Aller au contenu principal
La cathédrale de Reims, septembre 1917

La cathédrale de Reims, septembre 1917

La cathédrale de Soissons coupée en deux par les obus

La cathédrale de Soissons coupée en deux par les obus

Saint-Jean-des-Vignes, Soissons, septembre 1918.

Saint-Jean-des-Vignes, Soissons, septembre 1918.

La cathédrale de Reims, septembre 1917

La cathédrale de Reims, septembre 1917

Date de création : 1917

Date représentée : Septembre 1917

H. : 26,8 cm

L. : 35 cm

Huile sur bois.

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - G. Blot

http://www.photo.rmn.fr

98-019633 / Dsb48

Les ravages de la guerre 14-18

Date de publication : Juin 2006

Auteur : Alain GALOIN

La guerre de 1914-1918 marque tragiquement l’entrée du monde dans le XXe siècle. Ce fut une guerre mondiale et totale : à des degrés divers, tous les continents y furent impliqués, même si l’essentiel des opérations militaires se déroulèrent en Europe. Prévu et préparé depuis longtemps, le conflit était inéluctable pour l’Allemagne qui avait vainement tenté d’isoler diplomatiquement la France depuis la guerre de 1870. Le mécanisme des alliances – Triple-Alliance et Triple-Entente – devait irrémédiablement fonctionner pour peu que se produisît l’étincelle qui déclencherait les hostilités. Le 28 juin 1914, l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, fut cette étincelle qui embrasa l’Europe.

Malgré le nombre important de puissances engagées dans le conflit dès les premiers mois de la guerre – Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie, Empire ottoman, Bulgarie, Serbie, Russie, France, Grande-Bretagne, Roumanie –, l’affrontement fut essentiellement franco-allemand au départ. L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914, et, dès le lendemain, les troupes allemandes, violant sa neutralité, envahissent la Belgique et pénètrent en territoire français. L’empereur Guillaume II concentre sur ce front l’essentiel de ses forces, soit soixante-dix-huit divisions, n’en envoyant que neuf combattre les Russes, à l’est : le plan Schlieffen prévoit de vaincre la France en six semaines.

Alors que les troupes françaises se portent vers le nord et l’est du pays, les Allemands s’engouffrent dans la vallée de l’Oise. Le 31 août 1914, ils sont à Compiègne, le 2 septembre à Soissons, à Senlis et à Meaux ; le 3 septembre, ils entrent dans Reims. Pour arrêter la progression des troupes ennemies, le général Joffre, commandant en chef des armées françaises, déclenche alors la bataille de la Marne, contre-offensive victorieuse qui délivre Épernay le 11 septembre et Reims le 13, mais qui ne suffit pas à bouter l’adversaire hors des frontières. Commence alors une guerre de tranchées qui va durer près de quatre ans et engendrer d’immenses pertes humaines et des dommages matériels considérables.

Issu par sa mère du baron Pas de Beaulieu, capitaine de vaisseau qui prit part à la guerre d’indépendance des États-Unis en 1778 dans l’escadre du comte d’Estaing, Joseph-Félix Bouchor est né à Paris en 1853. Vers l’âge de vingt ans, il se découvre une soudaine passion pour la peinture, que ses amis Édouard Manet (1832-1883) et le caricaturiste André Gill (1840-1885) encouragent vivement. En 1914, âgé de soixante et un ans, il demande à être mobilisé et devient peintre attaché au musée de l’Armée. Pendant toute la guerre, il parcourt le front, esquissant sur le vif les combats, les édifices ravagés, les scènes de la vie des soldats dans les tranchées. Portraitiste, il fixe sur le papier les traits de nombreuses personnalités civiles et militaires engagées dans le conflit : les généraux Joffre, Gallieni, Foch, Pétain, Franchet d’Espérey… mais aussi le roi des Belges Albert Ier, André Tardieu, Raymond Poincaré, Alexandre Millerand, Gabriele d’Annunzio… Nombre de ces portraits furent reproduits à des milliers d’exemplaires sous forme de cartes postales et distribués aux combattants.

Joseph-Félix Bouchor a laissé de précieux témoignages picturaux sur les dommages subis par le patrimoine civil et religieux pendant la Première Guerre mondiale. En septembre 1917, il est à Reims où il brosse un tableau représentant la cathédrale en grande partie détruite par les bombardements allemands. La façade se dresse, intacte, au milieu de la ville meurtrie. On devine – plus qu’on ne voit – la nef désormais à ciel ouvert.

Un an plus tard, en septembre 1918, il est à Soissons où il peint la cathédrale dont la façade est coupée du reste de l’édifice, les trois premières travées de la nef ayant été anéanties par les obus. C’est également en septembre 1918 qu’il représente la façade monumentale de l’église abbatiale Saint-Jean-des-Vignes qui domine cette ville de l’Aisne particulièrement sinistrée et qui, par sa situation élevée, constitue une cible privilégiée pour l’artillerie allemande.

Pendant les trois années et demie que dure cette guerre d’usure, les lignes allemandes demeurent à 1 500 mètres au nord-est de Reims, qui subit 1 051 jours de bombardements. La cathédrale est atteinte dès le 19 septembre 1914. Un gigantesque incendie embrase l’édifice, détruisant la totalité des toitures. Le monument sera ensuite endommagé à plusieurs reprises, notamment en avril 1917 et juillet 1918. À la fin de la guerre, la ville est détruite à 90 %. Durant une nuit de l’hiver 1918-1919, la voûte de la prestigieuse basilique Saint-Remi, ébranlée par les obus pendant près de quatre ans, s’effondre. L’acharnement des Allemands à détruire Reims, la cité royale, bouleverse l’opinion publique, convaincue que l’ennemi est un « barbare » sans âme. C’est avec la générosité des alliés américains, organisée par de grandes personnalités telles que Myron T. Herrick, ambassadeur des États-Unis en France, que la ville se relève progressivement de ses ruines. John Davison Rockefeller (1839-1937) est, avec le Danemark, le principal mécène de la reconstruction de la cathédrale, reconstruction qui s’est échelonnée sur dix ans.

La situation de Soissons pendant la Grande Guerre offre une similitude frappante avec celle de Reims. Investie par les Allemands le 2 septembre 1914, elle est libérée le 12, lors de la contre-offensive française de la Marne, mais jusqu’en mars 1917, l’ennemi occupe la cote 312, sur les hauteurs qui dominent la ville. Pendant deux ans et demi, Soissons est ainsi soumise à des bombardements nourris. En 1918, la ville est détruite à 80 %. La cathédrale a été systématiquement visée, mais aussi l’abbaye Saint-Jean-des-Vignes, le palais de justice, l’hôpital…

Le conflit n’a donc pas épargné les monuments historiques. L’incendie volontaire de la bibliothèque de Louvain, la destruction du centre historique d’Arras, le bombardement de la cathédrale de Reims, causèrent une douloureuse stupeur. Il fallut se rendre à l’évidence : rien n’échapperait à cette guerre à outrance, encouragée par l’exaspération des sentiments nationaux.

Stéphane AUDOUIN-ROUZEAU et Jean-Jacques BECKER (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, 1914-1918, Paris, Bayard, 2004.Marthe CAILLAUD, « Pages de la guerre 14-18 en Picardie : La Somme, Quennevières, Laffaux, Ugny-le-Gay », in Annales historiques compiégnoises n° 27, 1984.Lieutenant-colonel Michel DICHARD, « Aperçu historique sur les combats de 1914 à 1918 dans la région de Compiègne », in Annales historiques compiégnoises n° 47-48, 1991.John HORNE et Alan KRAMER, 1914.Les atrocités allemandes, Paris, Tallandier, 2004.Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, Paris, Fayard, 2004.Soissons avant et pendant la guerre, Clermont-Ferrand, Michelin et Cie, coll. « Guides illustrés Michelin des champs de bataille (1914-1918) », 1930.

Triple Alliance : Ou Triplice. Alliance formée par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, officiellement rompue en mai 1915 lors de l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de la Triple Entente.

Triple Entente : Ou Entente. Alliance élaborée entre la France, la Grande-Bretagne et la Russie à partir de 1898 pour contrebalancer la Triple Alliance (ou Triplice), formée par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.

Alain GALOIN, « Les ravages de la guerre 14-18 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/ravages-guerre-14-18

Anonyme (non vérifié)

Je viens de découvrir votre site un peu par hasard et je le trouve formidable. Il est très bien illustré de peintures d'artistes et je fais des découvertes intéressantes. Bravo à vous et à bientôt. Je vais m'inscrire à la lettre d'information. Salutations, Ginette Lefebvre

dim 01/09/2019 - 12:09 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Les Troupes coloniales françaises

Les Troupes coloniales françaises

En 1914-1918, les opérations militaires n’ont pas été très importantes en Afrique. En revanche, les soldats originaires des colonies ont joué un…

Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette

Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette

Rockwell, une légende de Lafayette

L’escadrille La Fayette, composée de jeunes pilotes américains, combattants volontaires du côté français avant l…

Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette
Rockwell, une légende de l’Escadrille Lafayette
Les fausses nouvelles de la guerre

Les fausses nouvelles de la guerre

Censure et désinformation

Pendant le premier conflit mondial, les autorités civiles et militaires ont toutes expérimenté la tension entre…

La vie quotidienne dans les tranchées

La vie quotidienne dans les tranchées

Par sa durée et sa violence, la Grande Guerre a constitué une expérience sans précédent historique pour les huit millions de Français mobilisés…

La vie quotidienne dans les tranchées
La vie quotidienne dans les tranchées
La vie quotidienne dans les tranchées
Artillerie et artilleurs dans la bataille du chemin des Dames

Artillerie et artilleurs dans la bataille du chemin des Dames

16 avril 1917 : l’offensive Nivelle

Le lieu choisi par le général Nivelle pour sa tentative de rupture du front au printemps 1917 est, si l’on peut…

La paix de Brest-Litovsk

La paix de Brest-Litovsk

Située sur le Bug, Brest-Litovsk a été choisie comme lieu de négociations entre l’Allemagne impériale et le pouvoir bolchevique. Les délégations…

La paix de Brest-Litovsk
La paix de Brest-Litovsk
Le tourisme du souvenir : les Américains en France

Le tourisme du souvenir : les Américains en France

Les Américains dans la Première Guerre mondiale, bienfaiteurs des civils français

L’entrée de la puissance américaine dans la Première Guerre…

Le tourisme du souvenir : les Américains en France
Le tourisme du souvenir : les Américains en France
Le tourisme du souvenir : les Américains en France
Le tourisme du souvenir : les Américains en France
Les troupes américaines vues par Jean Hugo

Les troupes américaines vues par Jean Hugo

La fin de la guerre vue depuis les rangs de l’armée américaine

Affecté en 1917 en Lorraine comme aide de camp et interprète à la première…

Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Les troupes américaines vues par Jean Hugo
Constantin Brancusi, un sculpteur au travail dans son atelier

Constantin Brancusi, un sculpteur au travail dans son atelier

Une œuvre de la mémoire en Roumanie

Pendant l’entre-deux-guerres, pour honorer la mémoire et le sacrifice des 9 millions de disparus de la Grande…

Jouer à la guerre

Jouer à la guerre

Les enfants, enjeu de propagande

La Première Guerre mondiale a laissé de nombreux artefacts produits dans les tranchées, comme la poupée…

Jouer à la guerre
Jouer à la guerre
Jouer à la guerre