le port au Blé ou quai des Ormes, pour le ravitaillement en produits céréaliers.
Le centre de la vie municipale
Avec ce tableau, Raguenet s’intéresse à un quartier animé de Paris. Devant l’hôtel de ville, la place de Grève accueille de nombreux divertissements populaires. Le peintre décrit son agitation à l’aide de auvents et de nombreux figurants. On y célèbre les grands moments de la vie du royaume et différentes réjouissances, comme la traditionnelle fête de la Saint-Jean. Ce site est également utilisé pour la mise en scène des exécutions capitales. Le 28 mars 1757, c’est ici que le domestique Damiens est supplicié pendant plus de deux heures. En 1766, Lally-Tollendal meurt à son tour sous les coups de ses bourreaux, avant l’installation d’une guillotine en 1792.
L’hôtel de ville est installé sur le site d’une maison achetée au XIVe siècle par le prévôt des marchands Étienne Marcel, afin d’y assembler les représentants de la municipalité. L’édifice figuré date pour l’essentiel du milieu du XVIIe siècle. Sa façade dessinée par l’architecte italien Boccador possède un décor raffiné inspiré de la Renaissance, avec une série de niches, pilastres et colonnes, ainsi qu’une horloge qui affiche 6h30, c’est-à-dire 18h30 suivant les ombres portées des maisons. L’ensemble est surmonté par un élégant lanternon à plusieurs degrés. Enfin, le bâtiment à colonnades qui prolonge l’hôtel de ville au nord correspond à l’hôpital du Saint-Esprit. Il est détruit avec les habitations du bord de Seine au début du XIXe siècle, lorsque l’hôtel de ville est agrandi.
BACKOUCHE Isabelle, La trace du fleuve : la Seine et Paris (1750-1850), Paris, École des hautes études en sciences sociales, coll. « Civilisations et sociétés » (no 101), 2000.
CHAGNIOT Jean, Nouvelle histoire de Paris. VIII : Paris au XVIIIe siècle, Paris, Association pour la publication d’une histoire de Paris, 1988.
COURTIN Nicolas, Paris au XVIIIe siècle : entre fantaisie rocaille et renouveau classique, Paris, Parigramme, 2013.
GADY Alexandre, PÉROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie (dir.), De l’esprit des villes : Nancy et l’Europe urbaine au siècle des Lumières (1720-1770), cat. exp. (Nancy, 2005), Versailles, Artlys, 2005.
Stéphane BLOND, « Vue de l’Hôtel de Ville au XVIIIe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vue-hotel-ville-xviiie-siecle
Lien à été copié
Découvrez nos études
Le Pont au Change
Ce tableau illustre l’une des grandes facettes de la vie d’artiste d’Hubert Robert, celle du peintre de la réalité urbaine…
Visions de la Tour Eiffel
La tour Eiffel, symbole de Paris et de la France, paraît intemporelle. Mais l’unanimité que suscitent aujourd’hui ses 321 mètres donnent lieu ne…
"La Cathédrale" de Rodin
C'est dans un contexte chargé de symboles que Rodin crée en 1908 une sculpture intitulée La Cathédrale…
Le Grand Canal au XVIIIe siècle
Michele Marieschi (1710-1743) et Francesco Guardi (1712-1793) sont deux illustres représentants du védutisme vénitien…
Le baron Taylor
Né à Bruxelles en 1790, Isidore Taylor est issu d’une famille irlandaise venue s’établir en France sous la Révolution. Artiste, savant,…
L’hôtel des Invalides
Voulue par Louis XIV, l’édification de l’hôtel des Invalides au sud-ouest de Paris est…
La place Saint-Marc au XVIIIe siècle
Luca Carlevarijs (1663-1730), originaire d’Udine, dans le Frioul, est considéré comme le père du védutisme…
Ronald Hoskier, une légende de l'Escadrille Lafayette
Créée le 20 avril 1916, l’…
Le pont Neuf et la Samaritaine au XVIIIe siècle
Cette vue du Pont Neuf et de la Samaritaine est datée et signée par l’artiste, avec une mention inscrite dans l’ombre du coin…
L'Exposition de 1900 à travers des cartes publicitaires
L'Exposition de 1900 est la cinquième Exposition universelle organisée à Paris. Inaugurée sous la présidence d'Emile Loubet, elle a permis à la…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel