Aller au contenu principal
Arrestation dans le ghetto de Varsovie

Arrestation dans le ghetto de Varsovie

Auteur : ANONYME

Lieu de conservation : Le Mémorial de Caen (Caen)
site web

Date de création : Mai 1943

Date représentée : 1943

Photographie. 

Domaine : Photographies

© NARA / Le Mémorial de Caen

Lien vers l'institution

N1500

L’enfant juif de Varsovie

Date de publication : Octobre 2013

Auteur : Alexandre SUMPF

La photographie no 14 de l’album du S.S. Jürgen Stroop

La photographie anonyme « Arrestation dans le ghetto de Varsovie » a été prise lors de la répression de l’insurrection juive qui se déroula du 19 avril au 16 mai 1943. Réalisée par les S.S., elle rend compte d’une arrestation effectuée lors de la « liquidation du ghetto » décidée après la révolte. Elle figure originellement à la quatorzième place d’un album de cinquante-trois clichés annexé au rapport (récit des actions menées contre les « bandits juifs ») que le S.S. responsable des opérations, Jürgen Stroop, adresse à Krüger et Himmler, ses supérieurs.

« Arrestation dans le ghetto de Varsovie » est donc initialement un simple document joint à un compte rendu administratif et policier effectué par et pour les nazis. Si cette photographie présente immédiatement une valeur documentaire concernant les événements, elle reste pourtant confidentielle jusqu’au procès de Nuremberg où elle est exposée comme pièce à charge. Ce n’est que longtemps plus tard (dans les années 70 et 80) qu’elle devient l’une des images les plus célèbres de la Seconde Guerre mondiale, allant parfois jusqu’à symboliser le génocide tout entier et le martyre des millions de victimes de la Shoah.

Arrestation au ghetto

« Arrestation dans le ghetto de Varsovie » montre une scène d’une rare violence et d’une grande tension. Sous la menace armée de S.S. et de soldats, une file de civils sort précipitamment d’un immeuble. Effrayés et hagards, hommes, femmes et enfants ont les mains levées. Si certains des expulsés emportent ce qu’ils peuvent de leurs affaires personnelles dans de sommaires bagages ou dans de dérisoires baluchons de fortune faits avec des draps, les victimes de cette arrestation sont pour la plupart totalement démunies.

Au cœur de la photographie et légèrement détaché du reste du groupe, un petit garçon en manteau boutonné, culotte courte, chaussettes tirées en dessous des genoux et coiffé d’une casquette trop grande, lève lui aussi les mains tandis qu’un soldat braque son arme dans sa direction. Du fait même de la composition du cliché, son visage à l’expression perdue attire inévitablement le regard du spectateur.

D’un symbole à l’autre

Pris à la demande de Krüger, chef suprême de la S.S. et de la police dans l’Est, ce cliché doit, tout comme le rapport Stroop et les autres photographies de l’album qui y est joint, illustrer la répression de l’insurrection du ghetto. Plus généralement, et selon Krüger lui-même, l’ensemble doit témoigner « de nos efforts […] pour la déjudaïsation de l’Europe et du globe terrestre tout entier ». La légende originale du cliché est d’ailleurs sans équivoque : « Forcés hors de leurs trous. »

Il serait donc erroné de penser que l’auteur du cliché ait voulu dénoncer la barbarie des S.S. ou susciter la compassion pour les victimes. Au mieux neutre et « objectif », le regard du photographe a juste capté une scène précise. On peut aussi suggérer qu’il compose son image et choisit ce point de vue si marqué et si marquant dans le but d’exalter la mission des S.S. et la victoire manifeste de l’idéal nazi : en montrant la puissance et la supériorité des « surhommes » sur ceux qu’ils dominent et punissent.

C’est pourtant un tout autre symbole que semble porter cette photographie. Le terrible contraste entre les hommes en armes et les civils (essentiellement des femmes et des enfants) misérables violemment expulsés d’un immeuble lors de cette rafle exprime en effet avec une puissance inouïe la cruauté et l’inhumanité de la scène. Elle révèle involontairement toute l’oppression nazie, qu’elle signifie comme par synecdoque.

Par un même effet, la figure centrale du jeune enfant vulnérable au regard triste, perdu et effrayé sous la menace d’un pistolet mitrailleur, finit par représenter celle de toutes les victimes.

De la justification à l’accusation du régime et de ses exactions, l’inversion du sens et de la fonction d’« Arrestation dans le ghetto de Varsovie » semble donc inévitable. Elle redit même en creux le fanatisme de ses auteurs, incapables d’envisager les effets dévastateurs d’une telle image.

· Larissa CAIN, Ghettos en révolte : Pologne, 1943, Paris, Autrement, coll. « Mémoires », 2003.

· Marek EDELMAN, Mémoires du ghetto de Varsovie, Paris, Liana Levi, coll. « Piccolo », 2002.

· Samuel KASSOW, Qui écrira notre histoire ? Les archives secrètes du ghetto de Varsovie, Paris, Grasset, coll. « Champs histoire », 2011.

· Frédéric ROUSSEAU, L’Enfant juif de Varsovie : histoire d’une photographie, Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2009.

Alexandre SUMPF, « L’enfant juif de Varsovie », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/enfant-juif-varsovie

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

La "Rafle du billet vert" 1/2

La "Rafle du billet vert" 1/2

En reportage avec la Gestapo

Parmi la centaine de clichés documentant la « rafle du billet vert » récemment réapparus, nombreux sont ceux qui…

La
La
Les Protocoles des sages de Sion

Les Protocoles des sages de Sion

Un faux à la diffusion planétaire

Cette image est la couverture du livre Les protocoles des sages de Sion. L’ouvrage se…

L’enfant juif de Varsovie

L’enfant juif de Varsovie

La photographie no 14 de l’album du S.S. Jürgen Stroop

La photographie anonyme « Arrestation dans le ghetto de Varsovie » a été prise…

Le Reich contre-attaque

Le Reich contre-attaque

Sur la défensive

Quand les Français découvrent sur les murs de leurs villes Voilà ce que le bolchevisme apporterait à l’Europe, les plus âgés ont…

Le Reich contre-attaque
Le Reich contre-attaque
La Révolution nationale ou le redressement de la « Maison France »

La Révolution nationale ou le redressement de la « Maison France »

Promouvoir la Révolution nationale

La défaite face à l'armée allemande (mai-juin 1940) signe la fin de la IIIe République et la…

La "Rafle du billet vert" 2/2

La "Rafle du billet vert" 2/2

Un ballon d’essai

Mi-mai 1941, l’axe entre Paris et le Loiret s’anime à nouveau, comme 11 mois plus tôt. Cependant, au lieu de l’exode dans la…

La
La
L’exposition <em>Le Juif et la France</em> à Paris

L’exposition Le Juif et la France à Paris

Une exposition « pédagogique » et « scientifique ».

Du 5 septembre 1941 au 5 janvier 1942, l’exposition intitulée « Le Juif et la France » se…

Édouard Drumont, le chantre de l’antisémitisme dans la France de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle

Édouard Drumont, le chantre de l’antisémitisme dans la France de la fin du XIXe siècle

Édouard Drumont, un homme de son temps ?

La photographie de Pierre Petit appartient à la célèbre collection Félix Potin. Ce précurseur dans le…

Felix Nussbaum, un artiste en clandestinité 1/1

Felix Nussbaum, un artiste en clandestinité 1/1

Un artiste juif en exil et en clandestinité

Né en 1904 dans une famille allemande juive d’Osnabrück, en Basse-Saxe, Felix Nussbaum se forme comme…

Le Vel d’Hiv, invisible et inoubliable

Le Vel d’Hiv, invisible et inoubliable

Emportés par le « Vent printanier »

Les 16 et 17 juillet 1942, l’opération « Vent printanier » [1] imaginée par l’occupant allemand et menée par…