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Cahier de surveillance des prédicateurs.

Cahier de surveillance des prédicateurs.

Précis historique de la mission de 1818 à Grenoble.

Précis historique de la mission de 1818 à Grenoble.

Portrait du révérend Père Henri Lacordaire.

Portrait du révérend Père Henri Lacordaire.

Prédication d'Henri Lacordaire à Notre-Dame de Paris.

Prédication d'Henri Lacordaire à Notre-Dame de Paris.

Cahier de surveillance des prédicateurs.

Cahier de surveillance des prédicateurs.

Date de création : 1813

Date représentée : 1813

H. : 37 cm

L. : 24 cm

Cahier de 6 folios : folios 3 verso et 4 recto.

Domaine : Archives

© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie

http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr

F/19/5554

Prédication catholique et pouvoir au XIXe siècle

Date de publication : Juin 2006

Auteur : Nadine GASTALDI

Une parole surveillée

Fondé dès ses origines sur la transmission de la « parole de Dieu », le christianisme accorde une place éminente à la prédication. Au XIXe siècle, outre le prêche dominical assuré par le prêtre paroissial, existent de nombreux temps de prédication extraordinaire souvent confiés, dans les villes d’une certaine importance, à des ecclésiastiques spécialisés : avent, carême, missions et autres sermons liés à des solennités particulières. Après la Révolution, la prédication est un acte pastoral essentiel de reconquête et d’affirmation pour une Église catholique en reconstruction. Sous la Monarchie de Juillet et la IIIe République, elle reste une de ses armes dans ses fréquentes luttes avec l’État. C’est pourquoi ce dernier a encadré la prédication de tout un arsenal juridique.

Dès la Révolution, l’obligation du serment est étendue aux prédicateurs (loi du 5 février / 27 mars 1791). Depuis les articles organiques de la loi sur les Cultes du 18 germinal an X (8 avril 1802), l’autorisation de l’évêque est nécessaire pour prêcher dans un diocèse (art. 50). Le décret sur les fabriques du 30 décembre 1809 précise qu’un prédicateur ne peut intervenir dans une paroisse que sur demande du prêtre et avec accord du conseil de paroissiens qui l’assiste (art. 32). Enfin, le Code pénal de 1810 (art. 201 à 203) prévoit, contre les ecclésiastiques qui tiennent des propos hostiles au gouvernement lors de prêches publics, des peines allant de 3 mois à 2 ans de prison (portées à plus de 2 ans de prison ou au bannissement si les fidèles ont été conduits à la désobéissance ou à la sédition).

Des prédicateurs autorisés sous l’Empire

Sous le 1er Empire, le contrôle de la prédication est effectif : après les troubles de la Révolution, le maintien de la paix religieuse est primordial et exige une parole mesurée. Après 1809, la querelle avec le pape justifie aussi une surveillance étroite. Un cahier, tenu par le ministère des Cultes, relatif aux prédicateurs intervenant en 1813 dans une France élargie à une partie de l’Italie et de la Belgique, montre qu’alors, une autorisation gouvernementale est même requise pour qu’un prêtre étranger à un diocèse y prêche. On y voit, comme pour le Père Marzano, que cette autorisation est toujours déniée aux ecclésiastiques spécifiquement voués aux missions. On note aussi que des observations sont recueillies sur les prêcheurs autorisés, tels ici sur les Pères Lambert et Lesage : portant sur le plan moral comme politique, elles augurent de futurs refus.

Une mission sous la Restauration

Avec la Restauration, la prédication rencontre, de façon éphémère, les faveurs du pouvoir. La Société des prêtres des Missions de France, fondée par l’abbé Jean-Baptiste Rauzan (1757-1847), chapelain du roi, est autorisée (25 sept. 1816). Au-delà des prédications liées au calendrier liturgique, se développent alors les « missions » destinées aux fidèles. Elles ont pour but de revivifier la foi à travers actes symboliques et prêches, souvent en plein air. J.-L. Brad relate, dans sa brochure, l’une de ces missions, menée à Grenoble du 6 janvier au 25 février 1818 : comment les sermons des 9 prêtres de la Mission gagnèrent les cœurs, comment l’on chanta des cantiques, combien fut « touchante » la cérémonie de « l’Amende-honorable » qui réunit près de 10000 fidèles dans 3 églises de la ville, comment l’on se confessa en masse, comment les villageois des campagnes environnantes affluèrent en nombre, comment les cérémonies se succédèrent avec succès (renouvellement des vœux du baptême, consécration à la Vierge, communion) unissant dans la même ferveur tous les âges et toutes les conditions jusqu’à celle d’érection de la croix de mission au cours de laquelle l’abbé Rauzan « d’une voix sainte, rappelle au nom de Christ ce que nous devons à la religion, au roi et à la patrie ».

Lacordaire

La Monarchie de Juillet s’empressa d’interdire la légitimiste Société des prêtres des Missions de France (25 déc. 1830). C’est à cette période pourtant que s’élève la voix du plus célèbre prédicateur français du siècle, celle du P. Lacordaire (1802-1861), prêtre en 1827, dominicain en 1840 et prédicateur depuis 1835. Et cette voix défend de conserve liberté politique et liberté religieuse : condamnant le coup d’État de Napoléon III, Lacordaire refusera ainsi de prêcher à Notre-Dame de Paris après 1851. C’est l’un de ses prêches à Notre-Dame que montre une aquarelle anonyme d’époque. L’auditoire nombreux, attentif et plutôt masculin est groupé au pied de la chaire, le regard levé vers le prédicateur. Celui-ci, le bras droit tendu, arbore une pose classique d’orateur et l’on remarque qu’il porte l’habit religieux.

De Nancy où en 1843, il a fondé le premier nouveau couvent dominicain de France, Lacordaire évoque cette question de l’habit dans une lettre du 2 octobre 1846[1] à son amie Sophie Swetchine qui anime à Paris d’un salon au profit des catholiques libéraux : il s’agit en paraissant en habit à Notre-Dame de gagner définitivement le droit au port public du costume religieux, prohibé depuis 1792. L’habit n’est-il pas un moyen de prêcher, en rendant visible l’Église et ses serviteurs ? Lacordaire gagne son pari : son action reste sans suite judiciaire.

C’est cet habit, dépourvu de sa cape noire, que le délicat tableau de Louis Janmot (1814-1892) met en valeur dans toutes ses nuances de blanc, sur fond de paysage montagneux aux doux tons de gris, de vert et de bleu. Lacordaire a posé pour l’artiste lyonnais en 1845 à Chalais, près de Grenoble, où il vient de fonder un noviciat dominicain. L’œuvre reflète à la fois la bienveillance, la sérénité et l’assurance du religieux auquel Janmot, lui aussi catholique progressiste, voue une réelle admiration. C’est une image apaisée de celui dont Théodore Chassériau fit, en 1841, un portrait intense.

Démocratie et liberté de parole.

Tout au long du siècle, va se développer la contradiction entre le principe de liberté mis en place par la Révolution et celui d’autorité de l’État, dans un cadre qui se veut démocratique. La question de la prédication est un cas d’école de cette opposition inévitable. Cela sera encore plus net après l’arrivée des Républicains au pouvoir en 1879. Alors qu’une loi nouvelle accorde en 1881 une très grande liberté à la presse, la parole religieuse, dès qu’elle est jugée opposée à la République, est abondamment poursuivie. Des circulaires ministérielles répétées demandent ainsi aux préfets de signaler « les violences en chaire » (28 mai 1880 , 30 sept. et 9 nov. 1881). Il s’agit, pourtant, pour l’Église de s’exprimer sur des sujets qui la touchent directement, tels l’enseignement ou les congrégations. C’est la Séparation des Églises et de l’État, en 1905, qui rend, en fait, sa liberté d’expression à l’Église catholique : ses membres sont alors délivrés du « devoir de réserve » que leur imposait le lien concordataire.

Bernard JEUFFROY et François TRICARD, Liberté religieuse et régime des cultes en droit français : textes, pratique administrative, jurisprudence, Paris, Cerf, 1996.Guy BEDOUELLE (dir.), Lacordaire, son pays, ses amis et la liberté des ordres religieux en France, Paris, Cerf, 1991.

1. Lettre du père Lacordaire à madame Swetchine

Nancy, 2 octobre 1846.Me voici de retour à Nancy, très chère bonne amie, depuis très peu de jours. Je me suis arrêté, en venant, à Bourg où j’ai donné un discours que le vieil et excellent évêque de Belley [Mgr Alexandre-Raymond Devie] me demandait depuis trois ans. J’ai été fort content que l’accueil que m’a fait ce bon vieillard ; le clergé et la jeunesse m’ont aussi témoigné beaucoup de sympathie. Le surlendemain de mon arrivée à Nancy, j’ai béni notre chapelle en présence d’un auditoire aussi nombreux qu’il était possible ; tout s’est passé avec calme et édification. L’autorité civile n’a pas soufflé le mot. Nous avons même eu dans l’auditoire le général commandant le département, M. de Gouy, lequel, depuis quatre ans, m’a toujours témoigné beaucoup de bienveillance. Je dois donner à Nancy deux discours, l’un pour une fête patronale des négocians, où se fera une quête pour les pauvres, l’autre pour les Frères de la Doctrine chrétienne. Mon départ est fixé au 29 octobre, et par conséquent j’aurai le bonheur de vous revoir dès le 31. Le P. Hensheim, que vous connaissez déjà, me précèdera de trois jours. Ceci, chère amie, n’étant autre chose qu’un bulletin, je le termine là, où plutôt, je ne le termine pas là ; car je vais faire près de Mgr l’archevêque de Paris [Mgr Denis-Auguste Affre] une demande dont je suis bien aise de vous instruire. Vous savez que le port de mon habit, depuis deux ans, n’a souffert aucune difficulté ni à Lyon, ni à Strasbourg. Je l’ai porté en chaire, comme partout, et le ministère a cessé de poursuivre cette prétendue violation des lois. Le P. Hensheim a même prêché à Paris en costume sans qu’on y ait fait attention. C’est donc une conquête achevée, sauf la chaire de Notre-Dame de Paris. En 1843, j’ai fait à Mgr de Paris, sur son instante prière, la concession d’y paraître avec le camail d’un chanoine pardessus ma tunique religieuse, et réellement il était impossible alors, au moment où il me rappelait à Notre-Dame malgré tous les efforts de la Cour, de ne pas lui accorder ce gage de tranquillité. Mais aujourd’hui tout est changé, et je dois à tout le moins réclamer pour Notre-Dame ce qui m’est loisible partout sans aucune opposition. Ce dernier pas achèverait de conquérir en France le port public de l’habit religieux, et cette liberté consacrée par un usage solennel est trop importante pour négliger de se l’assurer. Voilà, chère amie, la seule chose un peu sérieuse qui m’occupe en ce moment. J’ignore quel sera le résultat de ma demande, mais du moins j’aurai fait mon devoir. J’ai laissé seize religieux à Chalais. Les demandes pour entrer dans notre ordre se multiplient de plus en plus. Mgr l’évêque d’Autun [Mgr Bénigne-Urbain Trousset d’Héricourt], qui s’était montré fort hostile, après avoir vu plusieurs de ses prêtres entrer à Chalais et avoir su d’eux la vie qu’on y menait, s’est exprimé publiquement en notre faveur. Bien des signes annoncent l’augmentation des notre autorité morale. Bénissons-en Dieu et confions-nous à lui. Je vous renouvelle l’expression de mon attachement inaltérable. Fr. L.

Centre historique des Archives nationales. AB XIX 5012.

Nadine GASTALDI, « Prédication catholique et pouvoir au XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/predication-catholique-pouvoir-xixe-siecle

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