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Tombeau du maréchal Turenne (1611-1675)

Tombeau du maréchal Turenne (1611-1675)

Date de création : 1675 - 1680

bronze et marbre. Tombeau érigé à la basilique Saint-Denis sur ordre de Louis XIV, déplacé aux Invalides sur ordre de Napoléon Bonaparte en 1800.

Domaine : Sculptures

© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN - Grand Palais / Anne-Sylvaine Marre-Noël

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Le tombeau de Turenne

Date de publication : Septembre 2019

Auteur : Jean HUBAC

Le tombeau d’un maréchal de France

Le 17 avril 1676, le neveu de Turenne, cardinal de Bouillon, passa commande d’un mausolée en mémoire de son oncle, destiné à prendre place dans une chapelle de l’abbaye de Saint-Denis, aux côtés des rois et reines de France, honneur insigne réservé aux plus grands serviteurs de la couronne. Charles Le Brun exécuta les dessins préparatoires au tombeau. Le montant de la réalisation de l’œuvre par les sculpteurs Gaspard Marsy et Jean-Baptiste Tuby s’élevait à plus de 50 000 livres.

 « Il meurt au milieu de sa gloire », écrit madame de Sévigné pour évoquer la disparition du maréchal de Turenne en pleine bataille de Sasbach le 27 juillet 1675. En effet, c’est en pleine guerre de Hollande, à la tête de l’armée dite « d’Allemagne » déployée contre le Saint-Empire et le Brandebourg dans la vallée du Rhin, qu’Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675), illustre représentant de la famille de Bouillon, vicomte de Turenne et maréchal de France, succombe au choc d’un boulet de canon ennemi. Fauché au faîte de sa gloire militaire, Turenne meurt peu avant d’atteindre 64 ans.

L’oraison funèbre du général fut prononcée par Mascaron, alors que Bossuet avait été l’artisan de sa conversion au catholicisme quelques années auparavant. Les funérailles de Turenne furent l’occasion d’une magnificence toute royale, selon le vœu de Louis XIV, qui souhaitait ainsi manifester l’admiration collective à celui qui passait pour le plus grand général en exercice. Ce faisant, il s’agissait aussi pour le roi de capter l’héritage du généralissime en écartant de sa gloire posthume toute possibilité de récupération familiale par les Bouillon – en effet, la famille de Turenne avait pratiqué pendant de longues décennies une politique d’indépendance vis-à-vis du pouvoir royal. Les obsèques se déroulèrent ainsi à Saint-Denis le 31 août 1675 et précédèrent une cérémonie funèbre à Notre-Dame de Paris le 9 septembre de la même année.

L’incarnation de la guerre victorieuse

Les artistes ont choisi de saisir la postérité du général dans le marbre. L’œuvre se compose d’un groupe autour du maréchal allongé, au-dessus du tombeau proprement dit (où a été enseveli son corps, après en avoir prélevé le cœur, inhumé quant à lui à Cluny), décoré d’un bas-relief en bronze et flanqué de deux allégories éplorées. Le tout est surmonté d’une pyramide de marbre gris.

Vêtu à l’antique, Turenne est allongé sur la dépouille du lion de Némée, rappelant ainsi le caractère d’exploit de ses succès militaires, semblables à ceux d’Héraclès. À l’origine, il brandissait un bâton de maréchal qui s’est perdu depuis. À ses pieds, un aigle impérial évoque la soumission du Saint-Empire, contre lequel il livra ses dernières campagnes des années 1672-1675. Une femme le soutient et lève une couronne de laurier vers laquelle le grand capitaine lève les yeux. S’agit-il d’une allégorie de la Foi chrétienne, celle qui l’aura fait renoncer au protestantisme familial en 1668 pour embrasser le catholicisme, ou bien d’une allégorie de l’Immortalité, celle à laquelle il accède en quittant son corps mortel ? Sans pouvoir trancher, il est évident qu’il s’agit de mettre en valeur la gloire immortelle conquise durant une vie au service du roi (avec un voile pudique sur les premières années de la Fronde) et de la grandeur de la France.

Les deux femmes qui pleurent sa disparition sont elles aussi difficiles à identifier avec certitude. S’il s’agit sans doute possible d’une allégorie de la guerre sculptée sous les traits d’une Athéna désolée par la mort du général à droite, la figure de gauche peut être interprétée comme une allégorie de la Générosité ou comme celle de la Science, afin de rappeler que l’exercice des armes, surtout victorieux, s’est toujours accompagné chez Turenne par une magnanimité qui rehausse son mérite ou par une technique qu’il maîtrisait parfaitement.

Le bas-relief représente la bataille de Turckheim, livrée en 1675, qui reste dans les mémoires comme un chef d’œuvre militaire et qui valut à Turenne une véritable gloire dans tout le royaume. Une manœuvre tournante opérée durant l’hiver permit de surprendre l’ennemi le 5 janvier 1675 et de l’emporter en dépit de l’infériorité numérique face aux armées du Grand Électeur de Brandebourg. L’Alsace était sauvée et Turenne assuré d’une réelle estime populaire.

L’instrumentalisation de la gloire du maréchal de Turenne

Dans un mélange de religiosité chrétienne et de référents antiques, le monument funéraire résume la gloire de Turenne à sa dernière campagne, alors que sa carrière victorieuse avait commencé durant les années 1640, après son accession au maréchalat de France. Le général avait contribué au rétablissement de la situation française avant la paix de Westphalie (1648), puis permis de réduire la Fronde (après avoir lui-même d’abord succombé aux sirènes frondeuses), et participé victorieusement à la lutte contre l’Espagne jusqu’à la paix des Pyrénées (1659). Il est ensuite de toutes les campagnes menées en terre impériale sous le règne personnel de Louis XIV, considéré avec le prince de Condé comme un des deux plus grands généraux de son temps.

Pourquoi dans ces conditions ne pas avoir accédé à la volonté de sa famille de graver une épitaphe sur son tombeau ? Il semble que sa qualité de prince étranger, titre accordé aux membres de familles souveraines résidant en France, en l’occurrence en vertu de son appartenance à la famille souveraine de Sedan et de Bouillon, ait posé problème au monarque. En effet, une épitaphe eût immanquablement désigné Turenne comme un prince, ce que Louis XIV n’aurait pas souhaité. Pour le roi, la gloire du maréchal n’était due qu’à son génie militaire propre et à la grâce royale ; qu’elle soit également redevable à sa qualité de prince en eût pu ternir le lustre aux yeux du roi, seul dispensateur de toute grâce.

Il n’en reste pas moins que Turenne laissa dans les esprits une image positive, dès sa mort violente. Lors de l’éloge funèbre qu’il prononça dans la cathédrale de Paris, Esprit Fléchier pouvait s’exclamer : « Retenons nos plaintes, Messieurs, il est temps de commencer son éloge, et de vous faire voir comment cet homme puissant triomphe des ennemis de l’État par sa valeur, des passions de l’âme par sa sagesse, des erreurs et des vanités du siècle par sa piété. […] Ainsi tout le royaume pleure la mort de son défenseur ; et la perte d’un homme seul est une calamité publique. »

Le tombeau fut placé dans la basilique Saint-Denis en 1683. Plus d’un siècle plus tard, les révolutionnaires profanèrent les sépultures royales et n’épargnèrent pas celle de Turenne. C’est en 1800, sur ordre de Napoléon Bonaparte, que le monument funéraire fut déplacé aux Invalides, que le premier consul décida de consacrer aux gloires militaires de la France. Considéré par Bonaparte comme le plus grand stratège de la monarchie, Turenne sera ensuite rejoint aux Invalides par Vauban, Napoléon lui-même, Foch, Lyautey… si bien que la gloire des uns rehaussa la postérité des autres.

Jean-Philippe CENAT, Le roi stratège. Louis XIV et la direction de la guerre (1661-1715), Presses universitaires de Rennes, 2010.

Jean BÉRANGER, Turenne, Paris, Fayard, 1987.

Id., « Turenne », in François BLUCHE (dir.), Dictionnaire du Grand Siècle, Fayard, édition revue et corrigée, 2005.

Fadi EL HAGE, Histoire des maréchaux de France à l’époque moderne, Nouveau Monde Editions, 2012.

Jean HUBAC, « Le tombeau de Turenne », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/tombeau-turenne

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